Ce rapport vient conclure un cycle dans la législature sur le transport ferroviaire. C'est un rapport à la fois descriptif et prospectif, portant sur les règles européennes régissant le secteur des transports ferroviaires, qu'il s'agisse de règles spécifiques ou de celles concernant le marché unique. Il s'inscrit également dans la continuité des assises du ferroviaire qui se sont achevées en décembre 2011.
Force est de constater que si la dynamique européenne a multiplié les échanges et donc la demande de transport de voyageurs et de marchandises, le secteur ferroviaire n'en a pas profité à du montant.
Rappelons tout d'abord le cadre réglementaire communautaire. Le premier paquet de 2001 prévoit une ouverture progressive des réseaux en élargissant aux entreprises ferroviaires de l'UE, pour les trafics de marchandises, les droits d'accès aux réseaux nationaux, une fixation des conditions pour l'exercice des droits d'accès, un renouvellement du cadre qui régit l'organisation et la régulation du secteur. Le deuxième paquet de 2004, à la suite d'un compromis entre le Parlement et le Conseil, prévoit que l'ouverture à la concurrence du marché ne s'applique que pour le fret ferroviaire. Le troisième paquet ferroviaire adopté en octobre 2007 a ouvert les lignes internationales de passagers au 1er janvier 2010 et prévu pour 2012 une clause de revoyure pour l'ouverture des lignes nationales de passagers.
Revenons sur les directives antérieures ou résultant de ces trois paquets ferroviaires.
La directive de 1991 définit les conditions fondamentales de la séparation à opérer entre l'exploitation des services de transport et la gestion des infrastructures qui – je reviendrai sur ce débat – oblige à séparer les comptes mais pas nécessairement les structures. Viennent ensuite les directives relevant des différents paquets. La directive 200112 pose le principe du droit d'accès équitable au réseau transeuropéen de fret. La directive 200112CE a trait à la séparation des comptes et interdit le transfert entre activités excédentaires et activités déficitaires. Elle impose la création d'une autorité de régulation, ce qui fut fait par la loi du 8 décembre 2009. La directive 200113 concerne les licences d'entreprises ferroviaires. La directive 200114 concerne la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et traite de la tarification de son accès permettant à assurer la stabilité financière des gestionnaires d'infrastructures. La directive 200116 traite de l'amélioration de l'interopérabilité des équipements et installations ferroviaires.
Un débat demeure. Il a été abordé dans les assises du ferroviaire : il s'agit du mode d'organisation du gestionnaire d'infrastructure et de ses relations avec l'opérateur historique. Le droit communautaire laisse perdurer la possibilité de regrouper dans une holding le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur. C'est le schéma allemand de la Deutsche Bahn - DB. Ce schéma n'est ni impossible ni obligatoire et certains acteurs rencontrés émettent quelques inquiétudes quant à la non discrimination dans le cadre de ce type d'organisation. J'exprime l'avis qu'un retour à une organisation intégrée compliquerait l'avènement d'un espace unique du rail qui est – je le rappelle – un des objectifs de l'Union.
J'évoque dans le rapport écrit le deuxième paquet ferroviaire de 2004 portant en particulier sur les licences ferroviaires et l'interopérabilité, bref, un ensemble de dispositifs destiné à favoriser l'entrée de nouveaux acteurs.
Le troisième paquet ferroviaire a été adopté en 2007. Il concerne l'ouverture des transports internationaux de voyageurs, effective en France depuis décembre 2009, d'instaurer un régime de certification des équipages de train, de définir les droits et obligations des voyageurs internationaux et d'imposer le versement de compensations en cas de non-respect des exigences de qualité contractuelle applicables aux services internationaux de fret ferroviaire.
Quant au quatrième paquet ferroviaire, il est en devenir. Il concernera l'ouverture des transports régionaux de voyageurs qui a fait l'objet de nombreux débats dans notre pays et qui est déjà effective dans les pays comme l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni ou la Suède. Le quatrième paquet pourrait également comporter des dispositions rendant obligatoire la séparation entre gestionnaire d'infrastructure et opérateur. Je rappelle que le modèle intégré allemand fait l'objet de contentieux portés devant les instances judiciaires européennes : certains acteurs essaient de démontrer qu'il serait contraire aux règles de la libre concurrence.
Enfin, je dois évoquer le règlement relatif aux obligations de service public (OSP) qui, contrairement à ce qui a été affirmé ici ou là, n'a pas besoin d'être transposé mais s'applique de plein droit même s'il est contraire à certaines dispositions de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Ce règlement permet – certes, il n'oblige pas – l'ouverture à la concurrence du transport régional de voyageurs. Les assises du ferroviaire sont revenues sur le règlement OSP, rappelant la nécessité de mettre en place un cadre social harmonisé dès lors qu'on ouvre à la concurrence. Souhaitant que chacun comprenne bien le cadre communautaire, je pense que l'ambiguïté entretenue sur l'application du règlement OSP n'était pas heureuse.
S'agissant de l'ouverture à la concurrence des lignes TGV, elle ne peut naturellement s'opérer que dans le cadre de la réciprocité dès lors que les marchés italien et allemand sont encore marqués par une forte hégémonie de leur opérateur historique.
Pour terminer, je tiens à prendre position sur la distinction entre gestionnaire d'infrastructure et opérateur de transports. Réseau ferré de France est gestionnaire d'infrastructure pour deux raisons : il assume un certain nombre de missions et il doit posséder l'infrastructure pour en parallèle assumer la dette ferroviaire historique, laquelle à défaut entrerait dans le champ de la dette publique au sens du traité de Maastricht. Cependant, la loi de 1997 ne donne pas à RFF la complète compétence sur la gestion de l'infrastructure puisque la SNCF est, de par la loi, gestionnaire d'infrastructure délégué et assume en réalité la gestion de l'infrastructure.
J'estime qu'il convient maintenant d'étendre les missions de RFF afin de corriger l'ambiguïté de départ. Il y a un autre schéma qui est promu par certains qui est le schéma allemand de type holding. Les assises n'ont pas tranché cette question. Ce type d'organisation appelle à mon sens plusieurs critiques. En effet, les débats que nous avons eus depuis quelques années – que ce soit sur le niveau de péages ou le financement des lignes nouvelles – n'auraient pas été possibles s'il n'y avait eu qu'un seul acteur. La distinction des rôles met en évidence les problèmes, certes sans les résoudre. Deuxièmement, le système intégré, tenu de distinguer les fonctions, suppose de dépenser beaucoup d'énergie pour entretenir les « murailles de Chine » ; il me paraît compliqué à maintenir dans la durée et en tout cas source de contentieux. Notre ancien collègue Pierre Cardo, président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) avait pris une position assez semblable tout en mesurant qu'il n'est pas évident de définir le point où l'on place la séparation.
En tout état de cause, nous avons besoin d'un gestionnaire de réseau efficace et géré de manière cohérente, qui tienne mieux compte des préoccupations des différents acteurs, qui assure l'indépendance des fonctions essentielles, qui optimise le portage de la dette, qui ait la capacité de gérer les extensions du réseau, tout cela en maintenant un climat social serein.