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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 5 février 2009 à 9h30
Nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Ce domaine fait partie des fondements de notre république : il est, ou plutôt, devrait être un des piliers de l'indépendance des médias et de la liberté de la presse dans notre pays.

L'intérêt général concerné par ce domaine ne saurait donc être réduit à l'expression majoritaire. Sinon, vous dérivez. Or ce projet de loi organique vous propose clairement, mes chers collègues de la majorité, d'accepter une très claire dérive, doucement totalitaire, en même temps qu'il organise un accablant retour en arrière.

Assurément, le choix du Président de la République sera soumis à l'avis du CSA et une commission parlementaire devra valider les choix effectués. Mais, au bout du compte, ces deux instruments faussement déguisés en contrôle de validation et de concertation ne feront, de par leur appartenance au fait majoritaire, qu'entériner des choix effectués par l'exécutif. Arrêtez de nous leurrer avec ces deux dispositions !

Il aurait été intéressant de discuter réellement, d'échanger, de débattre et d'entendre vos contre arguments mais nous avons constamment l'impression d'être face à un mur qui, tout majoritaire qu'il soit, en demeure un, puisque vous n'entendez pas et refusez de vous éloigner d'un texte qu'on vous a imposé d'adopter au plus vite afin de satisfaire les intérêts, très particuliers, pour ne pas dire amicaux – certains l'ont noté –, du Président de la République. C'est la réalité : nous avons été confrontés à votre silence, madame la ministre, mais également à celui de la majorité qui a refusé le débat.

Ce silence de la majorité en dit long, du reste, sur le malaise qui entoure ce texte et que chacun perçoit, quels que soient les bancs sur lesquels il siège dans cet hémicycle. L'ancien garde des sceaux et président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, disait récemment, à juste titre, que « cette affaire [de nomination] conforte l'idée que nous vivons actuellement dans une monocratie. Notre système institutionnel se résume au pouvoir d'un seul, indiscutablement élu par le peuple. Où sont annoncées les lois à venir ? Sur le perron de l'Élysée, à la Cour de cassation, en conférence de presse. Quand j'entends la parole élyséenne, je sais ce que sera la loi. Et cela me rappelle l'axiome de l'ancien droit : "Si veut le Roi, si fait la loi. " ». Robert Badinter a malheureusement raison.

Plusieurs solutions respectueuses de nos fondements républicains auraient pu être discutées.

Le seul compromis acceptable, compte tenu de la marge de manoeuvre que vous vous laissez à vous-mêmes, était de céder sur la majorité des trois cinquièmes, en replaçant l'opposition au coeur du dispositif. Vous auriez ainsi concrétisé l'adage désormais fameux du Gouvernement selon lequel notre chambre aurait vu ses pouvoirs réellement renforcés alors que nous ne constatons aucun renforcement de nos pouvoirs ni aucune reconnaissance de l'opposition dans l'hémicycle.

En ce qui concerne la réforme du CSA, que, contrairement à ce que certains prétendent – je tiens à le rappeler –, nous avons appelée de nos voeux à plusieurs reprises, il est intéressant de noter que, selon que cela vous arrange, soit le CSA ne sert à rien, et vous l'enjambez pour mettre fin à ce que vous appelez une « hypocrisie », soit il redevient une barrière démocratique qui cautionne le pseudo-cadrage que vous proposez. En attendant le CSA n'a pas bougé d'un iota : il est le même dans son organisation comme dans ses missions et sa composition. C'est la raison pour laquelle il devra faire l'objet d'une réforme.

En effet, c'était cette autorité qu'il fallait réformer afin qu'elle devienne véritablement indépendante et qu'elle participe d'un processus de nomination affranchi du pouvoir exécutif et émancipé de toute autre pression.

Nous aurions ainsi pu réfléchir à un choix portant sur des candidats sélectionnés après des auditions publiques alors que nous devrons nous prononcer sur un seul candidat proposé par le Président de la République.

La seule réforme valable et respectueuse de la garantie d'indépendance de l'audiovisuel public français, réforme que nous vous avons proposée au travers d'amendements que vous avez balayés d'un revers de main, aurait dû être centrée sur la réorganisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Vous auriez très bien pu suivre le modèle italien de nomination du président de la RAI, nommé par son conseil d'administration dans le cadre de propositions émises par une commission parlementaire audiovisuelle de vigilance. Excusez du peu ! Quelle différence entre un tel mode de nomination et celui que vous nous proposez ! Cette solution a le mérite de garantir une autonomie totale du pouvoir exécutif et de prendre en considération les enjeux audiovisuels auxquels nous sommes actuellement confrontés.

Les propositions alternatives ne manquaient pas : elles vont toutes dans le sens de la démocratie. Vous avez choisi, consciemment et délibérément, de les laisser de côté sans débattre. Qu'à cela ne tienne ! Le ton est donné pour les années à venir, que ce soit en matière de débats parlementaires ou de télévision publique !

La question du groupe GDR est simple, madame la ministre : même si le Président de la République a effectivement le droit d'effectuer de telles nominations et révocations, en a-t-il pour autant la légitimité ? Pour toutes les raisons que j'ai d'évoquées, nous pensons non seulement que le Président de la République n'a pas cette légitimité mais également que si vous, membres de la majorité, l'autorisez à effectuer ces nominations et ces révocations, nous lui donnerons les pouvoirs d'outrepasser ses missions. Vous lui offrirez les moyens de ne pas respecter les fondements républicains de notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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