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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 1er février 2012 à 15h00
Mise en oeuvre du principe de précaution — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le principe de précaution n'est pas nouveau puisque c'est en 1987 que sa première reconnaissance internationale intervint, à Londres, lors d'une conférence pour la protection de la mer du Nord, et que c'est au mois de juin 1992, lors de la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement à Rio de Janeiro que sa consécration mondiale eut lieu. Il n'est pas inutile de rappeler le principe 15 de la déclaration de Rio : « Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. »

La même année, l'article 130 R du traité de Maastricht a précisé que la politique de la Communauté européenne dans le domaine de l'environnement « est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive ».

C'est en 1995 que le principe de précaution fait son entrée dans le droit français grâce à la loi dite « loi Barnier ».

C'est enfin en 2005 qu'il connaît une consécration constitutionnelle avec son introduction dans la Charte de l'environnement adossée à la Constitution.

Au vu de l'expérience des cinq premières années de sa mise en oeuvre, nos rapporteurs ne peuvent que constater l'urgence de mieux organiser son application et de prendre une initiative parlementaire pour préciser la volonté du législateur. Il paraît en effet judicieux de ne pas laisser cette responsabilité à la seule jurisprudence, puisque la formation de celle-ci est longue et incertaine et qu'elle manque de cohérence entre les ressorts juridictionnels, tant qu'elle n'est pas exprimée par le Conseil d'État ou la Cour de cassation saisis par les parties. Il peut en outre y avoir des divergences entre les ordres juridictionnels.

La nécessité de définir un mode d'emploi s'impose aujourd'hui à nous. Ce mode d'emploi est déjà balisé par les jurisprudences française, communautaire et internationale au travers de procédures concrètes d'organisation et de critères à satisfaire. Ce mode d'emploi est aussi grandement influencé par les autorités communautaires, qui imposent progressivement dans la gestion des risques émergents une évolution procédurale et des principes directeurs.

Ainsi, tandis que le Parlement européen introduit des obligations relatives à la consultation publique et à l'expertise dans la procédure législative relative à la proposition de règlement sur les OGM, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé les exigences qui s'imposent déjà aux États membres en vertu de la jurisprudence et qui portent sur le caractère proportionné et provisoire des mesures et leur justification sur la base d'une expertise scientifique préalable aussi complète que possible.

Pour nous, la procédure et la méthodologie retenues dans cette proposition de résolution ne portent pas atteinte au principe de précaution et permettent de préserver des conditions acceptables de développement du progrès technique et scientifique. La proposition prévoit en effet de confier à une instance choisie à dessein l'identification de l'émergence de nouveaux risques pour l'environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire, et la désignation d'un réfèrent indépendant qui aura la faculté de susciter l'expertise scientifique, qui soumettra aux autorités compétentes les éléments nécessaires à l'organisation d'un débat public et, enfin, qui saisira de l'ensemble des conclusions de l'expertise et des débats les autorités publiques afin qu'elles prennent les mesures qui s'imposent pour limiter le risque.

Pour Dominique Bourg, cette résolution n'émane pas du lobby anti-principe de précaution, contrairement à ce que pense Arnaud Gossement, pour qui on est en train d'encadrer le principe de précaution pour mieux l'étouffer ; n'affirme-t-il pas que cette proposition de résolution revient à l'ensevelir sous une montagne de conditions préalables, inscrites si possible dans le marbre du droit, avec pour seul effet de paralyser son application ?

Pour Dominique Bourg, la proposition de résolution ne porte pas atteinte au principe de précaution. En effet, elle ne renvoie pas tout à une analyse coûts-bénéfices puisqu'elle est préconisée « lorsque cela est approprié et réalisable, sans préjudice d'autres méthodes d'analyse non économiques, notamment d'ordre social ou éthique, tout particulièrement pour ce qui touche à la protection de la santé ».

D'ailleurs, il ne partage pas l'avis de certains, comme Jacques Attali – ou plutôt comme la Commission pour la libération de la croissance française, qui proposait dans son rapport remis au début de l'année 2008 le retrait du principe de précaution de la Constitution, au motif que ce dernier briderait l'innovation dans notre pays. Cela reviendrait à considérer que tout progrès technologique est bénéfique, ce que Dominique Bourg ne pense pas.

Enfin, il tient à affirmer, soutenant en cela la démarche de nos deux rapporteurs, que « la mise sur pied d'une procédure, pour éviter un mauvais usage du principe, ne va pas à son encontre ».

C'est pourquoi le groupe SRC votera, bien entendu, cette proposition de résolution qui éclairera à n'en pas douter utilement l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des tribunaux, des acteurs de la société civile, de l'administration ou encore des scientifiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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