Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec le même enthousiasme que ceux qui m'ont précédé à la tribune que je prends la parole pour défendre l'adoption de la proposition de résolution de nos collègues Alain Gest et Philippe Tourtelier sur la mise en oeuvre du principe de précaution.
Ce texte a pour objet de réaffirmer et de préciser la volonté du législateur en matière de mise en oeuvre du principe de précaution, tâche qui se révèle nécessaire au vu du travail produit ces dernières années par notre assemblée, notamment par son Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, mais également au vu de la production scientifique, associative, citoyenne autour du principe de précaution.
Nous devons en effet, en tant que législateurs, veiller en permanence à rester au contact des évolutions de la société. Or celle-ci est marquée, depuis un certain nombre d'années déjà, par des bouleversements technologiques, techniques et scientifiques qui appellent à la vigilance.
Cette vigilance ne se fonde pas sur des préjugés. Elle trouverait plutôt son origine, si vous me permettez ce détour philosophique, dans le concept aristotélicien de phronèsis développé dans l'Éthique à Nicomaque, que certains auteurs traduisent par « prudence » ou par « sagacité », voire par « sagesse pratique ». Cette phronèsis doit permettre à l'homme de choisir ce qui lui paraît juste, de manière rationnelle, dans des circonstances et des moments, tous différents, qui comportent une part d'incertitude, une part d'imprévisible. C'est tout le sens de la résolution qui nous est présentée aujourd'hui : permettre au législateur d'appliquer ce principe de prudence ou de sagacité à des situations toujours nouvelles où l'imprévisible et l'incertitude rendent difficile l'application du droit.
Ce principe de prudence renouvelé, redéfini à la lumière de l'évaluation faite par le Comité d'évaluation et de contrôle de la mise en oeuvre du principe de précaution tel qu'inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement, doit permettre de répondre à de nombreux enjeux dans un contexte particulier.
N'oublions pas, en effet, que les bouleversements technologiques qui marquent notre société depuis quelques années ont rendu les citoyens plus vigilants car plus informés, ce qui est une très bonne chose. Nous avons aujourd'hui, peut-être plus qu'hier, à rendre des comptes à de véritables citoyens-acteurs qui, lorsqu'une question scientifique vient à faire son entrée dans le débat public, s'informent, recoupent leurs sources, s'intéressent et posent de véritables questions.
L'heure n'est donc plus aux choix obscurs, faisant l'économie d'explications. L'heure est, au contraire, à des démarches publiques et transparentes.
C'est tout le sens de cette résolution qui relève le défi de l'application, dans notre pays, d'un principe de précaution manié de façon claire et transparente via un référent indépendant, qu'il faut en effet préciser et définir.
L'application de ce principe de précaution sera le fruit d'une véritable expertise scientifique contradictoire, qui prendra en compte le plus vaste champ de variables en utilisant, pour y parvenir, des méthodes d'analyse d'ordre social ou éthique incontestables. Elle se traduira dans les faits par des mesures proportionnées de protection, qui nous mettront ainsi à l'abri de toute perte de chance dans le domaine du progrès scientifique.
Le principe de précaution s'inscrira dans la durée. Il sera appliqué tant que le doute ne sera pas levé, tant que les travaux scientifiques demeureront incomplets, imprécis ou non concluants. Aussi, mes chers collègues, en votant la résolution proposée par nos collègues Alain Gest et Philippe Tourtelier, nous demandons que notre pays réaffirme, dans un contexte particulier, dans une époque de changement constant, sa volonté de gérer sérieusement tous les risques et, ainsi, de remplir efficacement son devoir de protection de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)