Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a tout juste un an, dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, nous commencions, avec Régis Juanico, nos travaux sur la performance des politiques sociales en Europe, question essentielle pour le pilotage de l'action publique, mais aussi véritable défi pour le moins ambitieux.
L'évaluation des politiques publiques est avant tout une exigence qu'une démocratie moderne doit s'imposer. Pour bien faire comprendre les enjeux du débat, je citerai un chiffre : 600 milliards d'euros. C'est le montant que nous consacrons aux prestations de protection sociale, soit plus de 31 % du PIB, ce qui constitue le record d'Europe. Au regard des moyens engagés, il est donc légitime de chercher à mesurer et à comparer les résultats obtenus par nos politiques sociales.
Dans cette perspective, nous avons choisi d'évaluer la performance à l'aune de trois critères : l'efficacité du point de vue du citoyen, l'efficience du point de vue du contribuable et la qualité de service du point de vue de l'usager. Autrement dit, plusieurs questions se posent : les objectifs fixés ont-ils été atteints, de quelle façon, à quel coût et avec quel impact à moyen terme ? Car il faut savoir dépenser pour économiser ; dépenser un peu aujourd'hui, par exemple pour l'accompagnement ou pour des aides dont l'efficacité est établie, afin d'augmenter sensiblement demain les taux d'emploi et consolider ainsi nos systèmes de protection sociale. C'est bien là tout l'enjeu de l'activation des politiques sociales, même si, bien sûr, avant d'être un chiffre, le chômage, est d'abord un drame humain. Nous pouvons, nous devons faire mieux dans ce domaine.
Dans cet objectif, nous formulons une série de propositions, à la lumière des bonnes pratiques observées en Europe. Avant de les évoquer, je voudrais exposer brièvement quelques éléments d'analyse concernant les facteurs de performance des politiques de l'emploi, l'un des thèmes que nous avons choisi d'approfondir. Ce sera d'ailleurs le seul que j'évoquerai compte tenu du temps qui nous est imparti.
Dans ce rapport, nous versons au débat un certain nombre de questionnements et de données comparatives concernant, tout d'abord, l'indemnisation de l'assurance chômage, système qui apparaît assez généreux en France en général, et pour les cadres, en particulier. Nous évoquons, ensuite, la question du coût du travail. À cet égard, je voudrais souligner le poids des cotisations patronales par rapport à d'autres pays. L'ensemble des cotisations et contributions patronales versées aux organismes de sécurité sociale représente, en France, près de 30 % du coût du travail, au niveau du salaire moyen, ce ratio étant de 16 % en Allemagne et de 0 % au Danemark. En particulier, nos voisins allemands ont réduit leur taux de cotisation pour l'assurance chômage, à parts égales entre salariés et employeurs, à 1,40 %, soit 2,8 % au total, contre 6,4 % en France, grâce à des mesures d'économies ainsi qu'à une augmentation d'un point de TVA.
Nous avons également identifié des grandes tendances communes en Europe, notamment la recherche d'un guichet unique pour l'usager, par le rapprochement des fonctions d'indemnisation et d'accompagnement, l'instauration de davantage de « mesures actives » ainsi que la définition de « droits et devoirs » dans le cadre d'un parcours individualisé vers l'emploi et d'une conditionnalité accrue de l'indemnisation chômage.
Ce parangonnage a permis de faire apparaître plusieurs spécificités, au premier rang desquelles la complexité du mille-feuille français : pas moins de huit organismes sont chargés du suivi et de l'indemnisation des demandeurs d'emploi en France, contre quatre en Allemagne et deux seulement au Royaume-Uni. C'est pourquoi nous préconisons d'engager des expérimentations pour favoriser le rapprochement des acteurs de l'emploi, de l'entreprise et de la formation professionnelle au regard d'initiatives locales dont nous avons eu connaissance, en Ille-et-Vilaine en particulier. Le Gouvernement est-il favorable au lancement de telles expérimentations ?
Les autres singularités concernent le service public de l'emploi qui, tout d'abord, paraît structurellement moins doté en effectifs qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni, en particulier pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Par exemple, les effectifs du service public de l'emploi chez nos voisins allemands étaient de 420 équivalents temps plein pour 10 000 chômeurs en 2010, contre 215 seulement en France. Plusieurs pays voisins ont également fait preuve d'une plus grande réactivité dans la crise. Nous avons préconisé, en conséquence, d'adapter les moyens de Pôle emploi à la conjoncture et au niveau de chômage.
Au cours de nos travaux, nous avons aussi noté avec intérêt les pratiques développées dans certains pays consistant à encourager les formations professionnelles pendant les périodes de chômage partiel.
Par ailleurs, les conseillers allemands, suédois ou britanniques ont davantage d'autonomie et de ressources pour aider le demandeur d'emploi. Les contacts avec ce dernier sont aussi plus fréquents dans ces pays. Il conviendrait, dès lors, d'accroître les compétences et l'autonomie des conseillers de Pôle emploi en renforçant notamment la formation et en renonçant à la généralisation du métier unique. Il faudrait également intensifier les contacts avec les demandeurs d'emplois, qui peuvent avoir un impact significatif sur le retour à l'emploi, mais aussi mettre en oeuvre un accompagnement renforcé et personnalisé, avec notamment deux entretiens très rapprochés mais distincts, l'un consacré à l'indemnisation et l'autre au projet du chômeur, dès que possible après l'inscription. Quelle est la position du Gouvernement sur ces propositions ?
La France se caractérise également par un certain cloisonnement et par une coordination pour le moins insuffisante entre les dispositifs et les acteurs de l'action sociale et de l'emploi. Chez nous, nous conservons les cloisons quand d'autres construisent des ponts !
Il faut adopter une approche globale du demandeur d'emploi et améliorer l'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires du RSA. Les acteurs de l'insertion nous disent que l'accompagnement semble plus efficace que les incitations financières. Les aides à la reprise d'activité – parmi lesquelles les aides à la garde d'enfants ou les aides pour le permis de conduire – ont également montré leur efficacité et doivent être confortées.
Il faut aussi assurer le pilotage et la coordination au niveau local.
Enfin, l'approche globale doit conduire à intervenir précocement, en amont de la perte d'emploi. Ainsi, un bénéficiaire d'un emploi aidé devrait être pris en charge deux mois avant la fin de son contrat. De même, il serait opportun de renforcer la coopération entre les caisses d'allocation familiale et Pôle emploi afin d'apporter un accompagnement renforcé vers l'emploi et la formation aux bénéficiaires du complément de libre choix d'activité. Il suffirait pour cela de prévoir la transmission des listings des bénéficiaires du CLCA. Ces propositions concrètes ne pourraient-elles être mises en oeuvre rapidement ?
Deux questions pour conclure : ne faut-il pas renforcer l'information sur le dispositif du RSA ? De quelle façon pourrait-on accroître le recours au RSA activité et faire évoluer aussi certaines représentations sociales, en particulier, la crainte de la stigmatisation pour les personnes en emploi demandant le RSA chapeau ?
Mes chers collègues, nous espérons avoir ouvert un débat qui, loin d'être épuisé, a vocation à se poursuivre.