À la question de savoir si nous sommes en faveur d'un gestionnaire unique pour le RER A, je ferai une réponse de Normand : peut-être bien que oui, peut-être bien que non. La pratique actuelle m'offre au moins la garantie de bénéficier d'un avocat au sein du système, Guillaume Pepy, qui me dit régulièrement que la SNCF n'est pas le premier responsable de la plupart des dysfonctionnements, et qu'il veille, lors de ses discussions avec la RATP, à ce que le tronçon de Cergy soit le mieux desservi possible.
Désigner un opérateur unique pourrait sembler la solution la plus simple, mais en fait, la vraie question n'est sans doute pas là. Dans la mesure où, en effet, nous gérons la pénurie et où nous devrons le faire encore longtemps. Nous devons nous intéresser aux conditions dans lesquelles se font les arbitrages successifs, d'autant que certains sont effectués à l'intérieur même de chaque opérateur, ce qui en double le nombre. Ainsi, lorsque nous avons obtenu que la fréquence des trains passe à un toutes les dix minutes, il a fallu faire des choix politiques. C'est comme pour le cadencement : il y a des gagnants et des perdants ! Mais il importe que ces choix soient cohérents avec les objectifs stratégiques globaux, notamment en matière de développement territorial, ou qu'ils contribuent à de nécessaires rééquilibrages.
En 2010, une dégradation du dialogue social au sein de la SNCF a fait que les agents de conduite se sont mis à respecter strictement les réglementations de sécurité, ce qui a entraîné une désorganisation totale d'un système déjà en flux tendu. Dans ce cas, l'usager a été victime d'un arbitrage effectué à l'intérieur de l'entreprise publique, sur une question relative au dialogue social. Or le problème de l'interconnexion entre la RATP et la SNCF est avant tout un problème de statuts, de primes et de règlements. Lorsque je demande pourquoi ce qui a été accompli à la Gare du Nord ne peut pas l'être à La Défense, on m'explique que cela entraînerait plus de problèmes que ça n'en résoudrait – mais des problèmes pour qui, je ne le sais pas.
Alors, on peut envisager que demain, la RATP soit gestionnaire de l'ensemble de la ligne, mais encore faut-il savoir dans quelles conditions se feront les arbitrages.
La gouvernance commence à la tête. La régionalisation a été une bonne chose : pour avoir, comme je l'ai dit, successivement contrôlé le STP, puis le premier et le deuxième STIF, j'ai pu apprécier l'évolution. Reste que les moyens attribués au STIF sont toujours insuffisants, de même que les leviers dont il dispose pour peser sur les opérateurs – même si les contrats aussi connaissent une évolution. Réfléchir à une meilleure gouvernance revient donc à rechercher ce qui permettrait à l'autorité organisatrice d'exercer pleinement ses responsabilités. On prétend que la région décide mais, en réalité, son président se retrouve seul face aux deux opérateurs d'État. Ce n'est pas le système que l'on connaît en province, où des délégations de service public sont accordées en application de la loi d'orientation des transports intérieurs. On devrait parvenir à la même situation dans dix ou quinze ans, et la mise en concurrence devrait permettre de clarifier les compétences, mais cela rendra nécessaire le renforcement de l'autorité organisatrice et l'adoption de procédures de décision plus transparentes et plus claires, y compris pour mieux gérer la pression exercée par les usagers. Quant à RFF, il doit être inclus dans la boucle.
Lorsque ont été introduites les rames à double étage, elles arrivaient à Cergy-Pontoise à neuf heures trente, le matin – vous pouvez imaginer les réactions des usagers ! Mme Anne-Marie Idrac m'avait expliqué qu'il y avait objectivement plus de gens à transporter depuis Marne-la-Vallée, si bien que l'on a fait circuler ces rames en priorité là. Plus tard, lorsqu'on a parlé de renforcement de l'offre, j'ai revu Mme Idrac – ancienne directrice générale de l'établissement public administratif de Cergy-Pontoise –, qui n'était plus directrice générale de la RATP mais présidente de la SNCF : à ce titre, elle souhaitait donner la priorité au fret. Mais comment expliquer à nos concitoyens qu'après avoir massivement construit des logements à Cergy-Pontoise, on allait refuser d'augmenter le nombre de trains de voyageurs afin de favoriser le fret et de tenter de redresser la branche spécialisée de la société nationale ? C'est un problème qui relève de l'autorité de régulation.
Compte tenu des difficultés que connaît l'Île-de-France en matière de transports, il faut réévaluer le rôle de l'Autorité de régulation des transports ferroviaires, l'ARAF, mais aussi les compétences du STIF et les logiques des différentes entreprises concernées. En effet, l'état du système de transport est la résultante d'une somme incommensurable d'arbitrages, et sans une clarification des priorités, non seulement il n'est pas du tout certain que les décisions prises soient les plus cohérentes, mais il en résulte pour les usagers un sentiment de malaise et d'abandon.
À court terme, sur la ligne A, il est possible, à faible coût, d'améliorer deux points : la propreté et l'information. Que signifient les mots : « train retardé » ? Le retard est-il de cinq minutes, d'un quart d'heure ? Faute d'annonce vocale, on ne le sait pas. Le voyageur doit être mieux informé de façon à pouvoir prendre une décision.
En attendant les conclusions du rapport sur le schéma directeur de la ligne A, je reste persuadé que les difficultés sont dues à une trop grande complexité et à des décisions incohérentes. Il y a un an et demi, lorsqu'un grave incident a entraîné pendant plus de deux heures une perturbation du service, un de mes collaborateurs, présent sur le quai bondé de la gare Cergy-Saint-Christophe, a vu passer successivement quatre rames entièrement vides. Or aucune explication n'a été donnée ! Depuis, nous avons compris que la régulation de l'ensemble était compliquée par l'existence de trois types différents de matériels, de plusieurs types de quai ou de voies, etc. C'est un système d'horlogerie extrêmement complexe. Or, en cas d'incident, il est essentiel d'améliorer le temps de réactivité et la qualité de la réponse. On comprend bien qu'un suicide conduise à une perturbation du service, mais le problème est qu'il faut parfois de deux à quatre heures pour la surmonter. C'est pourquoi, au-delà des solutions de court terme, nous devons adopter un cadre de travail tel que, dans dix ou quinze ans, les mêmes problèmes ne surviennent pas faute d'anticipation et de coordination dans la conception des systèmes.