Je commencerai par citer deux témoignages. Samedi dernier, lors d'une fête d'association, un habitant de Courdimanche travaillant presque à l'autre extrémité de la ligne A du RER m'a déclaré qu'il ne sait jamais à quelle heure il arrivera à son travail, la durée de son trajet pouvant aussi bien être d'une heure que d'une heure trente. Quant à eux, les habitants de Cergy-Pontoise m'expliquent qu'à l'interconnection de Nanterre, il est très facile de reconnaître les trains en direction de Cergy : ils sont sales à l'extérieur et bondés à l'intérieur ; un train sur cinq seulement se dirige vers Cergy, contre trois, plus propres et à moitié vides, vers Saint-Germain-en-Laye, le dernier allant à Poissy.
Cergy-Pontoise, ce sont 200 000 habitants, 100 000 emplois et 27 000 étudiants. La Confluence, qui inclut notamment Achères et Conflans-Sainte-Honorine, 375 000 habitants et 150 000 emplois. Or l'État souhaite, dans le cadre d'un contrat de territoire, en faire passer la population à 500 000 habitants en 2025, autrement dit réaliser en quinze ans ce qui n'a été réalisé que difficilement en quarante ans pour construire Cergy-Pontoise, dont la population est passée, pendant cette période, de 40 000 à 200 000 habitants. D'autre part, 54% de nos actifs travaillent à l'extérieur de l'agglomération et, inversement, 50% des emplois de Cergy concernent des gens qui viennent de l'extérieur. Si cette situation représente un bon équilibre pour la Grande couronne, elle indique bien que la question de l'emploi se joue dans les deux sens, et elle pose fondamentalement le problème de la qualité de vie de ceux qui trouvent à se loger à Cergy-Pontoise. Chaque année, en moyenne, nous créons 1 300 logements. Cette année, nous lançons la construction de 1 800. La territorialisation de l'offre de logements nous amènerait à en réaliser de 1 600 à 1 700 par an à Cergy-Pontoise et de 2 500 à 2 700 sur le territoire de la Confluence.
Nous devons aussi affronter la question de l'attractivité de notre territoire. L'un des motifs avancés par des entreprises pour justifier leur départ de Cergy-Pontoise est la difficulté pour leurs clients et pour leurs salariés, notamment cadres moyens et supérieurs, de se rendre dans notre ville, en raison de la saturation des réseaux routiers, notamment des autoroutes A 86 et A 15 – à quoi s'ajoute le non bouclage de la Francilienne. Cette saturation est notamment due aux incertitudes sur la régularité des transports en commun, à l'absence de confort et à la saturation des trains – celui de 7 h 52 est déjà rempli à 120% à Cergy-Préfecture, qui n'est que la troisième station de la ligne. Cette situation n'incite pas les gens à prendre le train ! Des chefs d'entreprise m'ont également déclaré, avant le début des travaux de rénovation des gares, qu'ils allaient chercher en taxi leurs clients étrangers arrivant à Paris, de peur de leur faire vivre l'ambiance à l'intérieur du RER et dans la gare de Cergy-Préfecture.
Si l'ensemble de la ligne A connaît des problèmes de qualité de service, de régularité et, probablement, de maintenance de l'infrastructure existante, je voudrais souligner les points particuliers qui concernent Cergy-Pontoise. Nous sommes soumis à une double ou triple peine : victimes de l'engorgement du tronçon central aux heures de pointe, nous devons aussi faire face à l'engorgement à Nanterre cependant que, du fait de l'insuffisance de l'infrastructure, entre Achères et Maisons-Laffitte – c'est le seul cas en Île-de-France –, il faut faire passer sur seulement deux voies la ligne A du RER, le Transilien, les lignes reliant Paris à la Normandie et enfin du fret jusqu'à Sartrouville !
La branche du RER A qui nous concerne est également la seule à être gérée, à partir de La Défense, par la SNCF. C'est donc celle-ci qui est notre interlocuteur alors que c'est la RATP qui met en place les lignes. Bien que les nouvelles rames, à deux étages, soient censées être affectées en priorité aux liaisons avec Cergy, j'ai pu constater moi-même qu'elles pouvaient l'être à la ligne de Saint-Germain-en-Laye.
J'ai aussi eu, au début des années 2000, avec les prédécesseurs de MM. Guillaume Pepy et Pierre Mongin les mêmes discussions qu'avec eux sur la desserte de Cergy-Pontoise. Celle-ci était alors de 12 trains par heure aux heures de pointe – répartis entre 6 RER et 6 Transilien, qui ne roulaient que de 7 à 9 heures le matin et de 17 à 19 heures le soir –, d'un train toutes les vingt minutes entre 9 heures et 17 heures, et enfin d'un train toutes les trente minutes le samedi et le dimanche. C'est grâce au STIF et à la région qu'à partir de 2007, il nous a été possible de profiter d'un train toutes les dix minutes en journée – ce qui est un bon rythme – et d'un train toutes les vingt minutes le samedi et le dimanche, ce qui reste en revanche insuffisant. Des difficultés subsistent aussi en soirée pour les actifs, notamment des cadres et ingénieurs, qui se trouvent à partir de 19 h confrontés à des cadences d'un train toutes les vingt minutes, voire toutes les demi-heures. De plus, pendant les vacances scolaires, le rythme d'un train toutes des dix minutes n'est plus respecté. Cette situation nuit à la fois aux conditions de vie de nos concitoyens et à l'attractivité de notre territoire.
La ville nouvelle de Cergy-Pontoise a pour origine un grand projet d'intérêt national. Au départ, elle devait se développer grâce à l'aérotrain. Or celui-ci n'a jamais été construit. De ce fait, depuis 1975, les transports sont en permanence en retard sur le développement urbain. Il m'a fallu conduire une action de lobbying, en m'appuyant sur un cabinet privé, pour obtenir des cadences plus que justifiées – un train toutes les dix minutes en journée et toutes les vingt minutes les week-end – auprès d'interlocuteurs qui, ne s'étant jamais intéressés à ce territoire. Ils restaient dubitatifs sur la légitimité de nos demandes. J'ai dû expliquer à M. Louis Gallois, alors président de la SNCF, que des étudiants vivaient à Cergy-Pontoise, qu'il nous fallait du trafic le dimanche après-midi et que l'augmentation des Transilien vers la Gare Saint-Lazare n'était pas une solution pour relier Cergy-Pontoise à Paris : ce qui est structurant, c'est le RER A.
Ce travail de lobbying nous a permis de mettre en évidence le déséquilibre de l'offre. Le bassin de population et d'emploi de Cergy-Pontoise est trois fois supérieur à celui de Poissy, pour un nombre de trains identique. La même remarque pourrait être faite pour les trains en direction de Saint-Germain. L'offre actuelle ne correspond pas à la réalité du nombre des habitants et des emplois. Un rattrapage s'impose !
Je ne comprends pas pourquoi l'interconnection de Nanterre n'est pas supprimée : quoi qu'en disent les anciens et actuels responsables de la SNCF et de la RATP, elle fait perdre au moins deux minutes à nos voyageurs. La maintenance aussi devrait pouvoir être améliorée. Si, d'ici à dix-huit mois, le remplacement de la totalité du matériel par des rames à double étage doit augmenter de 30% la capacité d'emport de passagers, nous restons confrontés à des difficultés lourdes. Malgré son schéma directeur, la ligne A est le réceptacle d'autres problèmes de structuration de l'offre dans l'Ouest francilien. Ils doivent également être pris en compte. Faute de réaliser les tangentielles Nord et Ouest, ainsi que la ligne nouvelle Paris-Normandie, indispensable pour libérer des sillons et pour permettre un jour de « débrancher » Roissy du RER, opération qui impose aussi la réalisation de la ligne Éole, il sera impossible d'accroître l'offre, comme l'exige pourtant l'importance des bassins d'emploi de Cergy-Pontoise et de la Confluence, surtout compte tenu des projets de développement qui les concernent.
C'est pourquoi, si je suis favorable aux projets à court terme, qui feront passer le nombre de places par train de 1 600 à 2 500 et celui des places assises de 400 à 900. Je dois pourtant constater qu'ils ne permettront même pas d'assurer le rattrapage nécessaire, alors que le développement de la ville continuera. Nous réalisons, je le répète, 1 300 logements par an ! La population de Cergy-Pontoise a crû de 5% par an en dix ans, et le trafic sur la ligne progresse de 10% par an.
Nous ne sommes pas opposés au Grand Paris Express ; les habitants de la Grande couronne ont besoin d'un système de transport qui fonctionne. La question était juste celle de la localisation des interconnections. Il reste que si les autres infrastructures que j'ai mentionnées ne sont pas réalisées, le RER A restera engorgé : nos habitants sont obligés de l'emprunter, même pour aller à Roissy. Or les infrastructures nécessaires ne seront pas réalisées avant dix ans. Et la saturation de la ligne A entraîne des dysfonctionnements importants au quotidien.
Pour conclure sur une note positive, je dois remarquer que, depuis quinze ans, et notamment avec le Transilien, nous avons fait avec la SNCF un excellent travail. Nous avons réglé les questions de l'accueil et de la sécurité dans les gares, que nous continuons à rénover.
De plus, lorsque le RER fonctionne et que ses trains sont à l'heure, sa rapidité et son caractère pratique sont sans comparaison avec ceux de la voiture. La vraie difficulté vient des surcharges aux heures de pointe et de l'irrégularité des horaires, notamment entre 16 heures et 18 heures 30. De plus, en cas de problème, aucune information n'est fournie. Les voyageurs sont laissés en déshérence, sans aucun renseignement sur la durée prévisible de l'incident et sans savoir vers quelle solution alternative ils pourraient se tourner.
Dans le cadre de mes fonctions professionnelles, j'avais été amené en 2005 à rédiger un rapport sur les transports de voyageurs, notamment en Île-de-France. Pour avoir vu fonctionner le système du temps du Syndicat des transports parisiens (STP), puis du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), avant et après la décentralisation, je ne peux que conclure, avec les élus, que le système fonctionne mieux aujourd'hui, même si c'est encore de manière imparfaite.
En revanche se pose la question du pouvoir effectif de l'autorité organisatrice. Face à la RATP, les effectifs du STIF font piètre figure : c'est un peu un jeu de dupes. J'avais moi-même exposé au président de la région, M. Jean-Paul Huchon, que régionaliser les transports dans des conditions où leur autorité organisatrice serait totalement dépendante de deux entreprises d'État – aux conseils d'administration desquelles la région ne peut siéger pour des raisons de réglementation européenne – était une décentralisation en « demi-trompe-l'oeil ». Le STIF doit faire face aux décisions de l'État au sein des conseils d'administration des deux entreprises publiques ainsi qu'aux logiques qui leur sont propres –sachant qu'elles ne sont pas non plus d'accord sur les décisions à prendre concernant le RER A. Les deux entreprises souhaitent vraisemblablement nous imposer le maintien de deux opérateurs sur une ligne, ce qui n'est sans doute pas une solution.