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Intervention de Jean-Paul Huchon

Réunion du 25 janvier 2012 à 16h30
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France :

Merci de m'accueillir dans le cadre de votre commission d'enquête. Je limiterai mon exposé initial au RER, mais répondrai volontiers à vos questions sur les contrats, les constructeurs et les matériels, ainsi que sur les observations de la Cour des comptes.

Le RER concentre l'essentiel des difficultés d'un réseau de transports qui, par ailleurs, fonctionne de façon plutôt satisfaisante, du moins de Paris jusqu'à la Petite couronne, si l'on excepte la ligne 13 du métro et l'épineuse question du prolongement de la ligne 14. Le RER étant le principal moyen de transport au sein des grandes zones d'activité, il intéresse directement le développement et l'attractivité de la région. À cet égard, il faut bien reconnaître que la dégradation du service concerne autant la Grande que la Petite couronne

La modernisation du RER fait désormais partie des urgences prioritaires du plan de mobilisation pour les transports que la région met en oeuvre depuis 2008, et auquel l'État s'est associé dans le cadre du Grand Paris et surtout de la convention spécifique signée en septembre dernier. Rappelons que celle-ci est une exception justifiée par la situation particulièrement critique du réseau francilien : aucune autre région ne bénéficiera d'ailleurs d'un tel avenant au volet « Transports » de son contrat avec l'État.

Je m'exprimerai devant vous en tant que président du STIF, bien entendu, mais aussi de la région, puisque c'est d'elle que relèvent plus directement les investissements.

L'audit que le STIF diligenta dès 2006 – puisqu'il a fallu attendre cette date pour que la région prenne véritablement le contrôle de cet organisme, après d'âpres débats sur les compensations de l'État – avait fait apparaître le vieillissement des infrastructures supportant une pression démographique croissante et la grande obsolescence des équipements, qu'il s'agisse de la signalisation, de la puissance électrique, de l'information et des matériels roulants.

Suite à ce constat alarmant, l'État versa, dans le cadre de la décentralisation des transports, une compensation unique de 400 millions d'euros pour la rénovation du matériel roulant – alors que le STIF a prévu d'engager, pour le seul matériel ferroviaire, plus de 2 milliards d'euros par an entre 2007 et 2020. Enfin, depuis 2009 et la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dite « ORTF », le STIF s'est vu transférer la propriété des matériels roulants sur l'ensemble du périmètre de la RATP, et ce sans aucune compensation financière.

Sans faire de procès à quiconque, force est de constater que l'État, qui était en charge de ces dossiers jusqu'en 2005, n'avait rien anticipé : il n'existait aucune étude, ni de moyen, ni de long terme, sur les besoins de modernisation du réseau, et le contrat de plan 2000-2006, que j'avais signé avec le Premier ministre, Dominique de Villepin, et le préfet, Bertrand Landrieu, était resté lettre morte. Ce constat, je veux y insister, est partagé par tous les élus qui siègent au conseil d'administration du STIF, quelle que soit leur origine géographique ou leur sensibilité politique.

De fait, le STIF s'est mobilisé dès 2006. La tâche est ingrate car elle est à long terme: les transports fonctionnent 365 jours par an, si bien qu'il faut, pour cette raison et afin de rendre les financements pleinement efficaces, procéder par étapes, comme on n'avait pas su le faire dans le passé.

Le sentiment des usagers ne diffère guère de celui des élus : mauvaise organisation, information défaillante – notamment lors des perturbations –, trains surchargés, en retard ou purement et simplement supprimés, conditions de transport à la limite de l'acceptable et dégradation croissante du réseau depuis une dizaine d'années. Les réalités sont néanmoins différentes selon les lignes. Pour les lignes A et B, la saturation est liée à l'accroissement du trafic et aux limites du système actuel. S'agissant des lignes C et D, elle tient essentiellement à la juxtaposition des trafics – RER, TER, fret et trains à grande vitesse – ainsi qu'à la longueur des lignes et à leur trop grande ramification ; c'est d'ailleurs ce qui nous a conduit à refuser, dans le cadre du Grand Paris, le prolongement de la ligne 14 jusqu'à Roissy. Quant à la ligne E, le prolongement vers l'ouest doit être mis en oeuvre à l'issue du travail d'enquête et de concertation.

Au sein de l'agglomération centrale, les usagers sont surtout attachés à la fréquence des trains ; au-delà, ils souhaitent des trains rapides, directs ou semi-directs, entre Paris et la banlieue.

J'évoquerai à présent les difficultés d'exploitation. Les lignes A et B sont co-exploitées par la SNCF et la RATP, et leur trafic connaît une hausse continue depuis plusieurs années. Les intervalles entre les trains sont réduits, et le nombre de branches est élevé : deux à l'est et trois à l'ouest. Ces lignes accueillent plus d'1 million de voyageurs par jour, avec une pointe, récemment, à 1,2 million sur la ligne A. Une interconnexion SNCF-RATP est assurée à la station Nanterre-Université.

Les lignes B et D sont fortement affectées par la circulation des trains dans le tunnel reliant la station Châtelet à la Gare du Nord. L'interopérabilité de la ligne B, identifiée comme problématique, a été améliorée grâce à la suppression en novembre 2009, à l'initiative du STIF et en accord avec les entreprises, de la relève des conducteurs en Gare du Nord. Un poste de commandement central a été créé à la station Denfert-Rochereau. Enfin, le projet de RER B Nord + verra le jour avant la fin de l'année 2013.

Comme je l'ai indiqué, le réseau des lignes C et D est partagé avec d'autres trafics, qui en occupent 25%. La ligne C cumule l'insuffisance de ses capacités sur les tronçons centraux, où le moindre incident entraîne des perturbations en cascade, à une trop grande longueur.

La ligne E, qui est la plus récente, fonctionne mieux que les autres, et ses indicateurs de régularité sont satisfaisants.

Le STIF se mobilise, mais ces nombreux problèmes résultent de trente ans de sous-investissement, sous tous les Gouvernements ; au moins dix ans d'efforts soutenus seront nécessaires pour espérer les résoudre ; c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai signé, avec le ministre Maurice Leroy, l'accord sur le Grand Paris. Quant au plan de mobilisation mis en oeuvre par le STIF et les collectivités, il porte sur quelque 18 milliards d'euros ; je l'avais présenté le 9 juillet 2008 à M. Jean-Louis Borloo, alors ministre, en présence des conseils généraux. Les besoins en financements suivent très exactement les recommandations du remarquable rapport de Gilles Carrez, rapporteur général du budget.

En signant l'accord sur le Grand Paris, la région et le Gouvernement ont pris des engagements réciproques ; d'où cette convention spéciale qui constitue, pour ce dernier, un geste tout à fait nouveau en faveur du financement des transports en Île-de-France. Pour autant, il faut s'interroger sur la « soutenabilité » des investissements à long terme puisque, aujourd'hui, l'essentiel des efforts du Gouvernement est concentré sur le réseau du Grand Paris. Deux ans après le lancement du plan de mobilisation, nous avons voulu rendre lisibles, pour l'usager, les perspectives à court, moyen et long terme : à l'horizon 2013-2014, modernisation du RER B Nord, rénovation des conditions d'exploitation des lignes C et D ainsi que du matériel roulant du RER B, dont les premières rames ont été inaugurées il y a environ un an ; d'ici à 2020, traitement des « points durs » des RER A, B Sud, C et D, et prolongement à l'ouest du RER E ; d'ici à 2025, « désaturation » des RER, avec la troisième paire de voies entre Paris et Juvisy-sur-Orge et le nouveau tunnel reliant Châtelet à la Gare du Nord. La programmation de ces travaux obéit à des schémas directeurs conçus par le STIF et adoptés à l'unanimité de son conseil d'administration. Les schémas directeurs des RER B Nord, C et D sont en cours d'exécution ; le STIF validera cette année ceux des RER A et B Sud. Un schéma directeur est aussi prévu pour la partie est du RER E, en complément du prolongement à l'ouest. D'ici à 2013, les travaux à réaliser sur le RER seront donc programmés, pour un investissement global d'environ 8 milliards d'euros, dont 5 milliards d'ici à 2020. La facture du prolongement du RER E à l'ouest s'élève, quant à elle, à environ 3,4 milliards.

Cette programmation est déjà une réalité, puisque la convention spécifique signée avec l'État permettra d'engager plus d'1,2 milliard d'euros supplémentaires dès 2013. Faut-il néanmoins rappeler que, conformément aux clés de répartition du contrat de projet, 70% de l'effort global restent à la charge de la région et des départements ? L'accent sera mis sur les matériels roulants, avec les nouveaux MI09 du RER A, les 71 nouvelles rames du RER 2N de nouvelle génération – qui circuleront sur le prolongement de la ligne E – et la rénovation du matériel existant. À l'horizon 2016, toutes les lignes du RER seront équipées de matériels renouvelés ou rénovés. J'ai en effet pris l'engagement qu'à cette date, aucun matériel n'aurait plus de vingt ans d'âge, alors que certains d'entre eux en ont aujourd'hui de trente à quarante-cinq.

Ces différents objectifs sont bien entendu spécifiés dans les clauses des nouveaux contrats que le STIF a signés avec la SNCF et la RATP. Nous irons plus loin aussi sur le suivi de l'offre, en mettant l'accent sur la régularité du trafic aux heures de pointe. Une vingtaine de critères relatifs à l'information des voyageurs – notamment en cas de perturbations –, sur le respect desquels nous serons particulièrement exigeants, ont été ajoutés aux contrats. Enfin, les programmes d'investissements feront désormais l'objet d'engagements contractuels : nous passerons à ce sujet un accord avec la RATP, lundi. Nous espérons en faire de même avec la SNCF dans les semaines à venir. Le but est que ces contrats puissent être validés par le conseil d'administration du STIF qui se réunira le 14 mars prochain.

Un effort considérable étant consenti par la région et les départements, l'État doit aussi prendre sa part en finançant, compte tenu de l'urgence, plus de 30% de la modernisation du réseau. L'idéal serait un financement à parité, comme ce fut le cas, par exemple, pour le plan « Espoir banlieues ».

De nouvelles ressources doivent être mobilisées, d'autant que certaines recettes fiscales affectées au plan de mobilisation s'avèrent plus faibles que prévu : je pense notamment à la redevance pour création de bureaux, dont le produit, avec la crise immobilière, est pratiquement nul, alors que la région en attendait 100 millions d'euros par an. La « TIPP Grenelle » rapportera, quant à elle, environ 70 millions par an ; mais nous comptons beaucoup sur l'augmentation des ressources du versement transport (VT), augmentation induite, non par un relèvement des taux, mais par l'effet mécanique d'un « rezonage ». J'attends bien entendu de l'État qu'il tienne ses engagements sur ce point.

Comme votre collègue Gilles Carrez l'avait signalé dans son rapport, d'autres ressources peuvent être nécessaires à terme, comme la taxe poids lourds. M. Christian Favier, président du conseil général du Val-de-Marne, souhaite même une ressource dédiée à la modernisation du RER. La région et les collectivités espèrent par ailleurs, qu'en accord avec le préfet de région, qu'une partie des ressources considérables de la Société du Grand Paris (SGP) soit avancée, dès 2013, en faveur du plan de mobilisation.

Enfin, les opérateurs doivent contribuer davantage sur leurs fonds propres. La RATP, avec laquelle, nous en avons parlé, a investi en quatre ans plus de 6 milliards d'euros dans la rénovation du matériel ; d'autre part, s'agissant de la ligne Paris-Pontoise du Francilien, le STIF et la SNCF se sont réciproquement engagés à hauteur d'1 milliard d'euros.

Chaque euro dépensé doit l'être à bon escient ; d'où l'absolue nécessité d'une ingénierie mieux intégrée entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), comme ce fut le cas pour Éole. Les nouveaux contrats devraient également permettre d'améliorer la gouvernance et la transparence des choix d'exploitation et d'investissement.

Quant au rapport de la Cour des comptes, il faut reconnaître qu'il nous avait irrités. Sans nous ingérer dans la gestion des entreprises, il est inconcevable que nous ne puissions disposer de certains éléments comptables et économiques. La dernière mouture du contrat dont je discuterai lundi avec M. Pierre Mongin, le président de la RATP, comporte des avancées importantes à cet égard.

Le STIF doit également être associé à l'affectation des sillons ferroviaires. Des sommes considérables sont dépensées pour améliorer la qualité du service, et l'on voit encore des trains de marchandise circuler aux heures de pointe sur le réseau express régional ! La Cour des comptes avait d'ailleurs dénoncé cette absurdité.

Afin d'éviter toute dépense inutile, nous nous sommes efforcés de contraindre les entreprises à améliorer la qualité du service, et ce à budget constant – ou « isobudget », pour reprendre le terme en vigueur au STIF. Nous n'avons pas eu de difficultés à en convaincre la RATP, un peu plus à en convaincre la SNCF mais les difficultés ne sont pas insurmontables. Il faut dire que la première génération de contrats, signés par le préfet Jean-Pierre Duport, permettait aux opérateurs de s'exonérer de certaines obligations de ponctualité, car la question était envisagée de façon globale, sur l'ensemble des lignes. Les contrats de deuxième génération, que j'ai signés avec Mme Anne-Marie Idrac et M. Pierre Mongin, contenaient des spécifications ligne par ligne. Les nouveaux contrats vont encore plus loin puisque le contrôle passe par des comités de ligne. Reste que le rapport entre les directions et les syndicats est un équilibre fragile ; aussi me suis-je toujours gardé d'interférer dans la gestion des entreprises concernées.

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