Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Nicolin

Réunion du 24 janvier 2012 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi sur l'enfance délaissée et l'adoption

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Nicolin :

Sur cette question, qui concerne un nombre important d'enfants, nous tournons en rond depuis des années. Le Conseil supérieur de l'adoption, que j'ai présidé de 2002 à fin 2011, a régulièrement abordé le sujet sans jamais aboutir, les autorités de notre pays refusant de faire évoluer la législation. Cependant, il existe aujourd'hui une volonté d'avancer, même si cela ne se fera probablement pas au rythme que souhaiteraient certains. Heureusement aussi, nous avons un Défenseur des droits dont le rapport annuel nourrit la réflexion parlementaire et a une influence sur les décisions publiques. Il a fait des propositions. Ne pas en tenir compte reviendrait à ne pas respecter son travail.

Les difficultés proviennent de l'article 370-3 du code civil qui dispose que l'on ne peut adopter un enfant s'il est originaire d'un pays qui proscrit l'adoption. Nous sommes quasiment le dernier pays d'Europe à être arrêté par cet obstacle juridique. D'autres ont réussi à le contourner et autorisent l'adoption d'enfants provenant de pays dont la législation est fondée sur le droit musulman, en particulier le Maroc et l'Algérie. J'ai discuté avec les autorités marocaines : elles m'ont confié qu'elles fermaient les yeux sur cette pratique et qu'elles sont prêtes à faire de même pour la France.

Si, en raison de notre histoire commune, nous sommes liés avec le Maroc et l'Algérie par des conventions, d'autres pays sont aussi dans ce cas. La Belgique par exemple a modifié sa législation pour permettre l'adoption simple des enfants confiés en kafala judiciaire. Ce qui est possible dans un pays aussi proche doit l'être en France.

Si l'on en croit le ministère de la Justice, avant de modifier le code civil, il faut retenir son bras de longs mois, voire de longues années, mais des avancées concrètes sont possibles au prix d'un peu d'humanité. Les binationaux installés au Maroc et en Algérie souhaitent par exemple que leur enfant confié sous kafala obtienne un visa de longue durée, à entrées et sorties multiples, pour éviter qu'à l'aéroport, lorsque la famille part en voyage, il ne doive emprunter seul la file des passagers ne détenant pas de passeport européen. Il serait également bon de permettre à ces enfants d'accéder aux lycées français dans les mêmes conditions que leurs frères et soeurs de nationalité française – et aux mêmes tarifs. Or, il suffirait de circulaires ou de décrets pour régler rapidement ce genre de problèmes !

Il reste que, si nous voulons que ces enfants grandissent dans de bonnes conditions, il faut abandonner la condition de cinq ans de résidence aujourd'hui nécessaire pour obtenir la nationalité française. M. Portéous a rappelé qu'il avait été question de la supprimer lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration mais, en ce qui me concerne, je considère que la place de dispositions sur l'adoption n'est pas dans une loi sur l'immigration. Elles relèvent du droit de la famille et c'est donc dans le cadre d'un texte relatif à cette matière que des amendements devraient être déposés – éventuellement par le Gouvernement – afin de ramener ce délai à un an, voire de le supprimer.

La proposition de loi que nous examinons ne nous permettra pas d'aller aussi loin que nous le souhaitons, mais le débat est ouvert. Cette réunion sera suivie d'autres : il nous appartient donc de collecter toutes les propositions, en vue du lancement d'une fusée à plusieurs étages. Et si, pour commencer, nous obtenons que les enfants accueillis en kafala bénéficient de l'adoption simple telle qu'elle sera améliorée par ce texte qui vise à la rapprocher de l'adoption plénière, nous aurons fait un grand pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion