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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 26 janvier 2012 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot, rapporteur :

Le rapport d'évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, dite loi « Tepa », a été présenté en juin dernier. Ce rapport d'évaluation a bénéficié d'une audience importante, ce dont il faut nous réjouir. Il formulait un certain nombre de préconisations communes aux rapporteurs qui, depuis lors, ont été plus ou moins prises en compte par le Gouvernement et par le Parlement. Nous voulions aussi qu'il serve d'éclairage à l'opinion publique sur un sujet complexe, et cela a été le cas.

Le dispositif que nous avons évalué comportait cinq mesures destinées à favoriser la pratique des heures supplémentaires : l'exonération fiscale au titre de l'impôt sur les revenus tirés des heures supplémentaires – la défiscalisation ; l'exonération de cotisations sociales salariales ; la réduction forfaitaire du montant des cotisations patronales ; la non inclusion des heures supplémentaires dans le mode de calcul des allégements de charges sociales résultant de la loi dite « Fillon » du 17 janvier 2003 ; enfin, la majoration des heures supplémentaires dans les entreprise de moins de 20 salariés.

Nous avions estimé que le rapport coûtbénéfices de ce dispositif « semblait pour le moins réduit », observant notamment les effets d'aubaine concernant des heures supplémentaires déjà pratiquées mais auparavant non déclarées en tant que telles.

Le dispositif nous semblait également injuste, son volet fiscal ne bénéficiant logiquement qu'aux salariés imposables.

Nous avions enfin regretté qu'il n'ait fait l'objet d'aucune étude d'impact avant d'être discuté au Parlement. Les auteurs des quelques études réalisées auparavant recommandaient au Gouvernement de ne pas proposer un tel dispositif.

Ayant saisi le Premier ministre et la ministre du Budget des suites pouvant être données à nos conclusions, nous avons été plutôt déçus par leurs réactions. Le Premier ministre ne nous a pas répondu et la ministre du Budget, Mme Valérie Pécresse, nous a adressé un courrier très succinct.

Les conclusions et les préconisations du rapport ont, en revanche, bénéficié d'un écho important. M. Jean-Pierre Gorges et moi-même avions mis au point une méthode garantissant notre accord sur la description des mesures, sur leur application dans les faits et sur leur évaluation. Sur les cinq familles de préconisations retenues, trois ont fait l'objet d'un accord entre nous, nous divergions sur les deux autres, ce qui n'a évidemment rien d'anormal.

Nous nous sommes d'abord accordés sur le diagnostic. Aussi a-t-on pu dire, ici, au Sénat et dans les médias, que notre rapport pouvait servir de référence, permettant aux uns et aux autres d'étayer leurs convictions sur des bases solides.

Les trois points d'accord sur les préconisations visent l'amélioration nécessaire du fonctionnement du Conseil d'analyse économique placé auprès du Premier ministre, la suppression de la déduction forfaitaire de cotisations patronales, encore plus injustifiée qu'inutile, et la réintégration des heures supplémentaires dans le mode de calcul des allégements de charges sociales. Cette dernière proposition est entrée dans les faits.

Nos divergences portent, en premier lieu, sur l'exonération de cotisations salariales, qui, certes, accroît le pouvoir d'achat de ses bénéficiaires, mais coûte 2,3 milliards d'euros que l'on pourrait utiliser de façon plus efficace. Elles concernent, en second lieu, la défiscalisation et son incidence, que je considère comme injuste, sur le pouvoir d'achat ; avec le montant correspondant, de 1,5 milliard d'euros, nous pourrions certainement financer des mesures plus efficaces.

Nos conclusions et nos préconisations ont suscité de nombreux débats, notamment dans la discussion de textes qui, depuis juin dernier, ont été examinés tant ici qu'au Sénat, qu'il s'agisse de la loi de financement de la sécurité sociale ou de la loi de finances rectificative. La rapporteure générale du budget au Sénat a ainsi qualifié notre rapport de « rapport de référence ».

Notre rapport a également bénéficié d'une remarquable couverture médiatique, notamment dans des journaux comme Le Monde, Les Échos, La Croix, Libération, La Tribune, Le Canard enchaîné, Marianne. L'ouvrage récent de Mélanie Delattre et Emmanuel Lévy, Un quinquennat à 500 milliards, le vrai bilan de Sarkozy, mentionne notre rapport durant une dizaine de pages. L'émission télévisée Capital, diffusée la semaine dernière sur M6, nous a interrogés à son sujet.

Je ne serais donc pas surpris que, durant la campagne présidentielle qui s'annonce, les uns et les autres utilisent des données figurant dans notre rapport afin d'appuyer leurs propositions ou d'alimenter les débats parlementaires prévus avant la fin de la législature.

L'une de nos préconisations a été prise en compte par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, celle de la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul des allégements de charges sociales sur les bas salaires, pour un rendement annuel d'environ 600 millions d'euros.

Nous regrettons en revanche que la préconisation visant à supprimer l'exonération de cotisations patronales – dont le rendement aurait été de 700 millions d'euros – n'ait pas été retenue.

Vos deux rapporteurs ne se sont pas accordés sur les autres préconisations, mais le débat se poursuit.

Nous aurions également apprécié que nos propositions de méthode soient prises en compte, qu'il s'agisse des études d'impact ou de la façon d'utiliser les services du Conseil d'analyse économique – nous souhaitions notamment que le Parlement puisse aussi lui passer des commandes. Nous regrettons que le Premier ministre ne nous ait pas répondu.

Notre rapport était donc opportun. Sa méthode rigoureuse nous a permis de nous accorder sur le diagnostic et sur certaines préconisations, tout en assumant nos divergences sur d'autres. Elle pourra inspirer d'autres démarches.

En revanche, je regrette que le Gouvernement n'ait pas considéré notre travail avec les égards qu'il méritait.

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