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Intervention de Sébastien Listrat

Réunion du 12 avril 2011 à 16h45
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Sébastien Listrat, membre du bureau de l'industrie de l'Union nationale des syndicats autonomes, UNSA :

L'industrie ferroviaire française, dont le chiffre d'affaires est de 3,3 milliards d'euros par an, et qui représente plus de 17 000 emplois directs, se trouve en deuxième position sur le marché européen depuis 2008.

Malgré l'annonce de la construction de voies nouvelles dans les dix prochaines années, on constate que les moyens manquent pour remettre à niveau le réseau. Son état de vétusté est pourtant indéniable.

Des pays émergents tels que la Chine, qui investit 50 milliards d'euros par an dans le secteur ferroviaire, mais aussi la Russie, l'Inde, le Brésil, l'Arabie saoudite, l'Iran et l'Égypte, deviennent en outre des menaces : ces pays disposeront, dans les années à venir, de savoir-faire et de technologies transférés par des grands groupes qui ne cessent de se délocaliser pour de simples raisons financières, au risque de bafouer les normes de sécurité en vigueur dans notre pays. Alors que la France investit beaucoup dans la recherche et le développement, et parvient ainsi à faire évoluer les savoir-faire, en particulier pour les métros automatiques, certains de ces pays s'emparent progressivement de nos technologies pour s'implanter sur nos marchés. Les salariés de « géants » tels qu'Alstom et Bombardier en souffriront, de même que ceux de nos TPE et PME : malgré leur savoir-faire et la qualité de leurs produits, ces entreprises ne pourront pas s'imposer face à une concurrence bon marché, parfois même issue de certains pays européens.

Force est de reconnaître que le monde est en perpétuelle évolution. Mais il faut aussi admettre qu'il est modelé par les acteurs qui nous demandent de nous adapter au changement. L'industrie ferroviaire française est dans la même situation que toutes les autres industries : elle est menacée au motif qu'elle n'est plus concurrentielle, la main-d'oeuvre étant bon marché de l'autre côté de la planète, voire de l'autre côté de l'Europe.

Votre commission d'enquête ayant pour but de dégager des solutions pour pérenniser notre industrie ferroviaire, développer l'emploi et améliorer les conditions de travail dans cette filière, l'UNSA propose d'agir en priorité sur deux plans : la concurrence intra européenne et la concurrence extra européenne.

Face à la concurrence des pays d'Europe de l'Est, nous devons mettre en oeuvre des politiques permettant de réduire les inégalités entre les États membres de l'Union européenne. Les écarts sont, en effet, considérables tant pour les rémunérations que les durées légales du travail : la durée du temps de travail est légalement fixée à 40 heures par semaine en Bulgarie, en Estonie, en Pologne et en Roumanie, pour une rémunération moyenne inférieure de 70 % à celle pratiquée en France. À moyen terme, nous devons harmoniser le coût horaire du travail dans les différents États membres, tout en instaurant une législation du travail identique.

Pour les mêmes raisons, nous avons besoin de mesures susceptibles de rendre les produits européens aussi concurrentiels que ceux importés de pays émergents, tels que la Chine, le Brésil et l'Inde. L'instauration d'une taxe sur les importations permettrait d'équilibrer les variations de prix entre les différentes zones mondiales. Cela empêcherait la fuite de nos entrepreneurs vers des pays où l'on ferme aisément les yeux sur les questions de sécurité ou encore de conditions de travail, et conduirait à recentrer nos entreprises sur une zone qui cesserait, dès lors, d'être un gouffre financier face à de grands groupes capables de casser les prix. Une telle mesure ne résoudrait sans doute pas toutes les difficultés, mais elle favoriserait la pérennisation de nos emplois, et peut-être le développement de certaines filières où les coûts sont aujourd'hui trop importants pour qu'il y ait des investissements en France.

En France, les conditions de travail étant placées sous le contrôle de diverses instances, telles que l'inspection du travail et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), notre préoccupation première doit être de sécuriser les emplois. Notre pays est reconnu pour son savoir-faire, pour son avance dans le développement de nouvelles technologies, pour sa qualité d'exécution et de fabrication, et pour son adaptabilité face aux nouveaux défis. Mais nous devons faire en sorte que ces qualités l'emportent sur le coût du travail, devenu le critère prépondérant pour l'obtention de nouveaux marchés.

Afin de rester au premier rang aussi bien au niveau européen qu'au niveau mondial, nous avons donc besoin d'une législation communautaire adaptée aux exigences actuelles. Certes, l'Europe est en construction depuis 1957, mais elle ne s'est toujours pas faite aux impératifs actuels !

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