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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 8 mars 2011 à 10h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

J'ai écouté avec grand intérêt le Premier président nous présenter le rapport de la Cour des comptes, très riche comme toujours. J'ai retenu que la fiscalité, et notamment la fiscalité du patrimoine, n'est pas un facteur décisif de la compétitivité allemande. C'est ce qui ressort également des auditions menées par notre commission : s'agissant de la fiscalité portant sur l'ensemble du facteur capital, l'Allemagne est dans une situation atypique, avec une imposition inférieure à la moyenne européenne, la France se situant quant à elle dans la moyenne. Selon un ancien directeur des politiques fiscales à la Commission européenne, pour une moyenne de 9 % en Europe, la France est à 9,6 %, l'Allemagne à un peu plus de 6 % et le Royaume-Uni à 12,6 %. Si l'Allemagne est dans une situation atypique, c'est qu'elle a suspendu son imposition du patrimoine, non par souci de compétitivité mais parce que la Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les bases foncières, obsolètes, devaient être révisées.

On trouve dans ce rapport la confirmation de ce que la France, quant à elle, est dans une situation atypique pour ce qui est de la fiscalité des revenus. Le poids de l'impôt sur le revenu dans le PIB est de 2,6 % en France, et de 7 % quand on y ajoute la CSG ; il est de 9 % en Allemagne – comme dans tous les autres pays européens, où il s'établit entre 9 et 10 %. D'évidence, une réflexion sur la fiscalité des revenus en France est indispensable.

J'ai retenu aussi l'idée que l'on pourrait avancer assez vite sur la convergence des assiettes de l'impôt sur les sociétés en Europe. Que l'Allemagne et la France y parviennent, alors que leurs systèmes fiscaux sont très différents, serait une bonne nouvelle : cela montrerait que la définition d'une assiette européenne commune peut se concevoir, évitant une inutile concurrence fiscale.

J'ai aussi entendu le Premier président plaider, au nom de la Cour, en faveur d'une imposition plus prévisible, plus neutre et plus stable. Ce sont là des pistes de réforme qui devraient conduire à en finir avec la multiplication de niches qui rendent notre fiscalité incompréhensible.

Enfin, si l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne ne tient pas à la fiscalité, comment l'expliquer ? Par le temps de travail, diront certains – mais si l'on demandait à la Cour de conduire une enquête comparative à ce sujet, il en ressortirait ce que savent tous ceux qui s'intéressent aux statistiques : le temps de travail hebdomadaire moyen est de 2,5 heures inférieur en Allemagne à ce qu'il est en France, et de 100 heures en moyenne par an.

Le coût du travail n'est pas non plus en cause puisque, selon l'INSEE, il est pratiquement le même dans les deux pays.

Cet écart tient, selon moi, au pragmatisme, au modèle social et la puissance industrielle allemands. Pragmatisme d'abord : M. le Premier président a indiqué que l'Allemagne a abordé la récession avec des comptes publics à l'équilibre, sinon en excédent, ce qui n'était pas le cas de notre pays. Deux ans auparavant, le déficit allemand était supérieur à celui de la France ; l'Allemagne a donc fait l'effort de résorber son déficit en période de croissance alors que nous laissions le nôtre dériver. Pragmatisme encore, et modèle de société que celui qui consiste à aborder la crise avec les mécanismes existants. Si l'Allemagne a réussi à réduire son taux de chômage pendant la récession, cela ne s'est pas fait par miracle mais par un recours accru au Kurzarbeit, le travail à temps partiel, et en diminuant le temps de travail.

Enfin, la part de la production industrielle dans le PIB allemand est double de ce qu'elle est en France ; on ne peut donc s'étonner qu'elle exporte deux fois plus que nous ! L'Allemagne a revendiqué sans discontinuer cette puissance industrielle, considérant fondamental le maintien de son industrie. C'est là que réside la force de l'Allemagne, dans ce vivier d'entreprises qui – au travers de ce que nous appelons chez nous des pôles de compétitivité – se développent en bénéficiant des innovations des plus grandes. On voit d'ailleurs que les régions françaises qui, telle la région Rhône-Alpes, ont conservé une forte base industrielle, demeurent exportatrices. En d'autres termes, il ne faut pas se tromper : notre compétitivité ne passe pas par une action sur le coût du travail ni par la fiscalité, mais par une vraie politique industrielle.

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