Acteur relativement nouveau du paysage ferroviaire – il n'a guère plus de cinq ans –, l'EPSF a maintenant trouvé ses marques. Sa création découle des directives communautaires : la séparation des réseaux et des entreprises de transport, conjuguée à la volonté de favoriser la circulation des trains, imposait de ne pas laisser à un acteur dominant la possibilité de se servir de la sécurité pour verrouiller le réseau. Cette responsabilité a donc été confiée à une autorité séparée et indépendante.
En pratique, l'EPSF délivre les autorisations à tous les nouveaux matériels circulant sur le réseau français, y compris à des matériels qui seraient utilisés de longue date dans d'autres pays. Notre établissement autorise également la mise en service des sous-systèmes techniques d'infrastructure. Ainsi, l'ouverture de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, prévue en décembre 2011, est-elle subordonnée à une autorisation en bonne et due forme de l'EPSF. De même, un poste d'aiguillage dont la fonction de sécurité est évidente, doit, lui aussi, recevoir une autorisation. Notre action s'apparente d'une certaine manière à celle du Service des Mines. Nous délivrons des sortes de permis de construire concernant les infrastructures. Il y a une forte dimension technique dans ce travail.
De plus, nous accordons des certificats de sécurité aux entreprises ferroviaires après avoir vérifié leur capacité à exploiter les lignes en toute sécurité. Cette procédure peut être comparée à celle de l'attribution des licences aux compagnies aériennes. Parallèlement, nous délivrons des agréments de sécurité au gestionnaire d'infrastructures qui doit justifier du bon état des voies, mais nous n'avons pas la responsabilité de la sécurité à proprement parler : nous nous contentons de certifier la capacité du gestionnaire à opérer en toute sécurité. Nous certifions que les gens ont la capacité de faire mais c'est à eux de bien faire !
Nous avons aussi un pouvoir de contrôle, notamment grâce à nos inspecteurs qui procèdent effectivement à des vérifications sur place et à des audits. Cela étant, nous n'avons jamais retiré, à ce jour, d'autorisation d'exploiter, hormis pour ce qui a concerné certains wagons. Ainsi, nous avons en quelque sorte la mission du gendarme et, à ce titre, les menaces de sanctions sont généralement efficaces pour faire prendre par les intéressés les mesures rectificatives qui conviennent.
L'EPSF ne rédige pas les textes. Il applique les textes de l'État qui, en très grande majorité, sont d'ailleurs d'origine communautaire. Il s'est vu confier la charge de garantir la sécurité et de l'interopérabilité, ce qui consiste à vérifier que les différents acteurs construisent des matériels et des infrastructures en fonction de normes prédéfinies de sorte que, dans un avenir plus ou moins bref, tous les trains puissent rouler dans tous les pays, sans autre frein que le gabarit.
Sur le plan juridique, l'EPSF est compétent pour le réseau ferré national, et même pour la ligne Perpignan-Figueras qui fait partie de ce réseau, mais pas pour le tunnel sous la Manche. Nous intervenons toutefois en tant que conseil auprès de la CIG, à qui le traité historique de 1986 a confié une mission équivalente à la nôtre s'agissant du tunnel. Pour être complet, je mentionnerai les missions accessoires que nous exerçons dans le tunnel, comme l'immatriculation des matériels roulants. Mais ce n'est pas l'EPSF qui délivre les autorisations d'exploitation.
S'agissant de la réglementation technique, nous ne sommes pas responsables en tant que tels, même si nous la publions et si nous contribuons à la préparer en participant aux groupes de travail de l'Agence ferroviaire européenne – qui n'a pas de rôle opérationnel, mais dont la mission essentielle est de définir un cadre réglementaire harmonisé. Très souvent, c'est l'EPSF qui y représente la France, avec ou sans le ministère qui est l'autorité compétente ou encore avec ou sans les administrations concernées du ministère, en fonction des sujets et des réunions. Pour ce qui est de la réglementation nationale dans ses aspects de sécurité et d'interopérabilité, l'EPSF apporte son assistance, en particulier en collectant l'information.
En termes d'organisation, l'EPSF est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé des transports, et son directeur général a le pouvoir de délivrer les autorisations. Pour assurer son indépendance, un décret prévoit que le ministre ne peut pas rapporter ses décisions, mais il peut lui écrire en lui demandant de vérifier qu'elles sont correctement fondées… Il peut même décider de ne pas le renouveler dans sa fonction ! L'EPSF perçoit une ressource propre, une taxe assise sur les péages. Avec un tel financement, le législateur a veillé à nous mettre à l'abri des gels budgétaires, de façon à préserver la sécurité. L'établissement emploie aujourd'hui une centaine de salariés, qui relèvent du droit privé – c'est une originalité pour un établissement administratif – et qui sont basés à Amiens. Parmi eux, une quarantaine d'inspecteurs sont habilités à intervenir dans toute la France.
Le système du GSM rail que vous avez mentionné, monsieur le président, désigne une norme que l'industrie ferroviaire entend utiliser notamment pour développer la communication entre les conducteurs et les aiguilleurs, sachant que les exigences ont été renforcées. Au niveau communautaire, tout nouveau système de communication dans le domaine du chemin de fer devra respecter cette norme que l'EPSF veillera à faire appliquer. Quant à savoir si le GSM rail contribue directement à la sécurité, c'est un vaste débat. Ce système est utilisé pour la sécurité sans qu'il soit lui-même un élément de sécurité. Toutefois, s'il était de trop mauvaise qualité, celle-ci en pâtirait, au moins indirectement. L'EPSF n'a pas à se prononcer sur les modalités choisies par RFF pour développer le GSM rail – maîtrise d'ouvrage directe, partenariat public-privé, découpage en trois lots –, il se contentera de vérifier que le produit est conforme et que la manière dont il est utilisé, via l'agrément de sécurité, respecte bien les règles. Ce système désormais techniquement bien identifié est, pour une part, certifié par des tierces parties reconnues à l'échelle européenne.
En quoi l'ERTMS ou « European Rail Traffic Management System » consiste-t-il ? Un train Thalys, qui relie Paris-Gare du Nord à Amsterdam, traverse trois pays qui avaient chacun leur mode de signalisation et de supervision – ce que l'on appelle le contrôle commande. Il fallait donc que la rame soit équipée de trois dispositifs distincts, et que le conducteur, s'il s'agissait du même, soit familiarisé avec ces trois modes. Comme les réseaux de chemin de fer sont essentiellement nationaux, les différents pays ont, en effet, développé leurs propres pratiques et leurs propres normes et, dans le cas des liaisons internationales, il fallait pouvoir les maîtriser toutes. Ce sont les industriels qui ont été à l'origine de l'harmonisation. Ils ont fait valoir que développer des systèmes qui resteraient particuliers à chacun des États membres n'avait guère de sens – même s'ils se sont heurtés à ceux qui avaient une forte culture ferroviaire, notamment l'Allemagne et la France. L'ERTMS correspond à l'idée d'avoir un système unique de surveillance, très moderne, de signalisation et de contrôle commande différenciés selon les trains – qu'ils soient à grande vitesse ou de fret. Aujourd'hui, les différents éléments n'avancent pas au même rythme. Si les composants élémentaires sont désormais utilisés par tout le monde, au point que l'ERTMS est devenu un standard mondial – utilisé même par les fabricants chinois –, le fonctionnement du système sur l'ensemble du réseau européen n'est pas tout à fait acquis. C'est pourquoi les instances européennes ont présenté un plan de mise en oeuvre qui n'est pas juridiquement contraignant, mais qui a l'avantage de montrer que l'ensemble des pays y adhère. Dans ce cadre, l'EPSF n'est pas prescripteur, il est seulement observateur.
Peut-on utiliser les normes de sécurité pour tenir le marché ? Non, évidemment, puisque le principe même de l'Union européenne est de faire adopter par ses membres des normes de sécurité identiques. Mais, comme chacun le sait, « le diable est dans les détails » et il n'est pas exclu que les normes de sécurité soient parfois invoquées à tort mais aussi certaines fois à raison. Ce que je peux dire, par exemple, est que si on avait voulu faire circuler des TGV, en son temps, dans le tunnel sous la Manche, il est évident qu'on l'aurait fait. Ce sont forcément certaines raisons de sécurité qui ont conduit à choisir d'autres rames.