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Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 5 avril 2011 à 16h45
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Pierre Mongin, président de la RATP :

Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion non seulement de vous faire part de l'expérience des équipes de la RATP mais également de m'exprimer sur l'avenir de notre industrie ferroviaire. Nous sommes très attachés à la défense, dans le cadre européen, des intérêts industriels français.

Vous avez évoqué les principales évolutions de la RATP, et en premier lieu l'ouverture à la concurrence. La négociation finale du règlement européen sur les obligations de service public (OSP), qui s'applique depuis le mois de décembre 2009 dans toute l'Europe, en matière de transports publics urbains, a été une affaire compliquée. Ce règlement reprend très largement ce que tous les élus de province connaissent très bien depuis l'adoption en 1982 de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), à savoir le choix entre une régie locale et une gestion déléguée, avec des règles de transparence parfaitement satisfaites dans le cadre de la loi Sapin de 1993. À Paris et en Île-de-France, nous étions sous le régime d'une ordonnance de 1959, qui avait repositionné les acteurs du transport avec des innovations uniques au monde, telles que la Carte orange, qui permet au client de circuler facilement sur tous les réseaux avec une tarification unifiée.

La décentralisation, adoptée sous le gouvernement de M. Raffarin et applicable en 2006, alors que j'arrivais à la tête de l'entreprise et que M. Huchon prenait lui-même possession de ses fonctions à la présidence de la région, a changé le paysage francilien. Nous avons eu à négocier ensemble le premier grand contrat de service public entre la RATP et le STIF décentralisé. Ce contrat couvrant la période 2008-2011 et qui prendra donc fin au terme de cette année, a été « gagnant gagnant. »

L'instauration de la concurrence, au 1er janvier 2010, a créé une situation nouvelle, puisque toutes les lignes nouvelles d'Île-de-France sont mises en concurrence. La RATP a ainsi perdu son monopole sur son marché historique. S'agissant des lignes existantes, la libération des activités des bus sera effective à une date plus rapprochée que pour le métro, dès 2024 .C'est presque demain ! En revanche, pour le métro et le RER, qui présentent des spécificités compliquées, je remercie le législateur d'avoir adopté le délai maximal prévu par le règlement OSP, ce qui nous conduit effectivement à 2039. Ce fut de sa part une sage décision : les désastres des expériences de privatisation partielle du métro de Londres ont coûté très cher au contribuable britannique, en raison de faillites scabreuses de partenariats public-privé. Il fallait donner de la visibilité et du temps à la RATP pour lui permettre d'évoluer.

Je rappelle qu'elle emploie sur l'Île-de-France quelque 43 000 salariés. Elle a donc une lourde responsabilité économique. Or, avec les bus, c'est donc bien le tiers du chiffre d'affaires de la RATP qui sera mis en concurrence en 2024. Pour se préparer à cette évolution et assurer sa pérennité, notre entreprise doit être capable de vendre ses services sur d'autres marchés que son marché historique inévitablement appelé à se réduire. Tous les spécialistes des questions relatives aux ouvertures de marchés conviennent qu'après dix ans environ le marché historique ne représente plus que 60 % d'un ancien monopole, ce qui a été vérifié pour tous les secteurs concernés, notamment les télécommunications.

J'ai réclamé durant trois ans la possibilité pour la RATP d'obtenir la maîtrise en termes de stratégie d'une filiale, RATP Dev, créée en 2002 dans le cadre de la loi dite SRU relative à la solidarité et au renouvellement urbains, votée en 2000 à l'initiative du ministre Jean- Claude Gayssot. Cette loi a déspécialisé l'établissement public sur le plan géographique, lui permettant d'avoir des activités extérieures à condition de les filialiser. RATP Dev, qui a été créée en même temps que Transdev se développait, a acquis 25 % de celle-ci. Or, l'accord industriel initial n'a jamais fonctionné. Transdev et RATP Dev ont même été en concurrence sur des appels d'offres, ce qui a pu paraître choquant, et j'ai dû demander plusieurs fois l'arbitrage du Gouvernement. C'est pourquoi, lorsque Transdev et Véolia Transport ont décidé de fusionner pour constituer un grand groupe national en matière de services et de délégation de services, nous avons donné notre accord à cette fusion en contrepartie d'actifs et non de cash. Nous avons ainsi récupéré quelque 25 % des actifs de Transdev en filiales que nous contrôlons désormais à 100 % – l'accord a été finalisé le 3 mars dernier et, ce matin même, j'ai pu donner m'exprimer sur les orientations de ce nouvel ensemble ainsi que sur ses stratégies de développement devant 150 cadres de cette filiale en provenance du monde entier.

Grâce à cette transaction qui va représenter environ 700 millions d'euros de chiffre d'affaires hors Île-de-France, à savoir 15 % à 16 % de notre chiffre d'affaire prévisionnel pour 2011, notre groupe s'internationalise. Il est présent aussi bien en Afrique du Sud, où nous inaugurerons fin juin avec le président sud-africain la deuxième phase de notre ligne de chemin de fer entre Pretoria et Johannesburg, qu'en Algérie – nous ouvrirons à la fin de l'année le métro d'Alger, dont nous avons gagné l'appel d'offres – ou en Asie – nos activités en Chine, en Corée du Sud et en Inde sont prometteuses. Du reste, c'est parce que le chiffre d'affaires de cette filiale a crû de 22 % cette année que notre chiffre d'affaires global a crû de 3 %. Sa très bonne rentabilité nous tire donc vers le haut.

Toutefois, l'essentiel de notre métier restera le transport en Île-de-France. Vous avez évoqué la loi dite ORTF relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires de décembre 2009, au sujet de laquelle votre rapporteur, M. Yanick Paternotte a récemment publié un rapport sur son application avec son collègue Maxime Bono. Tirant les conséquences de la mise en oeuvre du règlement OSP en clarifiant le paysage juridique de la RATP, la loi prévoit notamment une séparation comptable entre nos activités de gestionnaire de l'infrastructure et nos activités d'opérateur de transport. M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget et également administrateur de la RATP, m'avait consulté, avant de déposer un amendement sur le sujet, pour savoir si le législateur devait aller jusqu'à inscrire dans la loi une séparation organique ou structurelle. Ma réponse, comme celle de tous les cadres de la RATP, a été négative. En effet, autant les cycles d'utilisation du capital et les modèles d'activités – business models – sont fondamentalement différents pour une offre de service de transports et pour la gestion du patrimoine dans la durée, autant l'arbitrage entre le court et le long terme doit rester de la responsabilité du président-directeur général de la RATP, nommé en conseil des ministres, et du conseil d'administration constitué d'un tiers de salariés, d'un tiers de représentants de l'État et d'un tiers de personnalités qualifiées. Cette gouvernance d'établissement public à caractère industriel et commercial me paraît, en effet, bien adaptée aux défis à relever en matière de transports publics en Île-de-France. Nous devons nous montrer rigoureux dans l'utilisation des moyens publics mis à notre disposition dans le cadre du contrat passé avec le STIF.

Devant créer, sur le modèle de RFF, notre gestionnaire d'infrastructure « en interne », nous sommes actuellement en phase de concertation sur ce sujet avec le comité d'entreprise s'agissant de la définition des tâches, des métiers et des responsabilités. L'échéance est le 1er janvier 2012. Je suis confiant, la concertation se déroule bien. Notre métro, qui a 110 ans, est dans un état parfait, ce qui n'est pas le cas de toutes les capitales, qui ont souvent laissé leur métro se dégrader. Nous devons le transmettre dans un même état qualitatif aux générations futures.

Sous le contrôle du Conseil constitutionnel, la loi a clarifié le statut du métro : nous en sommes le propriétaire juridique.

Avec 10 millions de passagers par jour, nous sommes le premier réseau mondial multimodal – surface et souterrain –, qui comprend des trains à haute capacité – les lignes A et B du RER –, des tramways – ils compteront bientôt 100 kilomètres de lignes grâce aux travaux que nous réalisons actuellement pour le compte du STIF –, des bus et des métros. Cette situation ne doit pas nous détourner d'une bonne maîtrise de nos prix de revient ni nous faire oublier que nous avons à réaliser, chaque année, un gain de productivité, dans le cadre d'une concertation poussée avec les salariés et les organisations syndicales. C'est pourquoi, dans un souci de transparence, j'ai fixé des objectifs de productivité annuelle. Cette politique nous a permis de dégager quelque 180 millions de bénéfice net en 2010.

Les résultats, qui ont été multipliés par cinq depuis que je préside la société, sont intégralement réinvestis puisque l'État ne nous a pas demandé de dividende, ce qui est du reste logique puisqu'il n'a pas investi un euro en fonds propres, exception faite d'une contribution de 150 millions en 2010 dans le cadre du plan de relance – ce dont j'ai remercié le Premier ministre. Nous autofinançons autant que nous le pouvons nos investissements, en vue d'améliorer le service que nous rendons.

Nous sommes le plus gros investisseur industriel de la région Île-de-France. Avec 1,3 milliard l'année dernière et 1,5 milliard cette année, nos investissements, qui étaient nécessaires, ont triplé depuis 2000 pour représenter 5,3 milliards en cinq ans. La moitié des investissements a trait à l'augmentation de nos capacités, alors que l'autre part concerne des opérations de rénovation qui, outre les stations, portent essentiellement sur les matériels roulants. Certes, les investissements ont eu pour effet d'augmenter la dette mais de manière maîtrisée, c'est-à-dire d'environ 900 millions d'euros, conformément aux objectifs qui m'ont été fixés par le Gouvernement.

Ce chiffre est le résultat des aides significatives que nous avons reçues non seulement de l'État, dans le cadre du plan de relance, mais également du STIF, sans oublier notre autofinancement, qui ne cesse de progresser, entre 500 et 600 millions d'euros pas an.

Nous sommes donc pour l'industrie ferroviaire un donneur d'ordres très important. Du reste, la RATP est elle-même un industriel du ferroviaire : je défends depuis cinq ans le modèle stratégique d'une entreprise industrielle intégrée. Avant la crise, ce schéma paraissait un peu dépassé alors que j'ai toujours pensé, au contraire, que la possibilité de maîtriser toute la filière – achats, maintenance élargie, processus du maintien en état du patrimoine industriel – est un élément de sécurité et de qualité irremplaçable pour le public.

La maintenance occupe, à la RATP, près de 10 000 salariés. Je tiens à rappeler que nous avons à entretenir 365 gares et stations, 300 kilomètres de couloirs, 2 000 kilomètres de câbles à haute tension souterrains ainsi qu'une véritable usine électrique de transformation et de distribution de courant que supervisent 500 salariés, sans compter les 21 centres industriels consacrés à la maintenance de nos 4 500 bus – un des plus gros parcs du monde.

Le parc ferroviaire de la RATP comprend, quant à lui, 5 000 voitures réparties entre 700 rames de métro et 350 de RER et une centaine de tramways : leur maintenance est effectuée par 3 500 salariés, sur des sites encore installés, pour certains d'entre eux, à Paris intra muros. Cela fait de nous le premier employeur manufacturier d'Île-de-France.

Notre choix stratégique de la réactivité immédiate a pour effet un des taux de réserve les plus bas du monde. Le matin, à l'heure de pointe, 20 navettes sur 21 sont en service sur la ligne 14. Face à ce faible dimensionnement du parc de réserves et afin de remplir notre mission de service public, j'ai dû négocier avec les représentants du personnel la création, contre compensations, d'équipes de nuit pour effectuer la maintenance.

Celle-ci se déclinant en maintenance préventive, corrective et patrimoniale, notre capacité en ingénierie ferroviaire est quasiment unique au monde. Outre des techniciens et des responsables de l'ordonnancement, des ingénieurs de très haut niveau sont chargés de concevoir en permanence l'optimisation de notre parc ferroviaire.

Notre rôle dans la maîtrise d'ouvrage des projets ferroviaires est également important. Nos équipes expérimentées de maîtrise d'ouvrage construisent actuellement 60 kilomètres de lignes nouvelles de tramway qui permettront de désenclaver l'Île-de-France. Nous prolongeons également deux lignes de métro souterraines, vers Montrouge et vers Aubervilliers.

Il faut savoir que le métro est un métier très complexe, englobant le génie civil, l'infrastructure ferroviaire – voies, caténaires, systèmes électriques – et, plus encore que le matériel roulant, le « système transport » qui comprend, outre le matériel roulant lui-même, la signalisation, si possible embarquée. Ce sont de tels systèmes que souhaitent désormais acheter les collectivités publiques. La mission principale de la RATP, qui fait la fierté de ses ingénieurs, est de servir au mieux la population francilienne en faisant passer dans des tunnels qui datent de plus de cent ans le maximum de trains aux heures de pointe en toute sécurité, celle-ci ne pouvant naturellement faire l'objet d'aucune discussion possible ! Le savoir-faire servant à densifier le passage des trains à ces heures de pointe est propre à la régie.

En tant que maître d'ouvrage de projets neufs, nous sommes assembleurs de nombreux fournisseurs – j'en ai ainsi fait recenser pas moins de 500 pour le tramway T 3, dont un très grand nombre de PME, à l'occasion de son inauguration en 2006. Nous sommes également assembleurs et concepteurs lorsque nous maintenons le matériel à un haut niveau de performance.

En matière d'ingénierie, nous perdons actuellement notre monopole historique, ce qui change le paysage. Je regrette, à titre personnel, que la loi relative au Grand Paris ait créé un nouveau maître d'ouvrage, la Société du Grand Paris (SGP), un établissement public à caractère industriel et commercial rattaché à l'État, distinct de la RATP. C'est la SGP qui commandera les ouvrages, les matériels roulants et les systèmes, avant de les livrer au STIF pour leur mise en service. Un tel schéma pourra, peut-être, s'avérer remarquable pour développer les transports sur la région parisienne, qui prenaient un retard considérable, mais la RATP ne sera plus le donneur d'ordres. Elle répondra toutefois à tous les appels d'offres de la SGP ou émanant d'autres collectivités publiques, afin de contribuer par son savoir-faire à ce grand projet de développement des transports publics en Île-de-France. Cette situation modifiera également notre responsabilité vis-à-vis des fournisseurs.

Je tiens à préciser que nous avons signé dix grands marchés de matériels roulants. Nous avons notamment décidé d'augmenter les capacités de la ligne A du RER – la plus chargée du monde avec un million de passagers par jour. Elle est saturée aux heures de pointe, notamment dans sa partie centrale. À cette fin, nous avons anticipé de dix à quinze ans le renouvellement de son matériel roulant – les MI 84 – pour commander des matériels neufs à deux niveaux – MI 09 –, qui permettront d'augmenter les capacités de 50 %. Les portes, très larges, faciliteront le transbordement des passagers. Ce renouvellement anticipé n'entraînera aucune recette supplémentaire, exception faite d'une augmentation marginale de 5 % à 6 % d'abonnés du pass Navigo. C'est la plus grosse commande de matériels roulants de la RATP depuis trente ans – 2,5 milliards d'euros –, dont la première tranche ferme pour trente rames de dix voitures s'élève à 1 milliard. Les trains, actuellement testés, seront mis en service à la fin du mois de septembre. Si leur construction n'a demandé que deux ans, c'est que leur cahier des charges reprend celui d'un train à deux niveaux, expérimenté sur cette même ligne en 1997 et 1998 et qui nous donnait une totale satisfaction. Nous avons donc pu obtenir du consortium qui construit ce train – Alstom pour 70 % et Bombardier pour 30 % – des délais très courts. Cette commande a donné lieu à des négociations difficiles avec le STIF car elle n'était pas intégrée aux plans historiques de renouvellement, mais celui-ci a fini par accorder une subvention de 30 %, la RATP finançant les 70 % restants sur ses fonds propres. Nous cherchons à améliorer la robustesse de la grille de desserte. Le schéma directeur du RER B va dans ce sens avec les 500 millions d'euros qui lui sont consacrés, notamment dans sa partie « nord », de même que les réflexions engagées pour les RER C et D, puis plus récemment pour la ligne A.

Nous avons également commandé pour 400 millions d'euros de tramways, en plein accord avec le président du STIF, M. Jean-Paul Huchon, dans le cadre d'un financement innovant. L'appel d'offres, qui vise le financement du matériel sur sa durée de vie – 40 ans –, tient compte de la nouvelle législation : le STIF, propriétaire juridique de ces rames, en disposera le jour où nous aurons perdu nos droits à les exploiter, c'est-à-dire en 2029 pour les « trams ». Les banques ont accepté de faire la « jointure » entre la RATP et le STIF pour le cas où nous perdrions, à cette date, les appels d'offres. Nous avons profité de taux d'intérêt bas.

De plus, nous rénovons complètement les rames du métro. Nous finissons actuellement de remplacer les rames de la ligne 2 par le MF 2000 : l'intégration du système est une invention de la RATP qui a utilisé, pour les fournitures, les grands industriels que sont Alstom, Areva TA, fort de son expérience des systèmes sécurisés, ou encore Bombardier, chacun dans son coeur de métier. Ces trains ont un rapport qualitéprix exceptionnel. Nous remplaçons également les rames de la ligne 1 dans le cadre de son automatisation complète. Afin de ne pas interrompre le service – 800 000 voyageurs par jour –, nous avons installé le matériel la nuit dans des délais contraints. À partir de cet été, les rames automatiques seront progressivement installées et circuleront entre des rames classiques, jusqu'à la disparition complète de celles-ci, prévue à la fin de 2012 – c'est une première au monde –, les rames actuelles de la ligne 1 étant transférées sur la ligne 4.

Enfin, un schéma directeur de long terme fixe pour 25 ans les orientations concernant le parc de la RATP. En 2010, la société a dépensé 460 millions d'euros pour les matériels roulants ferroviaires qui, à l'horizon 2016, seront soit neufs, soit récemment rénovés.

La RATP achète également chaque année pour 40 millions de pièces détachées, dépense qui intègre le risque de l'obsolescence. C'est pourquoi nous avons besoin de fournisseurs solides et stables, qui puissent non seulement couvrir la période de garantie mais également nous assurer la fourniture durant trente ans les pièces qui nous sont nécessaires. Des métros en parfait état roulent en toute sécurité, mais avec des composants électroniques datant des années 70 : nous avons donc été obligés, dans un souci de bonne utilisation des deniers publics, de rouvrir en Seine-Saint-Denis un atelier de fabrication de ces composants électroniques. Il ne pouvait être question de nous débarrasser de trains qui roulent parfaitement, uniquement pour une histoire de composants électroniques !

La pérennité des pièces détachées pour des cycles de vie longs est, pour le ferroviaire, un problème majeur que la RATP doit résoudre au même titre que la SNCF. C'est pourquoi nous sommes des acheteurs exigeants. De plus, les ingénieurs de la RATP guettent la moindre innovation. Nous sommes un catalyseur d'innovation pour les industriels du ferroviaire.

La RATP est particulièrement intraitable en termes de fiabilité et de sécurité des matériels, notamment au cours des essais techniques. Son haut niveau d'exigence joint à son souci constant de lutter contre l'obsolescence, donne des armes supplémentaires aux industriels français dans un marché de plus en plus compétitif. Nous assistons en effet, dans l'industrie du ferroviaire, à une banalisation de la qualité, les produits des différents pays européens étant souvent comparables. C'est l'innovation, une mise en service totalement réussie et le respect de délais sévères qui font donc la différence. De plus, les marchés publics que nous lançons étant contrôlés par la Cour des comptes, notre marge de manoeuvre est étroite.

Nous cherchons à soutenir en amont l'innovation. Nous consacrons, compte tenu de la relative faiblesse de nos moyens, 1 % de notre chiffre d'affaire annuel à la recherche et au développement, ce qui est rare dans le secteur des transports publics. Nous soutenons tous les pôles de compétitivité impliqués dans ce secteur, ainsi que l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), qui a fusionné, le 1er janvier dernier, avec le Laboratoire national des Ponts et Chaussées (LCPC) pour former l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR).

Nous développons également l'énergie hybride, avec l'achat de 40 bus cette année, et entretenons un partenariat avec le CEA en matière de biocarburants de nouvelle génération. Si ces éléments de recherche dépassent le cadre stricto sensu de l'industrie ferroviaire, ils ne sont pas sans incidence sur elle.

Dans le cadre du plan de relance, au plus fort de la crise, nous avons augmenté nos commandes en vue d'aider les industriels à passer ce cap difficile, comme l'avait souhaité le Gouvernement. Toutefois, l'industrie du second oeuvre est fragile. Nous rencontrons des difficultés pour faire travailler dans la durée, et de manière rationnelle, l'industrie française de la réparation ferroviaire. C'est ainsi que la commande de rames rénovées pour la ligne 13, qui est ma priorité en raison de son encombrement, a souffert d'un retard de cinq années, en raison de l'incompétence des dirigeants d'une usine passée sous contrôle italien qui devait nous fournir les pièces. Nos ingénieurs et nos équipes de techniciens ont dû porter ce processus pour que cette société, dont nous sommes les derniers clients – la SNCF l'a quittée l'année dernière – puisse finir le chantier. Les grands réseaux comme le nôtre ne trouvent pas toujours aisément sur le territoire national la ressource industrielle leur permettant de rénover leurs rames. Or, nos moyens ne nous permettent pas de n'acheter que du neuf, d'autant que nos matériels, une fois rénovés, retrouvent une jeunesse pour quinze à vingt ans. Encore faut-il trouver les bons fournisseurs, car fiabiliser les rénovations n'est pas toujours simple.

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