Après sept trimestres consécutifs d'amélioration, la reprise est désormais perceptible dans l'artisanat et le commerce de proximité. Ainsi, la croissance du chiffre d'affaires global de ce secteur s'établit à 1 % en valeur au quatrième trimestre 2010 par rapport au même trimestre de l'année précédente. La tendance annuelle, à l'issue de l'année 2010, est de – 0,5 %, soit cinq points de plus qu'au terme de l'année 2009.
Pour autant, la trésorerie des artisans et commerçants de proximité reste fragile, 21 % d'entre eux faisant encore état d'une détérioration de leur situation financière, contre 34 % à la fin 2009. De même, les chefs d'entreprise continuent d'envisager les prochains mois avec inquiétude. Près d'un quart d'entre eux craignent une baisse de leur chiffre d'affaires au premier trimestre 2011, contre 14 % qui prévoient une hausse.
Les discours récurrents sur la compétitivité ne s'intéressent en réalité qu'à celle des entreprises de grande taille, tournées vers l'international et qui relèvent du secteur industriel. Ce raccourci conduit à occulter le fait que la compétitivité de ces entreprises ne peut se concevoir sans une économie « résidentielle » efficace et solide et, plus généralement, sans compter sur un tissu de petites entreprises, qui représentent la très grande majorité des entreprises de notre pays. Compte tenu du rôle joué par l'économie « résidentielle » comme facteur de développement économique local, ces catégories d'entreprises participent à côté de la « composante mondialisée » à la compétitivité des territoires et contribuent directement à l'attractivité de notre pays. Il ne faut donc pas dissocier les grandes entreprises et les petites entreprises.
Les grandes entreprises industrielles qui ont perdu du terrain en France ont un point commun avec les entreprises artisanales et du commerce de proximité : elles sont utilisatrices de main-d'oeuvre. Par conséquent, l'arbitrage défavorable au coût du travail que la France a connu ces dernières années les a donc également pénalisées.
En ce qui concerne la taille des entreprises, l'UPA émet des réserves sur le discours récurrent du « faire grandir » qui vide de son contenu le Small Business Act prôné par ailleurs. Il faut éviter de tenir des discours contradictoires. Nous pensons quant à nous que toutes les entreprises n'ont pas vocation à grandir. Au reste, pour certaines d'entre elles, la principale de leur préoccupation est celle du maintien – notamment en raison de l'âge avancé de certains chefs d'entreprise.
En matière de perspectives à court et moyen termes, les entreprises artisanales et du commerce de proximité sont tout autant que les autres touchées par la hausse des prix des matières premières – pétrole, métaux, denrées agricoles –, dont il est très probable qu'elle va perdurer.
Un marché du travail durablement dégradé, des salaires nominaux en faible progression, une inflation temporairement en hausse qui ponctionne le pouvoir d'achat et pourrait entamer la confiance des consommateurs ainsi qu'une absence de reprise franche du crédit sont autant de facteurs qui font douter de la bonne santé de la consommation des ménages dans l'avenir. Or nos activités s'adressant essentiellement à nos compatriotes, le moral des ménages constitue pour nous un élément très important.
J'en viens à l'imposition des entreprises et à l'état des comptes sociaux.
D'autres avant moi l'ont rappelé, outre que le taux des prélèvements obligatoires sur les entreprises en France est le plus élevé d'Europe, ces prélèvements sont principalement assis sur le travail. Parallèlement à cette forte pression sur les entreprises, le taux de couverture des dépenses des régimes de base de sécurité sociale par les recettes est très défavorable dans notre pays. Je partage ce qu'ont indiqué les autres intervenants à propos du financement de la politique familiale : sur ce point, nous sommes sur la même longueur d'onde.
Il faut donc, tout en maintenant une action forte et déterminée sur la maîtrise des dépenses, poursuivre l'élargissement de l'assiette des prélèvements sociaux, qui est aujourd'hui fortement concentrée sur les seuls revenus du travail.
Quelques mots sur l'état du marché de l'emploi.
Compte tenu du foisonnement des textes, législatifs ou réglementaires, et de la propension des gouvernements à empiler plutôt qu'à simplifier, il est souhaitable que chaque mesure nouvelle soit précédée d'une étude d'impact pour nous permettre d'en mesurer tout à la fois le coût et l'intérêt. Certes, cette demande n'est pas nouvelle, mais je tiens à la renouveler devant vous.
Il est tout aussi souhaitable d'accompagner d'un suivi la mise en oeuvre de toute nouvelle disposition.
En outre, et dès lors que le respect des principes fondamentaux fixés par la loi serait garanti, nous pourrions considérer comme positives toutes les initiatives tendant à confier aux branches professionnelles la responsabilité de définir les relations entre entreprises et salariés. Cette gestion au plus près des problématiques permettrait d'instaurer des normes plus efficaces et plus effectives.
J'aborderai maintenant le système d'exonération de charges sociales.
La France est le pays de l'Union européenne où le poids des cotisations sociales par rapport au PIB est le plus élevé. C'est bien pour réduire le coût du travail lié aux charges sociales que les gouvernements successifs se sont engagés depuis de nombreuses années dans des politiques d'allégement de cotisations, faisant de ces dispositifs un des piliers de la politique de l'emploi en France. Ces dispositifs d'allégement de charges ont été mis en place par les pouvoirs publics à partir de 1993 – et non de 1998, comme certains ont essayé de nous en convaincre – afin de réduire le coût du travail des emplois peu qualifiés dans le but d'inverser la tendance, alors observée, à la diminution de ce type d'emplois.
La loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et à l'emploi, dite « loi Fillon », a simplifié les dispositifs en vigueur en instaurant une réduction générale dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale de 26 points au niveau du SMIC. Il faut noter que, depuis 1993, les dispositifs d'allégement ont fait l'objet de huit réformes majeures.
Ce qui est certain, c'est que les allégements de charges ont permis de créer des emplois, comme le confirment le rapport du Commissariat général au Plan sur l'application des 35 heures, le dix-neuvième rapport du Conseil national des impôts ou encore le rapport de l'INSEE sur les allégements de charges jusqu'à 1,3 SMIC.
La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) constate dans l'un de ses rapports que la politique d'allégement des cotisations sur les bas salaires a fait la preuve de son efficacité, ajoutant qu'une suppression totale des allégements de charges conduirait à détruire environ 800 000 emplois en quelques années.
Pour faire face à la complexité du dispositif actuel et pour assurer une lisibilité aux entreprises en les préservant de changements incessants, le Premier ministre a avancé la possibilité d'intégrer des allégements de charges dans le barème des cotisations sociales. Le débat ouvert par l'annonce du Premier ministre soulève la question de la conservation de la notion de dérogation pour les dispositifs d'allégement de cotisations patronales par rapport à un taux unique ou, au contraire, celle d'un affichage clair de la progressivité des cotisations sociales en intégrant les allégements dans un barème.
La « barémisation » aurait des effets en termes de simplification des déclarations des entreprises : au lieu de deux opérations – calcul à taux plein puis application de la réduction –, les entreprises ne procéderaient plus qu'à un seul calcul – calcul avec un taux progressif. En dépit de quelques difficultés d'application, notamment pour les plus petites entreprises, cette orientation serait sans doute la meilleure pour pérenniser les allégements de cotisations sociales et éviter d'éventuelles remises en cause, compte tenu du débat actuel portant sur le coût de la politique d'allégement des charges et de la volonté affichée de réduire les niches fiscales et sociales.
Par ailleurs, la réouverture de ce débat devrait s'accompagner d'un autre débat touchant à l'assiette globale du financement de la protection sociale. L'UPA demande en effet de moins faire peser sur les entreprises de main-d'oeuvre le financement de la protection sociale, car cela permettrait de réduire le coût du travail et ainsi d'améliorer la compétitivité de nos entreprises.