…entre 1,5 et 2 milliards d'euros. Est-ce avec ses 124 millions d'euros de cash annuel que Free financera ce réseau ? En examinant les comptes de ce futur opérateur, je reste sceptique.
Au début, tout se passera bien. Notre quatrième opérateur développera son réseau à Paris et dans les zones urbaines de grande densité. Il atteindra ainsi les 25 % initiaux de couverture lui donnant accès à une clause d'itinérance sur le reste du territoire, pendant six ans. Mais ensuite ?
Pensez-vous vraiment que notre quatrième opérateur développera ensuite son réseau sur des régions de moindre densité démographique et donc de moindre rentabilité ? Ce serait agir contre toute logique, et contre tous les enseignements tirés de l'étude des économies de réseau, qui poussent à la mutualisation des réseaux existants plutôt qu'à leur duplication.
Pensez-vous vraiment qu'il développera son réseau de points hauts et d'antennes-relais dans un contexte où l'opinion publique est de plus en plus hostile à leur prolifération ? Nous ne le pensons pas, et la décision récente de la cour d'appel de Versailles condamnant Bouygues à démonter ses installations d'émission-réception d'une antenne-relais dans le Rhône est une première en France. La cour d'appel invoque l'incertitude relative à un éventuel impact sur la santé des riverains – sujet que vous connaissez bien, madame la secrétaire d'État. Cette décision illustre les difficultés que rencontra le quatrième opérateur pour développer son réseau dans un contexte d'hostilité sociale.
En conséquence, nous pensons, pour des raisons économiques et environnementales, que vous n'éviterez pas le retour à une mutualisation maximale des réseaux installés. Aujourd'hui le PDG de Free fait le beau dans la presse, mais je lui donne rendez-vous dans deux ou trois ans pour faire le bilan du développement de son réseau physique sur l'ensemble du territoire national. Je suis certain que nous reviendrons à la mutualisation des antennes-relais et des sites hauts.
Certes, la loi rend obligatoire cette mutualisation sur tous les sites UMTS, c'est-à-dire sur ceux mis en place depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie. Bien sûr, nous nous en félicitons : sur ce point, le législateur a été inspiré. Mais quid des sites anciens ? Seront-ils mutualisés ou non ? L'ARCEP réfléchit à ce problème, mais il faut qu'elle le fasse rapidement. La question est essentielle, car sans contrainte sur les anciens sites, je vois mal les opérateurs historiques accueillir le nouvel entrant rien que pour ses beaux yeux. Vous l'avez compris, la construction massive de nouvelles antennes va se heurter à de grandes difficultés.
Nous ne couperons pas à la mutualisation, et cela d'autant moins que s'ajoute le problème de la multiplication de l'itinérance. Prenons la petite commune de Saint-Caprais-de-Lerm, peuplée de quelques centaines d'habitants. Située à moins de quinze kilomètres d'Agen, elle se trouve aujourd'hui en zone blanche. Comment être sûr que, demain, un habitant qui choisira Free recevra messages et appels durant les premiers mois ou les premières années de son abonnement – le temps pour ce nouvel entrant de construire entièrement son réseau ? Et si des aménagements sont d'ores et déjà prévus, pour une période initiale, dans le cadre des obligations imposées aux trois opérateurs historiques, que se passera-il ensuite ?
Bref, nous pensons que l'économie et l'environnement amèneront le quatrième opérateur à utiliser le réseau des trois autres sur une grande partie du territoire national. Cela nous promet de beaux contentieux et de sacrées négociations, mais cela se terminera sans doute ainsi.
Madame et monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez que cela marche, ne commencez pas, de grâce, par favoriser un contentieux fondateur qui risque d'empoisonner durablement les relations entre les opérateurs existants et le quatrième opérateur ! Permettez aux centristes, qui ont toujours porté une attention particulière à l'équilibre de nos finances publiques, d'être en quelque sorte les gardiens du temple.
Les opérateurs majeurs ont payé chacun 619 millions d'euros. Il est à peu près établi que si l'État leur avait vendu, en bon père de famille, les 15 mégahertz restants, cela lui aurait rapporté entre 600 et 700 millions d'euros. Or, selon la presse, le prix fixé pour la quatrième licence serait de 210 millions d'euros ! Inutile de vous justifier par le recours à la règle de trois : nous avons fait assez de physique pour savoir qu'en l'espèce un tel calcul ne serait pas pertinent.