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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 26 mai 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, président de la Fédération hospitalière de France :

Si l'on ne garde pas à l'esprit le fait qu'on s'est toujours placé – même lorsque les faits démentaient les hypothèses – dans l'éventualité du pire, on ne peut pas comprendre l'organisation mise en place ni la relative lenteur de l'adaptation du dispositif.

Pourquoi les médecins généralistes ne pouvaient-ils pas vacciner ? Parce que les vaccins étaient distribués en multidoses. Quand une dose était utilisée sur les dix, les neufs autres étaient perdues si elles n'étaient pas utilisées dans les vingt-quatre heures. Comme on n'était pas sûr d'avoir suffisamment de doses, on n'a pas voulu gaspiller les stocks dont on disposait, ce qui, quand on y réfléchit, n'est pas complètement illogique.

Pourquoi n'a-t-on pas vacciné dans les hôpitaux ? Parce que les queues qu'il y avait dans les centres de vaccination, même quand il s'agissait de gymnases, dissuadaient de mettre des salles de consultation à la disposition de cette vaccination. L'hôpital aurait été envahi. De plus, les règles d'hygiène et de sécurité interdisaient de faire vacciner des personnes fragiles au même endroit ou à proximité de malades gravement atteints par le virus.

Le nombre de malades graves n'ayant pas été très important, on se dit, après coup, qu'on aurait pu organiser différemment les flux et les espaces. La vraie question à se poser est de savoir si on referait la même chose si c'était à refaire. Mais cette question impose de considérer tous les cas possibles. Un virus ne ressemble pas à un autre. Il peut être plus virulent. Il peut muter. Si l'on connaît une pandémie de la gravité de la grippe espagnole, vaccinera-t-on dans les hôpitaux en détachant des personnels de tels ou tels services à cet effet, en mélangeant les populations fragiles et les malades gravement atteints et en disséminant les doses de vaccin sur l'ensemble des médecins, sans aucune traçabilité ?

Compte tenu de l'épidémie qu'on a connue, on peut en effet dire, a posteriori, qu'il aurait été plus rationnel d'organiser la vaccination à partir du centre hospitalier du fait de ses compétences et du réseau qu'il développe avec la population. Mais on ne peut tirer aucune conclusion pour l'avenir car on ne sait pas si on sera face au même type de pandémie.

L'épidémie a touché l'Australie et la Nouvelle-Calédonie avant d'atteindre l'hexagone, si bien qu'on savait qu'elle se caractérisait par une mortalité importante dans des populations qui n'étaient d'ordinaire pas considérées à risque – jeunes de vingt-cinq ans, femmes enceintes, enfants en bas âge –, ce qui était inquiétant. Mais il y avait aussi une information rassurante, à savoir que la population n'avait été touchée qu'à 15 % et que le taux de mortalité n'atteignait pas les 5 % que on l'avait craints, bien qu'il s'agisse d'un territoire où il n'y avait pas eu de vaccination et où l'on n'avait développé que des règles d'hygiène, de sécurité et d'isolement.

De toutes ces informations, nous avons retenu qu'il y allait y avoir des cas graves, que les hôpitaux devaient être en situation d'accueillir, mais nous n'avions aucune idée de leur nombre. Il n'y avait eu là-bas qu'un pic d'épidémie mais rien ne permettait d'assurer qu'il n'y en aurait pas un second, ou qu'il n'y en aurait pas un second chez nous. Rien ne permettait non plus d'assurer que le virus de l'hémisphère Sud n'allait pas muter et accroître sa virulence.

En même temps, nous avons dû nous livrer à une course à la vaccination puisque nous avons dû l'organiser trois semaines avant la période normale, en distinguant, de surcroît, les personnes âgées, pour qui la grippe saisonnière présentait plus de dangers, et les enfants, les femmes enceintes, les jeunes, les personnes en contact avec les malades et les personnes immunodéficientes, qui constituaient une population à risque pour la grippe A(H1N1).

La vaccination a, d'abord, été réservée aux personnels hospitaliers, puis elle s'est ouverte à l'ambulatoire. Elle a ensuite été assurée à l'extérieur où ont été envoyés, à un certain moment, des internes, pour enfin, être organisée également l'hôpital. On a d'abord vacciné les porteurs de bons, puis toutes les personnes qui se présentaient. Au fur et à mesure de l'évolution de la situation, on a cherché à assouplir le système, tout en restant dans l'hypothèse du pire, que l'on n'a jamais pu totalement exclure : en effet, après le premier pic, un certain nombre d'épidémiologistes et de virologues avaient expliqué qu'il y en aurait un second. Par ailleurs, il y avait eu quatre cas de mutations en Norvège.

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