La « loi Chatel » du 3 janvier 2008 est revenue sur le montant prévu de la licence pour la gestion d'un réseau de téléphonie mobile, soit 619 millions d'euros à l'époque, et a donné compétence au Gouvernement pour fixer un nouveau prix par voie réglementaire, après débat au Parlement.
Le 12 janvier, le Premier ministre a annoncé, au terme d'une procédure de consultation publique gérée par l'ARCEP, une stratégie globale d'attribution des fréquences pour les réseaux mobiles. L'État divisera la ressource existante en trois lots de deux fois 5 mégahertz. Un de ces trois lots sera attribué à un nouvel entrant.
Le Parlement, en janvier 2008, a accepté – ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux – de se dessaisir de son pouvoir de fixation du montant de la licence, en contrepartie de l'organisation d'un débat. C'est ce débat que nous avons aujourd'hui. Je n'aime pas les débats sans vote, qui sont assez humiliants pour le Parlement. À tout le moins faut-il plus de transparence sur les points sensibles, comme le montant de la quatrième licence ; il y a un peu plus de transparence depuis ce matin, et je vous serai reconnaissant, madame et monsieur les secrétaires d'État, d'être particulièrement précis à ce sujet dans vos réponses à mes questions.
Il nous paraît en effet légitime de nous interroger sur l'apparition d'un nouvel entrant dans le marché de la téléphonie mobile.
Nous avons, nous centristes, une tradition libérale qui nous fait considérer la concurrence – une concurrence libre et non faussée, nationale et européenne, encadrée et contrôlée par un régulateur fort – comme un des outils les plus puissants au service des consommateurs. Nous abordons donc ce débat avec un a priori positif.
Mais l'important, ce n'est pas l'idéologie, c'est la recherche pragmatique de l'optimum du point de vue de l'intérêt général, c'est-à-dire de meilleurs prix et services pour les consommateurs, et la saine gestion du patrimoine de l'État, en ce qui concerne l'aliénation de son domaine public.
À cet égard, je poserai trois questions.
Tout d'abord, quel est l'état du marché de la téléphonie mobile en France ? A-t-il besoin d'une activation de la concurrence ?
Ensuite, cette activation doit-elle se faire, si tel est le cas, en accordant une plus grande part du marché aux MVNO ou en déployant un quatrième réseau physique ?
Enfin, s'il doit y avoir un quatrième réseau physique – ainsi qu'en a décidé le Premier ministre –, comment devra-t-il se déployer pour assurer au consommateur un meilleur rapport qualité-prix et à l'État des recettes patrimoniales correspondant à la valeur du bien vendu ?
S'agissant du premier point, il s'agit à l'évidence d'un marché mature : fin 2007, il y avait 55,4 millions d'abonnés et un taux de pénétration de 85,6 % chez les actifs ; les trois opérateurs majeurs cumulent 95 % du marché et les opérateurs de réseau mobile virtuel, les MVNO, seulement 5 %.
Il est assez difficile d'évaluer l'intensité de la concurrence entre ces opérateurs, la transparence n'étant pas absolue. Je m'y suis essayé depuis quelques jours. On peut souligner quelques grands traits. Les opérateurs actuels ont fait face à la formidable croissance du marché français, en assurant un bon niveau de service et, pour autant qu'on puisse le savoir, un prix qui se situe globalement dans la moyenne européenne. Mais le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne, et l'évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers.
Les parts de marché respectives des trois opérateurs majeurs sont stables, soit 45 % pour Orange, 35 % pour SFR et 15 % pour Bouygues. Le seul effet de stock ne suffit pas à expliquer cette stabilité. Il est de fait que les trois sociétés constituant cet oligopole ont eu, dans un passé récent, des pratiques n'allant pas franchement dans le sens d'une concurrence efficace, puisqu'elles ont été condamnées en 2007 pour entente. Cette condamnation, historique par l'ampleur du montant des amendes infligées, n'a pas eu de conséquence particulièrement visible par la suite. En effet, pour des raisons qui restent à déterminer, le marché de la téléphonie mobile reste bloqué. On le voit bien : les innovations existent, mais, comme chacun copie l'autre, l'offre reste similaire et les consommateurs ne peuvent donc en tirer qu'un faible bénéfice réel. De plus, le prix des SMS ne baisse pas de façon sensible, malgré une croissance exponentielle.
Oui, ce marché a besoin d'une forte stimulation concurrentielle, et c'est le mérite de l'initiative gouvernementale que d'ouvrir ce chantier.