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Intervention de Patrick le Courtois

Réunion du 12 mai 2010 à 16h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Patrick le Courtois, membre de l'Agence européenne du médicament :

La stratégie des États-Unis a consisté à n'utiliser que des produits déjà utilisés comme vaccins saisonniers et à y incorporer la nouvelle souche pandémique de la même manière que l'on procède avec les souches saisonnières. Comme certains doutes subsistaient, l'administration a demandé, par exception, quelques données cliniques chez l'adulte pour vérifier la validité de cette stratégie. Les Américains ont donc fait un pari, et ils nous l'ont dit. On notera que la vaccination saisonnière de la femme enceinte et de l'enfant est beaucoup plus fréquente aux États-Unis qu'en Europe.

Par ailleurs, les États-Unis sont très réticents quant à l'utilisation des adjuvants. On n'y propose aucun vaccin saisonnier adjuvanté, ce qui n'est pas le cas en Europe où, notamment, plus de 40 millions de personnes – surtout dans les pays septentrionaux – ont été vaccinées avec un de ces produits. Cette réticence est liée au traumatisme de la crise sanitaire et politique de 1976, lorsqu'un vaccin adjuvanté a provoqué des cas de maladie de Guillain-Barré. De plus, les groupes antivaccination sont plus influents aux États-Unis qu'ils ne le sont en Europe.

Pour en revenir aux vaccins maquettes, qui ont pour la première fois fait l'objet d'une autorisation, le comité a été extrêmement prudent. C'est pourquoi, au mois d'octobre, en dépit d'éléments montrant leur efficacité avec injection d'une seule dose, il a préféré disposer de données définitives issues d'essais « propres » et d'éléments concernant la deuxième dose, afin d'être pleinement assuré de l'efficacité de ces vaccins sur les populations naïves – cet aspect étant, si je puis dire, son obsession.

De plus, le développement des vaccins maquettes s'est fait par étapes, si bien que l'on ne disposait pas de données concernant le nombre de doses nécessaire pour certaines tranches d'âge. Ce n'est pas sans lien avec les recommandations faites en direction des populations à risque : à un certain moment, nous nous sommes trouvés dans la situation où les données disponibles pour les vaccins maquettes contre la grippe A(H1N1) ne concernaient pas les populations recommandées. Des extrapolations étaient possibles, voire acceptables dans une situation de pandémie très sévère, mais, comme on a su assez tôt que la pandémie était modérée, on a demandé des essais supplémentaires.

Outre le comité qui se prononce sur les autorisations de mise sur le marché, l'Agence européenne du médicament comporte un comité pédiatrique, lequel a fortement recommandé que l'on réalise des essais chez les enfants, y compris les plus jeunes, en parallèle avec les essais pratiqués sur les adultes.

Il se trouve que les firmes ont réalisé ces essais de façon séquentielle, en raison des difficultés auxquelles elles se sont heurtées au niveau des comités d'éthique pour faire de telles études chez les enfants alors que l'on ne disposait pas de résultats concernant les adultes. En général, dans le développement des médicaments, on attend ces résultats avant de passer aux essais chez les enfants. Mais, en la matière, les deux catégories étaient très différentes d'un point de vue immunologique et il a semblé préférable de mener les études en parallèle.

Bref, nous avons reçu les résultats des essais cliniques chez les enfants quelques semaines après les résultats concernant les adultes.

En septembre, des données très préliminaires collectées sur un tout petit nombre de sujets vaccinés avec des lots expérimentaux de Pandemrix contenant plus de vaccin que la version commercialisée montraient déjà qu'une seule dose pourrait être suffisante. Vers la mi-octobre, les firmes nous ont demandé de pouvoir modifier leurs demandes d'autorisation de mise sur le marché en passant de deux à une dose de vaccin, sur la base de données qui, je le répète, n'étaient pas complètement finalisées et qui montraient qu'une dose pourrait être suffisante. Invité au Conseil des ministres de la santé au mois d'octobre, j'ai communiqué cette information au commissaire qui a indiqué aux ministres que l'agence, suite à cette demande des firmes, allait évaluer les données et se prononcer une semaine plus tard. Le 22 octobre 2009, l'agence a émis un avis selon lequel elle continuait à recommander deux doses bien que beaucoup d'éléments montrent qu'une dose pourrait être suffisante. Sur la base de ces informations, certains pays ont décidé d'attendre la confirmation formelle du comité, d'autres ont décidé de passer immédiatement à une seule dose. Ce n'est qu'en novembre 2009, au vu de données supplémentaires, que le comité a été complètement convaincu qu'une dose suffisait et qu'il a modifié l'autorisation de mise sur le marché en ce sens.

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