À la fin du mois d'avril 2009, nous avons envoyé un agent de liaison du centre de crise de Stockholm à celui d'Atlanta afin d'avoir accès à des informations fiables. Le centre américain avait déjà dépêché des équipes au Mexique pour faire le tri des informations exploitables. Nous avons alors réalisé que la sévérité annoncée résultait d'un biais très connu dans les données de surveillance : quand celles-ci ne dépendent pas d'un système très performant, on ne voit apparaître que le sommet de l'iceberg, c'est à dire les cas les plus graves repérés dans les hôpitaux.
La question du degré de sévérité est, bien sûr, la première que l'on se pose lors de l'émergence d'une souche pandémique. Les expériences tirées du passé montrent que l'on ne peut rien déterminer à l'avance : en 1919, la pandémie de la grippe espagnole s'est avérée particulièrement sévère, tandis que les pandémies suivantes ont été d'une sévérité beaucoup plus modérée.
Notre évaluation en date du 30 avril 2009 montrait que le virus présentait un potentiel pandémique. Toutefois, ce terme décrivait seulement la propagation géographique de l'infection et pas nécessairement la sévérité de la maladie elle-même. Toute la difficulté d'évaluer la sévérité d'une pandémie provient de ce que celle-ci possède toujours deux dimensions : la sévérité de la maladie pour chaque individu et sa sévérité collective – en cas de population naïve, la maladie se diffuse plus largement que pour une grippe saisonnière dans la mesure où, dans ce dernier cas, une grande partie de la population est déjà protégée. Nous avons rapidement compris que les symptômes de la maladie n'étaient pas spécialement sévères et que sa gravité ne pouvait pas être mesurée par les statistiques de mortalité, ce qu'on appelle la létalité.
Le propre d'une pandémie réside également dans ses conséquences sur les groupes à risque, d'où l'importance de déterminer ceux-ci au niveau de l'Union européenne. Chaque pays ne peut, pour le faire, attendre d'observer les cas qui vont émerger sur son territoire : on l'a bien vu aux États-Unis, qui ont bénéficié des informations fournies par des pays déjà touchés par la pandémie. De telles informations ont permis d'identifier les groupes à risque. On a, par exemple, noté une surmortalité des enfants – les éléments de cette étude ont été publiés il y a quelques semaines dans Eurosurveillance. Toutefois, le suivi des statistiques de mortalité, lequel est assuré pour la grippe saisonnière, n'est pas encore réalisé pour la grippe pandémique car l'analyse des données prend un certain temps. Nous savons cependant que, si la mortalité n'a pas été modifiée sur le plan quantitatif, elle a été qualitativement différente.