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Intervention de Patrick le Courtois

Réunion du 12 mai 2010 à 16h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Patrick le Courtois, membre de l'Agence européenne du médicament :

L'Agence européenne du médicament est une agence de l'Union européenne créée en 1995, après trente années d'harmonisation communautaire. En matière d'autorisations de mise sur le marché, elle prépare les avis scientifiques concernant l'évaluation des produits de santé, dans le cadre d'une procédure d'enregistrement appelée « procédure centralisée ». Ces avis donnent lieu à une décision de la Commission européenne après consultation des États membres. Depuis l'année dernière, le Parlement européen exerce un droit de regard sur les décisions de la Commission européenne en la matière.

Cette procédure européenne est obligatoire pour les produits issus des biotechnologies. C'est pourquoi elle s'est appliquée aux vaccins mock-up, ou vaccins maquettes, qui comportent, pour les vaccins initiaux, un procédé biotechnologique.

Certains produits destinés à différentes indications thérapeutiques ou certains types de médicaments peuvent également être soumis à la procédure centralisée.

L'agence ne dispose pas de ressources d'évaluation propres : elle s'appuie entièrement sur les ressources d'évaluation et d'expertise des autorités nationales d'enregistrement des médicaments. Elle fonctionne en réseau, avec plusieurs comités scientifiques.

L'un d'entre eux, le comité pour les médicaments à usage humain (Committee for medicinal products for human use, ou CHMP), a autorité pour émettre des avis scientifiques concernant l'autorisation de mise sur le marché des médicaments. Il est composé de délégués et de remplaçants nommés par les États membres, l'agence assurant son secrétariat administratif et scientifique.

D'un point de vue pratique, pour chaque dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché, le comité désigne deux rapporteurs qui travaillent indépendamment. Les équipes d'évaluation et d'experts proviennent des agences nationales. Le comité prend ses décisions de façon collégiale et le plus souvent consensuelle, parfois en votant. Il s'appuie sur des groupes de travail, dont un qui est consacré aux vaccins et un autre qui évalue la qualité pharmaceutique des produits biologiques – ce qui inclut les vaccins. Le président du comité est un Français qui travaille à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Celui du groupe de travail sur les produits biologiques est également un Français travaillant pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Celui du groupe de travail « vaccins » est allemand et travaille au Paul-Ehrlich Institut, l'autorité allemande en charge de l'enregistrement des produits biologiques.

L'évaluation des produits de santé au niveau européen est donc totalement ancrée dans l'expertise et l'évaluation nationales.

D'une manière générale, l'agence et le comité évaluent le rapport bénéficerisque des médicaments, sans considération de leur rapport coûtefficacité, qui n'est pas de sa compétence. Ils ne font pas de recommandations sur les stratégies de vaccination, lesquelles restent du ressort des États membres. C'est pourquoi tous les résumés de caractéristiques des produits indiquent que l'on doit suivre les recommandations nationales en la matière.

L'agence a commencé à se préparer à la pandémie de grippe en 2003, en coordination avec la Commission européenne – en particulier la direction générale de la santé et de la protection des consommateurs –, l'Organisation mondiale de la santé et les autorités réglementaires. Elle a consulté l'association européenne des producteurs de vaccins tout au long du processus.

L'agence a participé aux travaux du comité de sécurité sanitaire et a commencé à publier dès 2004 des lignes directrices concernant les vaccins maquettes. Un plan d'action a été rendu public. Nous avons formé les évaluateurs des agences nationales à la procédure à mettre en oeuvre et à l'évaluation des dossiers. Dès 2007, des recommandations en matière de pharmacovigilance et de gestion des risques étaient diffusées. Le premier vaccin maquette, le Focetria du laboratoire Novartis, a été autorisé en 2007. En 2008, nous avons mis en place un plan de continuité d'activité pandémique. Le deuxième vaccin maquette, le Pandemrix de GlaxoSmithKline, a été autorisé cette même année, de même que, au début de 2009 – juste avant le début de la pandémie –, le Celvapan du laboratoire Baxter.

Par ailleurs, en 2005, une modification de la législation pharmaceutique a introduit de nouvelles procédures réglementaires permettant une évaluation rapide des vaccins, en particulier les vaccins maquettes, en cas de pandémie.

Les recommandations du comité pour les médicaments à usage humain ont suivi trois principes.

Premièrement, en cas de pandémie, le vaccin devait être disponible le plus rapidement possible après l'identification du virus, mais nous devions disposer de suffisamment d'informations sur sa sécurité et sur son efficacité. C'est le cas des vaccins saisonniers, dont on connaît le mode de fabrication et pour lesquels la souche est modifiée de façon relativement simple chaque année. Le concept du vaccin maquette a consisté à autoriser un vaccin avant qu'une pandémie ne débute, en se plaçant dans l'hypothèse la plus contraignante, c'est-à-dire celle d'un virus pour lequel la population est naïve, d'où le choix de développer et de valider les vaccins à partir du virus de la grippe aviaire H5N1. Cette hypothèse a conduit à établir des critères biologiques d'efficacité plus sévères que pour les vaccins saisonniers.

Deuxièmement, il était nécessaire de disposer de suffisamment de vaccins dans une situation d'incertitude quant au rendement des souches virales pandémiques, donc de diminuer la quantité d'antigène nécessaire à leur production tout en maintenant une efficacité suffisante. Pour répondre à ces deux contraintes, il a été proposé que les vaccins soient adjuvantés : on diminuait ainsi par deux voire par quatre la quantité d'antigène par rapport à un vaccin saisonnier habituel.

Troisièmement, on devait disposer d'alternatives aux vaccins traditionnels cultivés sur oeufs. D'où la proposition de développer des vaccins pandémiques sur des cellules, comme c'est le cas pour d'autres types de vaccins. C'est ce que le laboratoire Baxter a fait.

Les vaccins développés à partir du virus H5N1 ont été testés sur des populations naïves, c'est-à-dire des populations qui n'ont jamais été en contact avec le virus et qui n'ont donc aucune protection immunitaire. Les études ont montré que deux doses de vaccin étaient nécessaires pour atteindre une réponse immunologique suffisante.

Dès l'annonce de la survenue du nouveau virus, en avril 2009, l'agence a tenu des réunions téléphoniques quotidiennes avec la Commission européenne et le comité de sécurité sanitaire, ainsi que des téléconférences, plusieurs fois par semaine, avec l'Organisation mondiale de la santé et de nombreuses autorités réglementaires dans le monde, en particulier celles des États-Unis, du Canada et du Japon, avec lesquelles elle a passé des accords de confidentialité. Elle a également rencontré l'association européenne des producteurs de vaccins et chacune des firmes, de façon à déterminer ce que serait leur stratégie.

Après l'émission de recommandations en faveur d'un vaccin monovalent, formulées au début du mois de mai 2009, les firmes nous ont informés qu'elles demanderaient, pour ce qui concerne la procédure centralisée, l'autorisation d'utiliser trois vaccins maquettes et qu'elles déposeraient par ailleurs trois nouveaux dossiers devant être évalués selon une procédure d'urgence. L'agence ne disposait pas de dossier de vaccin saisonnier autorisé que l'on pût modifier, si jamais cette stratégie avait été proposée. On ne comptait que deux vaccins saisonniers, l'un qui n'était autorisé que pour les personnes âgées et un autre que la firme n'était pas en mesure de mettre en production. La question ne s'est donc pas posée.

Comme vous le savez, quatre autres vaccins ont été autorisés au niveau national, au-delà des vaccins maquettes.

Un vaccin nouveau non adjuvanté de Sanofi, initialement destiné à faire l'objet d'une autorisation selon la procédure centralisée, a finalement été autorisé selon la procédure décentralisée par la France qui a été le pays de référence, en novembre dernier.

L'agence a en outre émis un avis scientifique concernant deux nouveaux vaccins adjuvantés au début de l'année 2010.

En ce qui concerne les vaccins maquettes, elle a demandé aux firmes dès le mois de mai 2009 de réaliser des essais cliniques supplémentaires avec le virus A(H1N1) afin de valider le nombre de doses nécessaire, y compris dans les populations ou dans les tranches d'âge pour lesquelles on ne disposait pas encore de données pour le virus H5N1 – puisque les essais le concernant étaient en cours. L'agence leur a également demandé de mettre en place un suivi intensif de pharmacovigilance, un suivi de cohorte de 9 000 personnes vaccinées pour chaque produit, des registres de femmes enceintes et des études d'efficacité clinique – études auxquelles nous avons travaillé avec le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies, qui a par ailleurs réalisé de telles études indépendamment des firmes.

Sur cette base, l'agence a rendu un avis positif, le 24 septembre 2009, pour les vaccins Focetria et Pandemrix incorporant le virus A(H1N1). Ces produits ont fait l'objet d'une décision de la Commission européenne cinq jours plus tard, selon une procédure exceptionnelle. Pour le vaccin Celvapan, l'avis a été rendu le 1er octobre, l'évaluation du dossier ayant pris plus de temps.

Pour ce qui est de la réduction de deux à un du nombre de doses de vaccin nécessaire pour les adultes, le comité a évalué les données au fur et à mesure que les firmes les fournissaient. Celles-ci ont déposé une demande en vue de cette réduction à la mi-octobre 2009, en se fondant sur des données très préliminaires. Le comité a, dès le mois d'octobre 2009, envisagé la possibilité de n'administrer qu'une seule dose, tout en continuant à recommander plus formellement deux doses. Ce n'est qu'en novembre, après avoir reçu des données scientifiques consolidées qui l'ont rassuré, qu'il a émis un avis favorable à l'administration d'une dose unique.

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