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Intervention de Christian Saint-étienne

Réunion du 9 mars 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Christian Saint-étienne :

Étant favorable à des États-Unis d'Europe, je suggère, pour résoudre la crise de l'euro, une fédéralisation de la zone, éventuellement partielle ; sept à dix pays, par nature coopératifs, constitueraient une base intérieure puissante qui pourrait se projeter sur le reste du monde. Mais, en ce moment, la zone euro va si mal que le risque d'un éclatement est patent et, contrairement à M. Dominique Plihon, je suis persuadé que le basculement d'une politique de concurrence à une politique de coordination n'a strictement aucune chance de se produire avant dix ou quinze ans ; comment agir dans l'intervalle ?

J'ajoute que, sur le plan stratégique, nous aurons d'autant plus de chances d'amener les autres pays européens à négocier le passage de la concurrence à la coordination que nous aurons ostensiblement commencé à mettre notre maison en ordre. Nous retrouverons de la crédibilité lorsque nos voisins verront que nous menons, nous aussi, une politique de l'offre et que nous dynamisons massivement nos petites et moyennes entreprises (PME). Aussi longtemps qu'il n'en sera pas ainsi, ils refuseront la coopération puisqu'ils tirent un grand bénéfice de la situation présente.

Cela implique que nous traitions la crise des finances publiques par des mesures appropriées. Pour commencer, ayant été élu local, je sais que nous pourrions économiser un point sur les dix points de PIB consacrés à la dépense locale – seuls les bénéficiaires directs s'en apercevraient. Nous pourrions également réaliser d'importantes économies de dépenses sociales. Je rejoins mes deux collègues pour dire que ces économies ne devraient pas être affectées uniquement à la réduction du déficit budgétaire mais aussi à des investissements stratégiques majeurs. La croissance mondiale se concentre désormais dans les grandes métropoles, mais pour qu'une métropole devienne un support de la croissance, il faut réaliser des investissements stratégiques et investir dans la recherche et le développement. Il faut donc, simultanément, restreindre les dépenses de fonctionnement et augmenter massivement les dépenses d'investissement. Je propose, dans un ouvrage qui paraîtra sous peu, un projet complet de réforme fiscale prévoyant un plan de 900 milliards d'euros de dépenses sur quinze ans – dont 300 milliards d'argent public appelant 600 milliards de partenariats public-privé – plan destiné à reconstruire totalement notre pays, dont les infrastructures souffrent d'un sous-investissement massif.

Je souffre de devoir le dire : outre que nous perdons massivement des parts de marché dans l'industrie, nous en perdons aussi dans les services et dans l'agriculture – un domaine dans lequel l'Allemagne nous a maintenant devancés. Nos parts de marché dans le fret aérien, le fret maritime et le fret terrestre, trois indicateurs de vitalité de l'appareil de production, s'effondrent également. Ce qui se produit actuellement dans nos ports et dans les transports terrestres est particulièrement scandaleux ; cela va provoquer la perte de dizaines de milliers d'emplois. Nous devons réinvestir dans tous ces domaines.

On dénombre trois millions d'entreprises en France, dont celles de la cotation assistée en continu (CAC 40). Mais les trente-trois entreprises industrielles du CAC 40 qui sont totalement internationalisées réalisent les deux tiers de leur chiffre d'affaires et les trois quarts de leurs profits hors de France. Le seul enjeu pour nous est de conserver le contrôle capitalistique de ces têtes de réseau, que nous risquons aussi de perdre. Je vous surprendrai sans doute en vous disant que si j'étais ministre des finances, je ferais l'acquisition en bourse de 10 % du capital de Renault – dont l'État détiendrait alors 25 % – pour m'assurer que lorsque l'entreprise investit, elle le fait dans les usines françaises – comme les Allemands le font dans l'industrie allemande.

Pour revitaliser le tissu des PME françaises, il faut donner une responsabilité aux régions dans le maillage territorial des PME, et pour cela des outils d'intervention. La question est éminemment politique. Pourquoi ne pas en revenir aux sociétés de développement régionales, et mêler acteurs publics et acteurs privés ? Il faut recréer un capitalisme national et un capitalisme régional. Chacun le sait, nous avons, en France, un capitalisme sans capital. Nous devons lui redonner les moyens de se développer par une politique fiscale appropriée mais, en contrepartie, les PME que nous aurons aidé à se développer devront associer les salariés au succès de leur stratégie. Il faut donc une relance énergique des politiques de participation et de formation, allant bien au-delà de ce qui a été fait il y a quarante ans. Enfin, nous ne parviendrons pas à passer de 400 000 jeunes en formation en alternance à un million ou bien davantage, comme il le faut, sans imposer un effort aux entreprises. Dans le cadre d'une politique de reconstruction de notre appareil productif, il faudra donc négocier un package. Puisque 99 % de nos trois millions d'entreprises sont des entreprises familiales, donnons-leur les moyens, en collaboration avec les régions, de réaliser le maillage de notre territoire de telle sorte que cela profite aux populations.

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