Pour concilier la vision de l'Europe que je vous ai proposée et l'ouverture sur le monde, il faut donner à l'Union européenne la « base arrière » forte qui lui permettra de se développer et d'être une puissance reconnue. Pour cela, il lui faut définir des politiques communes qui ne soient pas uniquement fondées sur le principe de la concurrence comme c'est le cas aujourd'hui, mais sur les principes de coordination et de solidarité. Fonder le développement de l'Europe sur la généralisation de politiques de l'offre par essence non coopératives, c'est l'affaiblir, car si l'on poursuit sur cette voie, quelques pays y gagneront, certes, mais il y aura aussi des pays perdants, et pour finir des perdants seulement. C'est une erreur de penser que pour être forts sur la scène internationale, les pays européens doivent se concurrencer d'une manière effrénée sur le marché intérieur, d'autant que cette concurrence porte aussi sur les politiques publiques, fiscales et sociales.
L'Union européenne doit mener des politiques keynésiennes, coopératives, consistant à se tourner davantage vers les besoins internes insatisfaits, qu'il s'agisse d'infrastructures, de ferroutage, d'éducation, de recherche ou des activités liées à la transition écologique. L'Europe retrouverait une unité en fédérant tous ses acteurs, entreprises et ménages, autour d'un projet commun mobilisateur, par des politiques d'investissement coordonnées. Dans les domaines de l'énergie, de l'agriculture et de l'aménagement du territoire, les politiques doivent être engagées collectivement et non plus à l'échelle d'un seul pays. Ce serait un système « gagnant-gagnant », qui n'est en rien incompatible avec l'émergence d'une Europe forte.