Vous nous avez dit, Monsieur François Bricaire, que la dangerosité potentielle du virus H1N1 est demeurée longtemps mal connue. Mais il faut reprendre les choses à l'origine. L'épidémie serait partie de La Gloria au Mexique, dans un élevage porcin – d'où le nom initial de grippe mexicaine ou porcine. La première souche a toutefois été isolée en Californie. Il y a eu beaucoup de morts parmi les animaux du fait notamment de leurs conditions d'élevage. On devrait d'ailleurs peut-être aider le Mexique à construire des stations d'épuration et les éleveurs mexicains à se débarrasser de leurs animaux morts sans polluer la nappe phréatique.
Dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Organisation mondiale de la santé du 22 mai 2009, il est fait état de 45 cas mortels au Mexique, mais à cette date, l'épidémie est pratiquement terminée dans ce pays. À La Gloria, le pic a eu lieu fin avril. Sur la base de ces seuls 45 morts au Mexique, pays aux conditions sanitaires précaires, avec toutes les fragilités qui peuvent s'ensuivre pour la population, on déclenche une alerte sanitaire mondiale. Voilà ce que je ne peux pas comprendre, pas plus que le fait qu'on se soit interrogé encore en décembre en France sur la létalité de ce virus. Sur quelles bases a-t-on décidé d'une telle stratégie vaccinale et d'une telle mobilisation des États ? Au moment même où l'organisation mondiale de la santé s'alarmait, le responsable du Center for Disease Control and Prevention aux États-Unis déclarait, lui, que cette grippe tuait moins qu'une grippe saisonnière. Voilà la question à laquelle nous aimerions que soit apportée une réponse afin qu'une prochaine fois, notre ministre de la santé, quel qu'il soit, ne soit pas placé dans la même situation que celle dans laquelle s'est retrouvée Mme Roselyne Bachelot-Narquin, avec notamment le professeur Antoine Flahault qui, trois jours avant la commande des vaccins à GlaxoSmithKline, le 12 mai 2009, déclarait qu'il y aurait « au bas mot, 30 000 morts en France. » Je comprends que, devant de telles affirmations, la ministre ait décidé de faire le maximum. Soit dit au passage, je suis choqué qu'un professeur exerçant des responsabilités de si haut niveau nous ait dit, lorsque nous l'avons auditionné, que son seul conflit d'intérêts potentiel était l'emploi de sa femme au groupement « Les Entreprises du médicament », le LEEM, alors que la commission d'enquête sénatoriale lui a fait avouer qu'il siégeait au conseil scientifique de cet organisme. Il ne nous l'a pas dit, semble-t-il, parce que ce conseil a été dissous en février dernier. Il n'empêche que durant toute l'épidémie, il en était membre, et qu'il va en tout état de cause l'être de l'organe appelé à lui succéder.
La stratégie adoptée en France repose-t-elle sur le moindre élément scientifique ? Y a-t-il eu beaucoup plus de morts en Pologne, pays qui n'a pas vacciné ? Il y en a eu 132 en France, selon l'Institut national de veille sanitaire, dont 50 qui n'avait aucune pathologie associée. C'est, hélas, toujours trop, mais c'est moins que le nombre de tués sur la route en un mois ou de suicides chez les jeunes. Ce que je déplore, c'est ce consensus intellectuel, cette « pensée unique » des experts qui travaillent en circuit fermé sans entendre ce que dit la société. Dès le mois de mai 2009, les généralistes avaient compris, aux dires de leurs homologues de l'hémisphère Sud, que cette grippe ne serait pas grave. Et on nous dit qu'on n'en savait rien encore en juillet-août, ou plus tard même ! C'est cela qui interpelle, encore davantage que les ratés de la gestion de la pandémie sur le plan national, qui pourraient toujours être corrigés une autre fois. C'est à la source qu'il faut éviter que puissent se reproduire de tels errements.