Contrairement à ce que l'on pense, la grippe est assez mal connue, du corps médical comme des citoyens. Elle est mal connue car trop banale, ou plutôt parce qu'elle a été banalisée, le terme même de grippe étant souvent utilisé à tort. En dépit d'un très grand nombre de travaux scientifiques sur le sujet, il demeure énormément d'inconnues sur les virus de la grippe, multiples et dont la plasticité est telle qu'il est impossible de prévoir quoi que ce soit de fiable en matière d'évolution de l'infection. On sait que des épidémies se succèdent, que de temps à autre se déclenchent des pandémies après la mutation substantielle d'un virus, que la population n'a donc pas rencontré antérieurement et contre lequel elle n'est donc pas protégée. Mais on ne sait jamais quel type de virus sera responsable de l'épidémie ou de la pandémie ni quand celles-ci se déclencheront. Ce qui s'est passé l'année dernière est emblématique. On s'attendait plutôt à l'attaque d'un virus aviaire, l'Organisation mondiale de la santé ayant alerté, à juste titre, sur une épizootie, devenant panzootie, de grippe aviaire H5N1, dont le virus pouvait s'adapter à l'homme. Or, c'est finalement un virus H1N1 qui a frappé. Il nous faut donc faire preuve de la plus grande modestie. Pour ma part, j'en reste à ce que m'a enseigné l'un de mes anciens maîtres, le virologue Claude Hannoun : « en matière de grippe, on se trompe tout le temps. » Ne pensez pas que ce soit là une dérobade. Je veux seulement dire que nous devons continuer à travailler et affiner nos connaissances épidémiologiques afin de mieux appréhender le phénomène lorsqu'il apparaît, mieux évaluer son extension potentielle et déterminer les meilleurs moyens de le contrôler.
Il est un point sur lequel je diverge quelque peu d'un autre de mes maîtres, le professeur Gentilini : je ne pense pas, moi, que l'on en ait fait trop de fin avril à juin dernier. Il fallait faire ce qui a été fait.