En ce qui concerne l'incertitude sur les mutations du virus et la crainte des futures vagues, on peut citer un article publié dans l'American journal of public health qui montre que depuis la pandémie de 1918, la mortalité par grippe n'a cessé de décroître. Des mutations peuvent se produire lors de chaque saison, et c'est d'ailleurs pour cette raison que l'on modifie régulièrement la composition des vaccins. Parfois, la mutation est plus importante : c'est ce qui a entraîné les pandémies de 1957, 1968 et de 1977. Mais la mortalité de la grippe tend à diminuer, comme d'ailleurs celle de toutes les maladies infectieuses. Il n'est certes pas totalement impossible qu'une mutation terrifiante se produise, mais cette hypothèse me semble plutôt relever du fantasme. Faut-il craindre de futures vagues ? Oui : des vagues de grippe. Même si elle a des particularités, la pandémie que nous venons de connaître ressemble à la grippe que l'on a l'habitude de voir.
J'en viens à la question de la vaccination. J'ai le sentiment que les gens, qui ont plutôt du bon sens, n'ont pas été très convaincus par la sévérité de cette souche grippale. C'est ce qui ressort des travaux de Michel Setbon et de ceux de Jean-Paul Moatti. Face à une menace qui n'apparaissait pas extrêmement grave, les Français ne se sont pas beaucoup mobilisés. Mais je crois surtout que nous payons des années d'incurie scientifique en matière d'évaluation de la vaccination. On a beaucoup reproché au personnel médical de ne pas montrer l'exemple, mais on n'a jamais fait la preuve que la vaccination du personnel médical apportait le moindre bénéfice pour les patients, ou même pour le fonctionnement des hôpitaux ! Dans ce domaine, les seules études existantes ne concernent que les maisons de retraite, et elles sont controversées. Elles montrent que la vaccination du personnel de ces établissements a un impact plutôt positif, mais pas exceptionnel, sur la santé des pensionnaires. Avec un tel niveau de preuve, un membre du corps médical peut difficilement être convaincu de la nécessité de se vacciner.
Par ailleurs, si les vaccins se sont montrés finalement très sûrs, au début de la campagne vaccinale, l'expérience manquait à ce sujet. Ainsi, la plupart des gens, ne se sentant pas très menacés par une grippe pas très tueuse, constatant la faible conviction des personnels médicaux, et estimant que la sécurité des vaccins n'était pas totalement établie, a préféré s'abstenir.
En ce qui concerne le vaccin trivalent, c'est faire un pari que de prévoir la substitution du H1N1 à toutes les autres souches. Nous l'observons actuellement, mais rien ne permet d'affirmer que le virus H3N2 ne va pas resurgir. Il y a sans doute trop de doutes et pas assez d'expérience pour faire de ce pari une affirmation définitive. Les industriels et les experts de l'Organisation mondiale de la santé n'ont sans doute pas voulu prendre un tel risque sur le dos des populations, et ont préféré un vaccin efficace contre les trois souches H3N2, H1N1 et H1N1 pandémique.