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Intervention de Pierre Méhaignerie

Réunion du 9 novembre 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires sociales, corapporteur :

Même si une idée simple mais fausse aura toujours plus de puissance qu'une idée vraie mais complexe, j'ai toujours pensé que la vérité se trouvait dans la nuance. Et sur le thème qui nous occupe aujourd'hui, je n'ai aucune arrière-pensée électorale, monsieur le président, mais des convictions. La circonscription dont je suis l'élu est très industrialisée puisque ce secteur y occupe 45 % des actifs : je peux donc mesurer à quel point la compétitivité de notre économie est un enjeu majeur pour les années à venir. Cet enjeu est aussi, pour moi, une passion, et c'est la raison pour laquelle j'ai suivi l'intégralité des auditions, dont je veux ici rappeler quelques idées maîtresses.

La première est l'importance de nos déficits et de leur aggravation : celui du commerce extérieur atteindra 70 milliards d'euros à la fin de l'année. Si nous avions conservé les mêmes parts de marché qu'en 1995, notre PIB serait supérieur de 150 milliards d'euros, ce qui ne serait évidemment pas sans effet sur le niveau de notre dette ou sur celui du chômage.

Un sujet de désaccord est revenu fréquemment au cours de nos débats concernant le renforcement de la compétitivité en Allemagne. Les uns y ont vu des effets positifs – réduction du déficit, amélioration de l'emploi –, d'autres ont estimé, non sans raison, que l'économie allemande était désormais caractérisée par une aggravation des inégalités et une faible consommation intérieure, en raison de la priorité donnée aux exportations.

L'examen de nos faiblesses, de nos atouts et de nos progrès a, au contraire, conduit à une certaine convergence. Je ne reviens pas sur les premières, révélées par les chiffres. Nos atouts, nombreux, ont été rappelés au cours des réunions de même que les progrès réalisés ces dernières années : crédit d'impôt recherche, pôles de compétitivité, rapprochement entre l'université et le monde de la recherche.

Je ne peux toutefois occulter l'importance de certains éléments expliquant notre déclin industriel – d'autres rapports les ont d'ailleurs cités. Le premier concerne la durée du travail. Les 35 heures, a dit M. Henri Lachmann – et je partage cette conviction –, ont détruit la valeur travail. Le nombre annuel d'heures de travail par habitant nous place au plus faible niveau : 610 heures en France, contre 690 en moyenne dans les pays européens, et 770 au Danemark et en Suède. Je fais mien le jugement de M. Jean Peyrelevade : au moment où d'autres ont mesuré le risque que représentait la concurrence des pays émergents – comme l'Allemagne, qui a été amenée à prendre des décisions difficiles –, nous avons eu tendance à nous assoupir. Notre incapacité à prendre les mesures nécessaires est une des causes de notre perte de compétitivité.

La compétitivité liée aux coûts de production n'est toutefois pas le seul facteur de notre affaiblissement. Les éléments hors coût jouent probablement un rôle plus important, mais c'est un aspect sur lequel nous ne pouvons pas agir rapidement. C'est pourquoi le fait que le coût horaire du travail de la France ait rattrapé celui de l'Allemagne place notre pays dans une position aujourd'hui délicate et lui fait perdre des marchés et des emplois. C'est le deuxième élément d'explication. Et si les coûts salariaux français sont désormais équivalents à ceux de son voisin, ils ne sont pas compensés par une compétitivité hors coûts.

Le troisième élément, rappelé par la quasi-totalité des entrepreneurs que nous avons reçus, est la rigidité de la législation et la judiciarisation des relations de travail. J'ai toujours défendu dans ma circonscription l'idée qu'il ne fallait pas reprocher aux entreprises de licencier. Songeons au processus de « destruction créatrice » cher à Schumpeter : les entreprises doivent savoir s'adapter. Or cette nécessaire adaptation se heurte aux rigidités françaises.

Enfin, il faut également regarder en face les raisons qui poussent les entreprises à ne pas croître : les seuils sociaux, la judiciarisation des relations sociales et d'affaire et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – même si la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite loi « Dutreil » a réduit l'impact négatif de ce dernier.

Si les divergences qui nous séparent sont compréhensibles d'un point de vue démocratique, elles n'en sont pas moins lourdes. Dans ces conditions, je comprends qu'il soit impossible de présenter un rapport commun sur les raisons de la perte de compétitivité de l'économie française.

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