Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour prendre malheureusement acte de l'impossibilité qu'ont les corapporteurs de la mission sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale, MM. Jérôme Cahuzac et Pierre Méhaignerie, de parvenir à un rapport commun. Les nombreux contacts entre eux n'ont en effet pas pu permettre d'aplanir les difficultés résiduelles, alors qu'un accord global ne semblait pas hors de portée.
Je le regrette évidemment beaucoup. J'avais en effet l'espoir que les enjeux électoraux ne viendraient pas polluer l'objectif fixé par la Conférence des Présidents, qui a créé cette mission au début de l'année, et partagé par les membres de la mission elle-même : parvenir à des constats objectifs sur la situation de la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale. Je me doutais qu'il n'était pas envisageable d'aller au-delà, c'est-à-dire de formuler en la matière des préconisations communes aux deux rapporteurs, mais j'osais espérer que les arrière-pensées électorales ne prendraient pas le pas sur l'intérêt général et l'évaluation sereine des faits.
Mes regrets sont encore renforcés après avoir constaté que ce que les syndicats de salariés et les représentants du patronat ont réussi en juin dernier, et ce que le Conseil économique, social et environnemental est parvenu à accomplir en octobre, l'Assemblée nationale n'a pas réussi à le mener à bien. En effet, alors que les syndicats de salariés ont signé un document commun avec le Mouvement des entreprises de France et la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises qui dresse un tableau complet et exhaustif de la situation de la compétitivité de l'économie française, nos deux rapporteurs n'ont pu aboutir à un résultat équivalent.
Les leçons que je tire de l'expérience sont multiples. Tout d'abord, à l'évidence, il n'est pas raisonnable qu'un rapport soit confié à deux présidents de commission dont l'agenda est naturellement très chargé, bien qu'en l'espèce, l'un des deux rapporteurs ait pu – je tiens à le dire publiquement et à l'en remercier –, assister à presque la totalité des auditions.
Deuxième leçon : la dernière année d'une législature est décidément peu propice au travail d'évaluation bipartisan. Il faudra s'en souvenir en d'autres occasions.
Troisième leçon : nous devons prendre à bras-le-corps la question industrielle. C'est la leçon de fond. Il nous appartient, élus de la Nation, de sensibiliser nos concitoyens sur les enjeux du déclin industriel – évident en France – et de militer en faveur de l'innovation, de la recherche, des pôles de compétitivité, de l'apprentissage et de l'emploi industriel. Je regrette qu'un message en la matière n'ait pu être adressé à nos concitoyens afin d'alimenter le débat démocratique qui va s'ouvrir. Il faudra assurément reprendre le sujet au début de la prochaine législature.
Cela étant, nos auditions ont été aussi nombreuses que riches d'enseignements. Certes, leur compte rendu est disponible sur le site de l'Assemblée nationale, mais il faut aller plus loin et mieux faire connaître le travail que nous avons accompli. Ce travail n'a pas été négligeable, puisque nous avons reçu plus de soixante-dix personnes : toutes doivent savoir que leur présence n'a pas été vaine, que leurs exposés et leurs réponses à nos questions ne sont pas perdus. Aussi je vous propose de publier les comptes rendus des auditions, auxquels s'ajoutera bien entendu celui de la présente réunion. Je me chargerai de présenter l'esprit de notre démarche et d'expliquer, tout en la regrettant, l'absence de rapport.
La réunion d'aujourd'hui doit compléter nos auditions et être l'occasion pour les corapporteurs de présenter leurs constats partagés et d'exposer leurs divergences. Mais, au-delà, chacun des membres de la mission comme chaque groupe doit aussi pouvoir s'exprimer sur les thèmes qui nous ont passionnés au cours de nos dix-neuf réunions. L'objet de nos travaux est en effet stratégique pour l'avenir du pays et tous les points de vue de la Représentation nationale doivent pouvoir trouver une trace dans le document qui sera mis en distribution, sachant qu'il ne saurait, bien entendu, y avoir de « contributions » à proprement parler puisqu'il n'y a pas de rapport.
Le tout devrait permettre au lecteur de prendre la mesure des analyses les plus largement partagées – sur la compétitivité hors-prix, la fiscalité dissuasive, le poids des normes, notamment en matière de droit du travail, la réduction de la durée du travail, la croissance du coût horaire, ou encore la faiblesse du tissu des moyennes entreprises exportatrices dans notre pays – et, a contrario, des postures idéologiques.