Les mésusages de produits illicites, notamment l'héroïne, font l'objet d'une politique de réduction des risques : substitution, échanges de seringues… En revanche, pour l'alcool, on a eu une approche beaucoup plus de l'ordre du « tout ou rien ». Or un sujet qui a développé une dépendance à l'alcool est non seulement ambivalent quant à son envie d'arrêter, mais aussi très réticent à aller rechercher un soin. Il est en effet persuadé que le soignant qu'il rencontrera lui demandera d'arrêter de boire du jour au lendemain – ce à quoi la majorité de ces patients ne sont pas prêts. C'est cette raison qui explique que 20 % seulement des alcoolo-dépendants franchissent la porte d'un cabinet médical ou d'un centre de soins.
La politique de réduction des risques consiste donc à déployer des stratégies utilisant des médicaments ou des techniques cognitivo-comportementales pour arriver à définir avec le sujet un projet adapté à ce qu'il se sent capable de faire. Dans le service que je dirige, nous allons d'abord accompagner le patient dépendant qui vient nous voir dans le projet de réduction de sa consommation qu'il va nous proposer. Au fil du temps, il va s'apercevoir que ce projet de réduction est illusoire ; c'est alors lui qui va nous demander la mise au point d'un projet d'abstinence, qui est en effet ce vers quoi il doit tendre.
Un deuxième élément de réduction du risque « alcool » à développer est la création, au sein des « apéros géants » et autres grandes beuveries organisées, d'un espace sans alcool permettant d'accueillir les sujets ivres, de vérifier leurs demandes de soins et de délivrer un message de prévention.
Nous constatons aussi, dans toutes les villes, l'émergence de l'alcoolisation – avec des alcools forts – des jeunes dans la rue. Ne serait-il pas possible de généraliser l'action remarquable conduite par des villes comme Avignon et Rennes, dont les municipalités ne sont pourtant pas du même bord politique ? En interdisant la vente à emporter, elles ont fortement limité à la fois l'alcoolisation massive, la gêne qu'elle cause au voisinage et l'abandon de bouteilles sur la voie publique.
Il nous faut également mettre fin à la grande hypocrisie relative aux beuveries extrêmes organisées dans le monde étudiant. Dans une école de commerce de grande réputation, il n'a pas fallu moins de quatre comas éthyliques pour alerter la direction.