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Intervention de professeur Philippe Jeammet

Réunion du 11 mai 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

professeur Philippe Jeammet :

Il est indubitable que la drogue s'est banalisée, mais les adolescents ne vont pas plus mal. Dans l'ensemble, ils vont peut-être même mieux que jamais, car ils bénéficient d'ouvertures et de capacités de penser l'avenir, d'entrer en contact et de s'exprimer très supérieures à ce qu'elles étaient autrefois, même si 15 % à 20 % d'entre eux s'abîment sans même l'avoir choisi.

Ce qui a beaucoup évolué, en revanche, c'est le flottement des adultes. Les cas de parents qui renoncent à m'amener leur fils « parce qu'il ne veut pas » sont de plus en plus fréquents. Les adultes ont peur de perdre la confiance de l'enfant s'ils le forcent. Or, comment un enfant peut-il avoir confiance dans son parent qui n'a plus confiance dans la confiance que lui fait son enfant ? Est-il sécurisant de sentir que votre père ou mère a peur de ce que vous pourriez faire ? On ne peut certes jamais garantir à un parent que tout ira bien, car le seul fait que lui-même ait peur rend possible la perte de confiance. Cependant, il n'est pas possible de laisser s'abîmer quelqu'un qu'on aime. Il faut donc faire comprendre à l'enfant qu'en aucun cas, on ne le laissera s'installer dans cette situation.

La réaction doit intervenir le plus tôt possible. Je suis un ardent partisan des internats – à condition que les surveillants ne fument pas avec les jeunes ! –, car l'émotion est trop forte avec les parents et leur aide est perçue comme une menace par les adolescents qui en auraient le plus besoin. La conscience que l'être humain a de lui-même lui fait ressentir l'émotion comme le « cheval de Troie » de l'autre. Pour les hommes en particulier, il n'est pas question de se laisser émouvoir : ils se verrouillent à double tour pour ne pas être submergés par l'émotion, vécue comme humiliante. L'enfant attend que les parents lui disent qu'il est important – même si lui-même dit le contraire. Quand ils sentent leurs parents vraiment convaincus, les enfants vont consulter.

La drogue fait partie d'un ensemble de mal-être consubstantiel à l'être humain et qui sera toujours là. Il faut apprendre à gérer cette anxiété et c'est une partie du travail de la société que d'apprendre à le faire sans être débordée. L'école pourrait y être attentive et nous devons veiller, quant à nous, à ne pas dissocier la drogue, le suicide et d'autres aspects. Il existe des actions spécifiques, mais elles s'inscrivent dans un ensemble. Il faut aider les adultes à mettre des limites. Je le répète, il s'agit non pas de brider les jeunes, mais de ne pas les laisser se priver de la nourriture à laquelle ils ont droit et sans laquelle ils peuvent être tentés par des conduites destructrices.

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