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Intervention de professeur Philippe Jeammet

Réunion du 11 mai 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

professeur Philippe Jeammet :

Ils vivent d'autant plus en bandes qu'on les y laisse, du fait par exemple de l'abandon des clubs consécutif à la disqualification de l'éducatif qui a marqué les années 1980. Le taux de réussite ne sera jamais de 100 %, car le fait même de définir un résultat à atteindre poussera une partie des jeunes à renoncer pour régler leurs comptes avec leur héritage. La qualité d'une éducation fondée sur la confiance et la vigilance n'en permettra pas moins d'éviter certaines dérives. Lorsque, dans certaines cités, les jeunes n'ont rien à faire à la sortie de l'école, il faut créer des activités. Il faut aussi aider les parents à se légitimer. En tant que président de l'École des parents et des éducateurs d'Île-de-France, il me semble que nous pourrions soutenir ce genre d'actions, notamment à l'aide de lignes téléphoniques, car la solitude aggrave considérablement les problèmes.

Il faut qu'un consensus s'exprime pour poser qu'il n'y a pas de fatalité et que les enfants ont le droit d'aller bien et de s'épanouir. Une prévention primaire consiste donc à ne pas laisser les parents seuls face aux difficultés et à leur donner accès à des lieux et à des conseils. De nombreux centres existent hors de l'hôpital, où se pratiquent notamment des entretiens familiaux, car il faut mobiliser la famille et ne pas laisser l'adolescent seul, même s'il peut aussi s'imposer de lui laisser un espace à lui.

Peut-être faut-il éviter de laisser circuler la drogue trop facilement dans les lycées et collèges ou dans les services et internats. Les adultes doivent clairement dénoncer le danger et poser des limites. Peut-être faudra-t-il des mesures plus fortes et plus spécifiques en cas de dérive trop grave, mais tout se tient : il ne faut pas séparer la drogue de la santé mentale et de la réussite scolaire. L'un des drames actuels est qu'on trouve parfois vingt experts autour d'un jeune, mais personne pour lui parler d'homme à homme et lui demander où il veut aller, mettant ainsi en mouvement l'activité réflexive. Lorsqu'on demande aux jeunes ce qu'ils feraient si leur petit frère était à leur place, ils répondent neuf fois sur dix qu'ils l'empêcheraient d'adopter ce comportement, quitte à se considérer eux-mêmes comme différents. Il en est de même de certains adolescents très violents qui, devant les vidéos que je leur montre, m'affirment que, s'ils étaient le juge, ils prononceraient la peine maximale, mais que cela ne s'applique pas à eux. L'alcoolique et l'anorexique reconnaissent immédiatement l'alcoolisme et l'anorexie chez les autres, mais pas chez eux-mêmes. Quand quelque chose nous soulage, nous avons tendance à y adhérer sans voir ce qui nous gêne. Il faut donc veiller à considérer que la qualité de la vie est un tout et que la drogue n'est qu'un aspect de la question.

Tout être humain qui ne va pas bien parce que son image s'effondre ou parce qu'il se sent menacé du fait qu'il n'a plus de valeur et ne compte plus pour personne, se trouve vulnérabilisé. Selon les tempéraments et le contexte, l'un fera une dépression, l'autre se scarifiera, un troisième prendra de la drogue et certains feront tout cela, passant de l'un à l'autre. Derrière tous ces comportements, c'est un même malaise qui s'exprime.

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