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Intervention de professeur Philippe Jeammet

Réunion du 11 mai 2011 à 16h15
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

professeur Philippe Jeammet :

Le point où l'on place la limite importe moins que la cohérence avec laquelle on la pose. Lorsque j'étais membre de la commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie présidée par le professeur Roger Henrion, voilà plus d'une dizaine d'années, j'étais plutôt partisan de la dépénalisation car il me semblait dérisoire de maintenir un interdit transgressé à la porte même des écoles. Je suis un peu revenu de cette position car, plus on lâche, plus on laissera libre cours à la tendance à l'expérimentation. Voyez le succès étonnant de l'interdiction de fumer en public : des enfants qui peuvent fort bien insulter leur professeur ne viennent plus au collège la cigarette au bec. Telle est la force de la culture. Un consensus des adultes permettrait d'obtenir les mêmes résultats pour la tenue et le respect à l'école. Compte tenu de la valeur de l'école, qui ennoblit aussi bien l'élève que l'enseignant, on devrait s'y tenir correctement – au même titre au moins que dans un lieu religieux. Une réflexion d'ensemble serait nécessaire pour assurer une cohérence en la matière.

Il en va de même dans les familles. J'ignore si mes petits-enfants commenceront un jour à fumer – j'en vois au moins deux qui seront un jour confrontés à ce problème, car ce sont les plus sensibles, les plus réactifs, les plus passionnés et les plus chaleureux, mais aussi les plus sensibles à la déception, capables de s'enfermer toute une après-midi pour une remarque qui ne leur a pas plu. Cela n'a rien de pathologique, mais rend plus sensible aux frustrations et à la tentation de vouloir exister. Il faudrait veiller à valoriser l'épanouissement des potentialités de ces jeunes, en étant à la fois confiants et vigilants.

Les interdits témoignent du danger de certains comportements, mais les adultes doivent les exprimer d'une manière cohérente, sans disputes à ce propos, sous peine de les –ou de se – disqualifier. La question, je le répète, n'est pas celle de la liberté des jeunes, car ces comportements ne sont pas libres. L'important est de faire passer le message qu'il n'est pas juste que les jeunes attentent à leurs possibilités.

Il faut certes veiller à éviter les trafics à l'école, sans tomber dans la situation dérisoire où les parents se disqualifieraient en donnant de l'argent à leur enfant de crainte qu'il ne se livre au trafic de drogue pour pouvoir en acheter. Personne ne peut garantir qu'un enfant ne prendra pas de drogue, mais il faut lui faire confiance a priori, tout en restant vigilant. Il faut pouvoir réagir assez vite pour ne pas laisser les enfants s'enfermer. C'est la raison pour laquelle se développe aujourd'hui une dimension motivationnelle de la prévention qui met en oeuvre l'activité réflexive. Il n'est pas question de dire que fumer, c'est le diable, car le diable serait trop tentant pour les 15 % ou 20 % de jeunes qui se sentent de toute façon exclus. Ce qu'il faut dire aux adolescents, c'est qu'il ne serait pas juste qu'ils s'exposent à des risques parce qu'ils sont déçus ou n'ont pas confiance. Il faut alors les adresser à des centres où se fait ce travail motivationnel qui les amène à réfléchir à ce qui est important pour eux et peut les convaincre qu'ils peuvent peut-être se passer de drogue.

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