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Intervention de Claude Hannoun

Réunion du 13 avril 2010 à 9h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Claude Hannoun, professeur honoraire à l'Institut Pasteur :

Contre la grippe saisonnière, la formule de vaccin qui a été élaborée donne satisfaction. Malheureusement, chaque année, il faut changer une ou plusieurs des trois souches. De ce fait, après la fin de chaque saison de grippe, le vaccin est périmé. Il faut alors en élaborer un autre avec des souches différentes.

Il y a vingt ans, un problème réglementaire s'est posé. Remplacer, par exemple, le H3N2 Victoria par le H3N2 Port Chalmers correspond-il à la création d'un nouveau vaccin ? Si on considère que le remplacement constitue une création, c'est l'intégralité d'une nouvelle procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) qui doit être conduite. En revanche, si le remplacement de la souche est considéré comme une modification mineure – la virulence de la souche n'a aucune importance, puisque la souche est un vaccin inactivé –, il a été décidé tant à l'échelon international qu'en France que ce changement ne donnerait lieu qu'à une révision d'AMM, et non à une nouvelle AMM, cette révision ne nécessitant qu'un essai clinique rapide. En l'occurrence, le délai, très bref – il court de février, quand sont décidées les compositions de vaccins, à septembre, où ils sont mis sur le marché –, n'est pas suffisant pour conduire une procédure d'AMM ; en revanche, il permet de vérifier l'efficacité et l'innocuité du vaccin sur cinquante sujets. Une fois celles-ci constatées, l'autorisation de modification d'AMM est donnée.

H1N1v est un virus comme un autre. Un autre virus H1N1, le H1N1 « normal », est du reste déjà présent dans le vaccin. Quelques contrôles supplémentaires ont néanmoins été ajoutés. Cependant, il est légitime de considérer que la situation est la même que la situation habituelle, et que l'introduction d'une souche différente sur les bases de la technologie industrielle et de la composition générale du vaccin est possible.

Néanmoins, comme la souche a été confiée aux producteurs en juin au lieu de février, qu'il fallait que le vaccin soit produit le plus vite possible, l'industrie – qui était de plus en pleine phase de production du vaccin saisonnier – a été mise dans une situation difficile. Elle a donc légèrement diminué sa production de vaccin pour la grippe saisonnière et transféré les moyens ainsi libérés sur le vaccin contre le virus H1N1v. Elle a ensuite produit le vaccin nouveau avec les procédés et les moyens habituels.

Il s'agissait cependant d'une primo-vaccination. Or, même dans le cas du vaccin contre la grippe saisonnière, la primo-vaccination demande deux injections : les enfants vaccinés pour la première fois reçoivent deux doses de vaccin et non une. Lorsqu'ils ont grandi, et qu'ils ont eu des contacts avec le virus, les vaccinations ultérieures – qui, de plus, sont pour partie des revaccinations – sont effectuées en une seule fois. L'hypothèse formulée a donc été celle d'une vaccination en deux doses.

Le vaccin contre la grippe présente aussi l'inconvénient considérable d'une efficacité bien loin d'être absolue. Elle est au mieux de 80 % chez les adultes, et parfois seulement de 70 %, voire moins, chez les personnes âgées. Par comparaison, l'efficacité des vaccins contre la rougeole, la poliomyélite ou la fièvre jaune est de 99,9 %. La raison de cette moindre efficacité n'est pas connue. Le vaccin reste néanmoins très efficace contre les formes graves de la maladie et pour lutter contre la mortalité.

Pour renforcer son efficacité – et comme pour d'autres vaccins – , des adjuvants de l'immunité ont été introduits. Ceux qui ont été utilisés, notamment le squalène, le sont déjà dans d'autres vaccins et ont déjà été administrés à des millions de personnes. La proposition de les utiliser pour le vaccin antigrippal n'a suscité aucune réaction au sein des milieux scientifiques. L'un des plus grands immunologistes de France, le professeur Jean-François Bach, expose aujourd'hui même dans un rapport à l'Académie des sciences – dont j'ai entendu un extrait hier – qu'il n'existe aucune raison de mettre en doute l'efficacité ou l'innocuité des adjuvants utilisés.

C'est donc un mauvais procès qui a été fait au vaccin. Il repose sur des rumeurs assez anciennes : en 1976 déjà, lors de l'épidémie de grippe porcine aux États-Unis, on avait évoqué l'existence de complications – sous la forme de syndromes de Guillain-Barré – dues au vaccin ; toutefois, cette rumeur a été entièrement démentie par la suite. Nous n'avons aucune raison de penser que la vaccination de 40 millions d'Américains a entraîné une augmentation du nombre de cas du syndrome en question ; un certain nombre de ces 40 millions d'Américains l'auraient de toute façon contracté, cette maladie n'étant absolument pas rarissime. Qui plus est, le vaccin contre la grippe porcine de 1976 ne comportait pas d'adjuvant : j'ai moi-même participé à son élaboration aux États-Unis et j'ai été l'un des cobayes de son expérimentation. Bref, on peut parler de manipulation et de déformation.

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