Vous nous interrogez sur l'adhésion de la population à la vaccination. Il convient tout d'abord de se remettre dans le contexte. À l'époque, tous les patients, à toutes les consultations, nous posaient des questions sur la grippe, la prise en charge, les risques, la vaccination. Dans un tel contexte, nous, médecins généralistes, avons connu à plusieurs reprises des difficultés à nous positionner par rapport au discours public, qui suivait la progression des connaissances au sujet de la pandémie grippale. Pendant toute une période, au fil des annonces, il a été difficile de suivre la politique mise en place – possibilité ou non de produire un vaccin, date de disponibilité des produits, nombre d'injections préconisé, etc.
Nous avons pourtant insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d'une contribution des médecins généralistes à la prise en charge des patients atteints de la grippe et au processus de vaccination. Le choix de vacciner l'ensemble de la population donnait une dimension altruiste à cette campagne : plus que la protection de chaque individu, en effet, elle visait à empêcher la propagation de la maladie. Mais il manquait une complémentarité avec notre propre approche, selon laquelle les patients souffrant de maladies du coeur ou des poumons, ou ceux pouvant développer certaines complications, devaient être vaccinés tôt. Tout cela a entraîné une certaine confusion dans le fonctionnement du dispositif.
Il convient de rappeler que lors de toute grande campagne de santé publique, les patients interrogent leur médecin généraliste. C'est le message qui est transmis à cette occasion qui entraîne ou non l'adhésion du processus de vaccination. La nécessité d'une complémentarité entre notre intervention et celle des pouvoirs publics est, selon moi, un des enseignements majeurs à tirer de cette crise.
Bien entendu, au cours cette pandémie, nous avons vu s'agiter l'ensemble des acteurs du lobby anti-vaccin, qui ont profité de nos difficultés à tenir un discours carré et cohérent sur la vaccination pour remuer toutes les peurs imaginables. Pour ma part, j'ai été mis en cause à plusieurs reprises au cours de réunions ou de colloques pour avoir pris position en faveur de la vaccination, dont certains – même des médecins – contestait le principe même.
Si nous avons eu des difficultés à définir la politique publique engagée, c'est parce que pour la première fois, une crise sanitaire a été retransmise en direct sur tous les écrans. La totalité des informations était disponible, mais il n'existait aucun recul pour les appréhender, ce qui rendait la situation particulièrement complexe.