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Intervention de François Pillet

Réunion du 9 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

François Pillet, coprésident pour le Sénat :

-Nous accueillons à présent le Père Pierre de Parcevaux, président de « La Luciole », association familiale de soutien aux parents et aux jeunes toxicomanes, par ailleurs chargé de mission auprès de l'archevêché de Paris sur la problématique des toxicomanies.

Nous entendrons courant mai les représentants des autres religions ; en effet, l'approche des toxicomanies dans les principaux courants religieux ne peut que contribuer à notre réflexion.

Au titre de vos activités de terrain, comme au titre de vos autres responsabilités, vous êtes particulièrement en mesure de nous exposer un point de vue chrétien sur la politique de lutte contre les toxicomanies.

Vous avez la parole.

Père Pierre de Parcevaux - Plus que l'aspect religieux, c'est l'aspect humanitaire que je veux aborder.

Je suis sur le terrain depuis 1970, à l'époque où la question des toxicomanies et des drogues en général commençait à se poser en France. Un certain nombre de jeunes consommateurs rencontrés sur le terrain m'ont demandé si je pouvais avoir une approche avec eux.

J'avoue que je n'y connaissais strictement rien. Il a fallu que je me documente et que j'aille voir les différents services gouvernementaux pour comprendre ce que signifiait le mot « drogues ».

Il s'agissait de jeunes de quatorze à dix-sept ans, de l'Ouest de Paris, tous milieux confondus, dont les parents avaient tous les métiers que l'on peut rencontrer dans la société française.

Ces jeunes décrivaient à l'époque un mal-être ou un malaise plutôt social, humain lié à une souffrance familiale.

Les grands centres comme Marmottan, Fernand Vidal ou Sainte-Anne existait déjà. Mon souhait était d'essayer de rejoindre les jeunes toxicomanes sur le terrain et de tenter d'accompagner les parents.

Mon travail a donc consisté à voir les parents chez eux, à faire le lien avec les jeunes et à essayer de cheminer avec ces derniers. Je leur adresse un grand remerciement car c'est eux qui m'ont aidé pendant dix ans à aller dans les squats et à voir la face cachée des choses. Si c'était à refaire aujourd'hui, je ne le referai certainement pas : c'est beaucoup trop dangereux !

Ces jeunes m'ayant tellement apporté de connaissances et d'ouverture sur ces questions humaines, médicales et religieuses, que j'ai ressenti le besoin d'appartenir à une association et de me former.

J'ai donc, durant dix ans, suivi un certain nombre de formations dans toutes les structures existantes à l'époque -clinique de l'Abbaye, Marmottan, milieu carcéral, etc.

Un certain nombre de séminaires m'ont permis de découvrir une autre approche du toxicomane ou du malade. J'ai découvert qu'il pouvait y avoir un accompagnement à la fois médical, spirituel et de toute façon humain.

J'ai ensuite rejoint une association qui s'occupait des familles de toxicomanes sur le plan national et qui disposait de douze antennes associatives, dont des postcures.

Nous avons énormément réfléchi sur le point de savoir comment accompagner les parents et nous nous sommes demandé s'il ne fallait créer que des postcures ou que des centres psychiatriques. Le Sida et un certain nombre d'événements qui se sont succédé n'ont fait qu'accélérer le processus.

J'avais à cette époque une approche assez idéologique des choses, pensant qu'il suffisait de s'attaquer à la mafia, d'aller sur le terrain, dans le Tiers-monde et en Colombie pour résoudre le problème. Avec le soutien de l'Ambassade de France, Caritas internationale et de la Brigade des stupéfiants, j'ai donc choisi d'aller dans les pays producteurs de drogues. C'est là que j'ai découvert ce qu'étaient les laboratoires clandestins. J'ai alors compris que ce n'était pas le secteur sur lequel je pouvais faire porter mon action.

Je suis revenu en France et j'ai beaucoup parlé avec un certain nombre de spécialistes de terrain ; j'en ai déduit que le combat devait porter sur le soutien aux familles, la prévention et l'accompagnement du jeune malade.

L'association nationale à laquelle j'appartenais a constaté que les parents étaient de plus en plus isolés et se sentaient coupables d'être parents de toxicomanes. Nous nous donc sommes battus pour affirmer que les parents n'étaient pas coupables.

Etant chargé de mission pour la toxicomanie pour le diocèse de Paris, j'ai tenté de voir si l'Eglise pouvait fournir une réponse à ce problème. Cette réflexion reste d'actualité, en particulier en matière de relations avec les autres religions. Toutefois, pour mes confrères musulmans, israélites ou autres, le sujet n'existe pas -bien qu'ils soient présents si on a besoin d'eux.

J'ai cependant continué à frapper à différentes portes, sans malheureusement trouver le bon interlocuteur ou le bon référent.

À l'association « La Luciole », j'ai découvert que le véritable combat consistait à permettre à des parents de demeurer parents, à des jeunes d'être accompagnés d'un point de vue humain, spirituel et médical. J'ai créé il y a quinze ans des structures où de jeunes consommateurs de drogues pouvaient se retirer du milieu familial et médical et passer un court séjour dans un lieu de vie sans médicament, sans psychiatre et sans psychologue. C'est un défi -mais je suis un homme de défi !

On m'avait dit qu'il n'était possible de le faire qu'en étant accompagné de psychologues, de psychiatres et d'éducateurs spécialisés. Or, les jeunes souhaitaient évoluer dans un lieu neutre. J'ai donc demandé aux thérapeutes de ne pas paraître durant les séjours, ce qu'ils n'ont pas apprécié. Étant salariés, ils l'ont toutefois accepté.

On partait huit jours en camp de ski ou faire de la poterie. Je faisais venir des artisans pour encadrer les jeunes. Ils allaient dans les bois avec des spécialistes des eaux et forêts pour découvrir la nature.

J'ai donc officiellement ouvert une structure qui se situe actuellement à Galluis, à côté de Versailles, où nous ne recevons pas plus de trois jeunes à la fois pour un court séjour, ce qui constitue un second défi. Nous y recevons des jeunes de 16 à 24 ans, garçons ou filles, qui passent d'une demi-journée à cinq jours.

Ils n'ont le droit d'utiliser leur portable que durant les pauses. Le reste du temps se déroule sous la responsabilité de trois animateurs-jardiniers. Les jeunes retournent la terre, plantent des arbres, soignent les oiseaux. Nous avons installé des volières où évoluent des faisans et des poules de collection. Ces volatiles, fragiles et beaux, leur permettent de découvrir que l'animal peut être une richesse, leur renvoyant l'image de leur propre fragilité et de leur propre richesse.

A « La Luciole », les deux-tiers des jeunes ont abandonné l'usage de la drogue et sont relativement mieux dans leur peau. Ils nous sont envoyés par des chefs d'établissement scolaire qui leur font suivre un stage au lieu de les sanctionner. Le tribunal de Versailles nous adresse également des jeunes condamnés à un travail d'intérêt général (TIG) et certains psychiatres, comme ceux de l'Enfance psychiatrique de Paris - Hôpital Robert Debré, nous demandent d'accompagner certains jeunes, cette structure étant actuellement débordée.

Il est intéressant de constater que les psychiatres manquent de lieux de vie à offrir aux jeunes. Nous faisons donc un lien avec les parents, avec le jeune et bien entendu avec le service médicalisé.

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