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Intervention de Henri Bergeron

Réunion du 9 février 2011 à 16h00
Mission d'information assemblée nationale-sénat sur les toxicomanies

Henri Bergeron :

- Pendant longtemps, on a considéré que le fait de sortir l'infraction d'usage simple du droit pénal et la décriminaliser, comme a pu le faire le Portugal en 2001, traduisait une politique laxiste. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, avait demandé à l'Observatoire, au moment où j'y étais en poste, qu'on lui dresse un tableau raisonné des différentes législations. Il ne s'agissait pas à ses yeux de laisser la jeunesse croire que la consommation allait être enfin permise mais au contraire de tenter de remédier au fait qu'à la fin des années 1990, 15 % seulement de l'ensemble des interpellations recevaient une sanction pénale -sans même parler de celles qui ne faisaient pas l'objet de procès-verbal. En outre, la loi était appliquée de manière très contrastée suivant les régions.

L'idée d'instituer des contraventions consistait à réaffirmer la force de l'interdit et à donner les moyens de mettre la loi en oeuvre de manière plus systématique.

La question que vous posez est complexe ; elle a aussi des conséquences éthiques relativement importantes dans la mesure où les études montrent que les populations contrôlées par exemple pour la consommation de cannabis sont situées dans des zones géographiques défavorisées, alors que les études de l'OFDT, sur Paris, prouvent que les quartiers riches consomment plus de cannabis que les quartiers pauvres ! On risque donc d'avoir un système qui sanctionne une origine sociale plutôt qu'un usage.

Quand on considère les chiffres de prévalence de l'usage de drogues illicites en France, en Europe, en Australie, au Canada ou aux Etats-Unis, quand on étudie la progression des consommations, il est vrai qu'on a du mal a établir un lien de causalité fort entre la sévérité des lois et la réalité des prévalences. Cela souligne le fait que les déterminants de l'usage de drogues sont beaucoup plus complexes et dépassent les seuls aspects répressifs.

Certes, face à l'importance de la consommation de produits psychoactifs, éviter l'emprisonnement peut paraître plus adapté à un phénomène qui participe de la tendance générale à la consommation accrue d'artifices : alcool, médicaments psychotropes, chirurgie esthétique… L'ensemble de ces pratiques qui consistent à s'équiper d'artifices pour répondre à des exigences de performance, festives, de relaxation et de réussite renvoie à des transformations anthropologiques et culturelles d'une ampleur si vaste que l'on ne peut croire qu'une loi suffise à résoudre l'ensemble du problème.

Il est important de considérer ces phénomènes en fonction d'un ensemble de consommations qui, à mon sens et selon tous les sociologues qui ont travaillé sur ce sujet, répondent à des transformations qui sont celles d'une société de plus en plus individualiste, faisant peser sur les individus des exigences de réussite sociale, familiale, parentale. Les individus recourent à toutes sortes d'artifices pour se relaxer, affronter un examen, tenir face au stress professionnel. Finalement, la frontière entre drogues licites et illicites a tendance à se brouiller.

La transgression de la loi est toujours un sujet complexe. Les chiffres de la consommation d'alcool chez les jeunes prouvent que le caractère transgressif n'explique pas tout, même si l'on sait que la jeunesse aime ferrailler avec les interdits de toutes sortes.

Pour ce qui est de la prévention, il existe à l'OEDT un ensemble de méta-analyses, comme en médecine, même si elles sont moins solides d'un point de vue statistique. Elles permettent d'obtenir un éventail raisonné et hiérarchisé de l'efficacité de ces différentes mesures, les interventions de policiers à l'école étant considérées comme parmi les moins efficaces, pour utiliser un euphémisme.

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