Un amendement d'origine parlementaire à la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, adoptée l'an passé, fait dorénavant obligation de permettre aux patients de signaler directement les effets secondaires dont ils peuvent être victimes. La pandémie grippale a donné l'occasion d'une première expérience à grande échelle de cette nouvelle faculté. J'ai entendu beaucoup de personnes, à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et ailleurs, exprimer les mêmes craintes que vous à ce sujet, madame Lemorton, certaines pointant même des risques d'instrumentalisation de cette notification par les patients. Or, nous n'avons rien constaté de tel. La synthèse globale, qui sera publiée dans quelques semaines, montre que 20 % environ des signalements proviennent de patients qui les ont fait remonter par internet. Les effets indésirables signalés étaient, pour l'essentiel, bénins et assez prévisibles. Le système n'a pas, comme nous le craignions, je vous le concède, été submergé, et nous n'avons pas reçu de signalements fantaisistes. L'essentiel des notifications spontanées en pharmacovigilance, nous le savons, provient de patients en établissements de santé ; il y en a beaucoup moins en ville. Je trouve, pour ma part, intéressante cette possibilité nouvelle offerte aux patients, complémentaire de celle des professionnels de santé, à condition bien entendu de ne pas jouer l'une contre l'autre : le dispositif doit reposer d'abord sur la déclaration des professionnels de santé.
Le débat de fond sur l'efficacité du Tamiflu n'est pas encore tranché. Rien n'est évident. Hors pandémie, on sait que ce médicament peut abréger la durée de la grippe, à la condition expresse d'avoir été pris dans les quarante-huit heures de l'apparition des premiers symptômes. C'est ce qu'a toujours dit la Haute Autorité de santé, laquelle ne l'a pas évalué en période de pandémie. Mais, à la lecture de quantité de publications de ces derniers mois, des conclusions convergentes apparaissent concernant des cohortes de patients hospitalisés à New York, au Mexique, au Chili et dans d'autres pays, sur le fait que l'usage massif des antiviraux dans ces endroits aurait réduit non seulement la durée des hospitalisations, mais également le nombre de victimes de la pandémie. Selon ces articles, la proportion des personnes ayant développé une forme grave débouchant sur un décès aurait été moindre là où les antiviraux avaient été massivement utilisés de manière précoce.
Vous avez, à juste titre, distingué l'usage curatif et l'usage préventif du Tamiflu. Fin novembre-début décembre, le comité de lutte contre la grippe, qui siégeait au ministère de la santé, a envisagé une extension d'indication à titre préventif, à dose pleine, pour des personnes exposées au contact de personnes grippées ou suspectées de l'être – en priorité pour les personnes présentant des facteurs de risque. La question était de savoir si l'on devait recommander, hors autorisation de mise sur le marché, le passage à dose curative. Il y a eu débat, et je m'en suis entretenu avec le directeur général de la santé, lequel a convenu qu'il était important que l'agence puisse donner son avis rapidement. C'est ce que nous avons fait, dans les délais imposés par le calendrier. Il faut se souvenir qu'on était alors au point d'inflexion de l'épidémie, peu avant le pic, mais on ne le savait pas encore. Notre avis n'a pas été inconditionnellement favorable : soulignant qu'il n'existait pas de références internationales, nous avons dit qu'on pouvait envisager de prescrire du Tamiflu à dose pleine, mais pendant cinq jours seulement et non dix. S'il y avait un risque de toxicité, celui-ci serait davantage lié à la durée du traitement qu'au doublement de la dose pendant cinq jours.
L'idée que cet avis, comme la décision des pouvoirs publics, auraient été dictés par un souci d'accroître les ventes de Tamiflu et d'écouler les stocks n'est absolument pas fondée. Il y a eu un vrai débat scientifique, avec confrontation d'arguments, repris dans une note de l'agence. Notre réponse a été oui, à condition de limiter le traitement à cinq jours : cinq jours à dose pleine équivalant à dix jours à demi-dose, traitement préventif standard. Cette évolution de prescription, chacun le comprendra, n'était pas de nature à induire une consommation supplémentaire considérable.
Vous vous interrogez sur les extrapolations chez les enfants. Il faut distinguer les vaccins pandémiques centralisés et le Panenza. Il est vrai que, lorsque le Comité des spécialistes pharmaceutiques à usage humain (CHMP) a donné un avis favorable fin septembre sur les trois premiers vaccins pandémiques centralisés, il n'existait pas de données pour les nourrissons, mais seulement pour les enfants et les pré-adolescents. L'extrapolation, dont les fondements figurent dans les documents du comité que nous avons mis en ligne à l'époque, repose à la fois sur le constat d'un profil général de sécurité et de tolérance pour les tranches d'âge supérieures tout à fait acceptable, et sur la crainte de formes très graves de cette grippe chez les très jeunes enfants, à partir des données recueillies dans l'hémisphère Sud et dans certains pays de l'hémisphère Nord déjà touchés, en particulier les États-Unis. Le rapport bénéficesrisques a clairement pesé dans l'extrapolation. Pour le Panenza en revanche, des essais cliniques avait été menés à partir de l'été et nous disposions de données sur l'immunogénicité et la tolérance dans toutes les tranches d'âge, à partir de six mois. C'est d'ailleurs ce qui a conduit à préconiser dans l'autorisation de mise sur le marché du Panenza un schéma vaccinal différent selon l'âge des enfants. Pour les vaccins pandémiques centralisés, sur lesquels on travaillait au début à partir d'extrapolations, on a pu, dans le courant de l'automne, s'appuyer sur quelques données d'essais cliniques chez les enfants.