Je vous remercie tout d'abord, monsieur le directeur général, d'avoir accepté de nous rencontrer régulièrement, jusqu'en décembre, avec Mme Bachelot-Narquin.
Je m'étais déjà interrogée fin 2009 sur le sujet en commission des affaires sociales : pour ce qui est des adultes, on a extrapolé à partir du modèle connu de la vaccination contre la grippe saisonnière et donné comme consigne de vacciner un maximum de personnes pour faire barrage à la pandémie. Cela, je veux bien l'entendre, mais j'ai plus de mal à comprendre l'extrapolation concernant les enfants, en particulier ceux âgés de six à vingt-quatre mois, déjà très sollicités sur le plan immunitaire par tous les vaccins qui leur sont administrés à cette période de leur vie, notamment l'hexavalent, qui donne lieu à une injection à l'âge de trois mois, une autre un mois plus tard et un rappel à l'âge d'un an, le vaccin rougeole-oreillons-rubéole venant s'intercaler. Même si ces vaccins sont éprouvés et utilisés depuis longtemps, la vaccination constitue toujours un choc immunitaire pour les enfants et voilà qu'on y ajoutait le vaccin contre la grippe A(H1N1) !
Combien de pools d'enfants ont-ils fait l'objet de tests cliniques avant que ne soit élargie l'indication du vaccin à toute la population infantile ? Les parents n'ont pas adhéré massivement à la campagne et le taux d'enfants vaccinés est très faible, mais nul ne savait au départ ce qu'il en serait. Avec quel recul pouviez-vous faire cette extrapolation puisque les enfants ne sont pas d'ordinaire vaccinés contre la grippe saisonnière, si ce n'est de manière marginale quelques enfants gravement malades, sans que cela puisse avoir valeur d'essai clinique ?
La recommandation est-elle toujours aujourd'hui de deux injections pour les moins de douze ans ? Je ne connais pas d'autre vaccin où la stratégie vaccinale diffère pour les adultes et pour les enfants. Pourquoi cette différence ?
J'en viens au Tamiflu, distribué à compter de décembre en provenance des stocks d'État, dont vous avez vérifié la bioéquivalence. Je vous avais demandé en septembre si cette vérification serait opérée ; elle l'a été, et je m'en félicite. Les professionnels de santé savent, depuis dix ans qu'il est sur le marché, que le Tamiflu n'est pas spécialement efficace contre la grippe, encore moins pour la prévenir. Il y a un an et demi, pas un seul médecin n'en aurait prescrit dans un but préventif. Or, début décembre, les médecins ont reçu un courrier les enjoignant de prescrire du Tamiflu à toute personne présentant un début de symptômes grippaux ou même ayant été susceptible d'avoir côtoyé une personne grippée. Je m'étonne vraiment qu'on ait pu élargir à ce point la prescription de ce produit, sur le fondement de tests présentés par l'industrie pharmaceutique. J'ai interrogé sur ce sujet M. Laurent Degos, président du collège de la Haute Autorité de santé, que nous avons auditionné il y a quelques semaines. Pourquoi cette soudaine stratégie début décembre ? Était-ce – vous savez que je suis un peu provocatrice – pour écouler les stocks de l'État qui allaient être périmés ? Je plaisante, mais on a tout de même demandé aux pharmaciens de mettre de côté le stock de Tamiflu en gélules qu'ils avaient commandé depuis septembre-octobre et qu'ils avaient l'habitude de dispenser depuis dix ans, au profit du stock d'État sous forme de comprimés. Début décembre, les décideurs politiques auraient-ils soudain perçu que la stratégie de vaccination était en train d'échouer et n'auraient-ils pas cherché à montrer par tous les moyens qu'ils agissaient quand même au profit de nos concitoyens en leur faisant prescrire du Tamiflu à tour de bras ?
Ma dernière remarque concernera le recueil des effets secondaires par les centres régionaux de pharmacovigilance.
Quand on réduit la période précédant l'autorisation de mise sur le marché, même si l'on se trouve dans un cas très particulier, il est normal de mettre en alerte tous les centres régionaux. Certains de vos propos au début de la pandémie n'étaient pas de nature à rassurer nos concitoyens, déjà en proie à des doutes après le vaccin contre l'hépatite B. En effet, ceux-ci ne craignent pas les effets secondaires à court terme, comme une sensation de chaleur au point d'injection, ou bien l'état fébrile qui peut faire suite à la vaccination, mais bien davantage de potentiels effets indésirables à long terme, comme le développement de maladies neurologiques ou auto-immunes. Je partage sur ce point l'avis de M. Bégaud, pharmacologue, qui nous a dit, lors de son audition, que tant qu'on n'aurait pas totalement éclairci ce qui s'est passé autour du vaccin contre l'hépatite B et que persisteront, à tort ou à raison, des craintes, les Français seront toujours réticents vis-à-vis des campagnes de vaccination massives. Or, à nos interrogations à ce moment-là, vous répondiez que vous gériez la situation à court terme et que, pour le long terme, resterait à prouver que les possibles effets constatés avaient bien un lien avec le vaccin.
Est-il judicieux que chaque Français puisse lui-même signaler d'éventuels effets indésirables sur les sites de pharmacovigilance ou celui de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ? Le filtre d'un professionnel de santé, quel qu'il soit, me paraît important pour analyser l'effet secondaire dont peut se sentir victime un patient. On risque sinon que soit signalé un nombre considérable d'effets secondaires n'ayant rien à voir avec la vaccination, mais instillant le doute et suscitant des peurs infondées.