Si l'on observe l'ensemble des flux d'investissements directs étrangers, tels que recensés par les balances des paiements et rassemblés une fois par an par la la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la France est le troisième pays d'accueil derrière les États-Unis et la Chine – incluant Hong-Kong. Cela étant, des rapports récents – notamment un rapport du Conseil d'analyse économique piloté par Lionel Fontagné – montrent qu'une grande partie des flux entrant en France est interne aux groupes et répondent à des logiques d'optimisation fiscale ou financière. Ils ne sont donc pas nécessairement le reflet de l'attractivité des territoires.
C'est pourquoi nous nous sommes concentrés sur les investissements étrangers créateurs d'emplois, dont nous assurons le suivi au quotidien en accueillant chaque année environ 500 entreprises étrangères venues explorer les possibilités d'implantation. Sur ce critère, et d'après l'étude annuelle réalisée par Ernst &Young, la France est le deuxième pays d'accueil en Europe, derrière le Royaume-Uni, mais devant l'Allemagne. Notre pays est donc bien positionné depuis plusieurs années.
Je le répète : notre pays a bien résisté depuis le début de la crise. Non seulement le nombre de nouveaux projets étrangers créateurs d'emplois a été supérieur à 620 entre 2007 et 2009, mais nous avons même observé un rebond en 2010, avec 782 projets. Cela reflète à la fois la reprise de l'activité et de la confiance des investisseurs et le bon positionnement de la France sur ce terrain.
Le crédit d'impôt recherche est clairement, en Europe, un élément fort de différenciation pour le site France. C'est un élément d'attractivité d'autant plus important qu'il concerne l'innovation. En effet, l'investissement international est le fait d'entreprises à la recherche de nouveaux marchés, mais aussi, et de plus en plus, de sociétés attentives à la qualification de la main-d'oeuvre et à un environnement favorable en matière de recherche-développement et d'innovation. De ce point de vue, le crédit d'impôt recherche est très largement considéré à l'étranger comme un atout maître dans la main française.
De nombreux témoignages vont dans ce sens. Je pense par exemple à une entreprise américaine dont les dirigeants étaient divisés au moment du choix de la localisation en Europe. Certains, pointant les rigidités sur le marché du travail et la difficulté d'ajuster les effectifs en cas de nécessité, plaidaient pour une implantation dans un autre pays que la France. D'autres, qui l'ont finalement emporté, faisaient valoir l'avantage constitué par le crédit d'impôt recherche. Le maintien de cette politique est donc un élément fondamental de notre attractivité.
Elle produit, en effet, des résultats remarquables : alors qu'en 2008, nous avions enregistré 21 nouveaux projets d'investissement dans le domaine de la recherche-développement, ce nombre est passé à 42 en 2009 et à 51 en 2010. Une telle progression a certainement un lien direct avec le maintien du crédit d'impôt recherche et avec la plus grande connaissance que les entreprises étrangères ont du dispositif, d'autant que nous en assurons la promotion aussi largement que possible.
En 2010, nous avons demandé à plusieurs dirigeants d'entreprises étrangères, en particulier dans les pays émergents – Chine, Inde, Brésil –, de participer dans leur pays de résidence à une campagne de communication sur la France. Alors qu'ils avaient carte blanche pour identifier le thème de leur intervention, huit sur dix ont choisi l'innovation et la recherche-développement.
Il est cependant vrai que la difficulté à ajuster les effectifs reste perçue comme un point faible de notre pays. Tous les acteurs au contact des investisseurs étrangers s'emploient donc à faire preuve de pédagogie. Nous nous efforçons par exemple de valoriser les dispositions prises depuis quelques années, comme la rupture conventionnelle du contrat de travail – une option qui a connu un certain succès – ou la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous expliquons par ailleurs à nos interlocuteurs que la France accueille 20 000 entreprises étrangères dont plus de 4 000 américaines et plus de 3 000 allemandes. Par ailleurs, chaque année, 30 % des nouveaux projets d'investissements portent sur des extensions de capacités, ce qui traduit la satisfaction des entreprises concernées. Nous avons ainsi identifié une dizaine d'entreprises ayant investi sans discontinuer en France depuis cinq ans.
Il est sans doute facile, en effet, d'acheter des petites et moyennes entreprises en France. Ce que nous observons, c'est que 6 % à 7 % du total des investissements étrangers créateurs d'emplois ou permettant de sauvegarder des emplois correspondent à des rachats d'entreprises en difficulté. Cela représente une cinquantaine de cas chaque année. Depuis dix ans, 422 entreprises en cessation de paiement ou en liquidation judiciaire ont ainsi été rachetées. Nous devons en faire une lecture positive, puisque 61 000 emplois ont de cette façon été préservés.
Vous vous demandez ce qu'il advient de l'entreprise ainsi rachetée, mais la question peut se poser pour l'ensemble des investissements étrangers : quand une entreprise annonce son intention de s'implanter en France et de créer des emplois, il est utile d'observer la situation cinq ans plus tard. Nous avons effectué ce travail d'analyse rétrospective au milieu des années 2000 : au bout de cinq ans, le nombre de projets effectivement réalisés était certes légèrement inférieur à celui des projets annoncés, mais le bilan en termes d'emplois était sensiblement le même, certains projets annoncés ayant connu un développement plus rapide que prévu. Nous effectuons aujourd'hui le même travail pour ce qui concerne les années récentes.
Il est par ailleurs légitime de se demander si des déplacements ou des fermetures d'entreprises ont eu lieu. Mais il faut aussi avoir conscience que dans les années récentes, un certain nombre de sociétés étrangères installées en France ont pris des décisions favorables au territoire français, notamment en y rapatriant des activités qui avaient été sous-traitées ou délocalisées à l'étranger. Je pense notamment à une société japonaise du secteur de l'automobile qui a décidé de localiser en France une activité jusqu'alors sous-traitée en Turquie et en République tchèque. Les mouvements se produisent donc dans les deux sens.
Je pense que nous devons nous féliciter de la multiplicité des agences et des acteurs en matière d'investissement international. L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) dispose d'une petite équipe de direction et d'analyse à Paris, comprenant soixante personnes, et de quatre-vingt-dix agents à l'étranger, implantés dans 22 bureaux placés au sein de nos ambassades. Leur travail quotidien consiste à rencontrer les investisseurs potentiels et à les convaincre de venir en France. En revanche, nous n'avons pas de réseau en France et nous devons nous appuyer sur les acteurs territoriaux. Les correspondants de premier rang sont les agences régionales de développement économique, mais à travers elles, nous travaillons avec les agences départementales ou de métropole. Le risque de dispersion de l'effort français à l'étranger peut certes exister, mais nous y avons répondu en proposant aux agences territoriales d'utiliser le réseau de l'agence à l'étranger. Nous accueillons ainsi dans nos bureaux les représentants des territoires désireux de se projeter à l'international, de façon à faciliter leurs contacts avec les investisseurs étrangers. Lorsque nous avons lancé ces partenariats, les missions conjointes s'effectuaient à un rythme d'une quinzaine par an. En 2009, nous avons modifié nos procédures, et cette année, nous avons décidé de conduire une soixantaine de missions avec les différentes collectivités territoriales françaises. Nous sommes donc capables de coopérer, y compris pour nouer des contacts avec les entreprises étrangères.