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Intervention de Frédéric Van Roekeghem

Réunion du 4 mai 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés :

Les facteurs de compétitivité sont en effet multiples : à côté de l'innovation, la formation et la politique de l'offre sont des sujets majeurs. Si nous voulons résister à la concurrence de pays dont les salaires et la protection sociale sont bien moindres qu'en France, je ne crois donc pas que ce soit uniquement par la réduction de la protection sociale que nous y parviendrons. Comme l'a souligné M. Dominique Libault, une inflexion a eu lieu voilà cinq ou six ans et nous sommes maintenant sur le bon chemin – à l'instar des Allemands qui s'y sont pris un peu plus tôt que nous.

D'après les statistiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques couvrant la période 1997-2007 – laquelle nous désavantage puisque notre effort a porté sur les années 2005-2010 –, le taux de croissance des dépenses de santé a été en termes réels de 4,1 % pour l'ensemble de l'Organisation de coopération et de développement économiques contre 3,7 % en Suède et 2,5 % chez nous. Sur dix ans, cette différence de 1,5 % de croissance de la dépense de santé entre la France et l'Organisation de coopération et de développement économiques équivaut à une trentaine de milliards d'euros. Dans ce contexte, une politique de maîtrise de la dépense sociale ou plutôt favorisant la dépense utile soulève effectivement la question de la régionalisation. À cet égard, les écarts énormes de consommation de soins dans le domaine de la santé entre les différentes régions ne s'expliquent pas totalement par les inégalités de santé – une étude que nous avons publiée sur ce sujet le montre. En tout cas, si la protection sociale ne peut être la solution à la compétitivité, elle peut sans nul doute y participer, le premier levier restant la bonne maîtrise de la dépense.

Notre système centralisé l'empêche-t-il ? Aux États-Unis, si les dépenses de santé correspondent à 18 % du produit intérieur brut, 47 millions de personnes n'étaient pas couvertes avant la réforme. Certes, ce nombre comprend des jeunes et des personnes très riches, mais surtout des personnes pauvres qui ne peuvent se soigner, ce qui a un coût pour la collectivité – payé parfois par les hôpitaux ou les établissements de santé américains au sens large. Au-delà de la croissance inflationniste, il suffit de lire ce qu'écrivent les grands cabinets de conseil internationaux sur la situation de la dépense américaine pour comprendre que la concurrence généralisée entre les offreurs et les assureurs qui caractérise ce marché s'exerce au détriment de la valeur ajoutée produite et du consommateur de soins.

Cela étant, si nous disposons d'avantages compétitifs, nous avons encore des gains de productivité importants à trouver. Dans le domaine du médicament, par exemple, une comparaison entre la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni que nous venons de publier montre, concernant deux classes thérapeutiques qui représentent à peu près 2 milliards d'euros de dépenses pour la sécurité sociale – les statines, médicaments contre le cholestérol, et les inhibiteurs de la pompe à protons, médicaments contre les ulcères qui restent très consommés dans notre pays –, un écart de 900 millions d'euros par rapport à nos deux voisins.

Nous ferons en juin ou juillet prochains des propositions à cet égard après avoir examiné notamment à quel prix exactement les médicaments sont vendus dans notre pays et chez nos voisins, pourquoi les médecins prescrivent tel ou tel médicament et pourquoi nous sommes par ailleurs plus ou moins consommateurs de tels médicaments. Des marges de manoeuvre existent donc, même si elles ne sont pas infinies.

En matière d'équité, si la mise en place de la couverture maladie universelle complémentaire s'est traduite par une amélioration de la situation des personnes plus précaires, l'effet de seuil a conduit à ce que les personnes situées au-dessus de ce seuil, bien qu'ayant de très faibles ressources, n'accèdent pas au même niveau de protection sociale que les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire. Nous avons tenté, par des politiques publiques, notamment les aides à la complémentaire santé, de résoudre une partie du problème, mais la situation reste insatisfaisante en dépit des efforts réitérés des différents gouvernements et des caisses d'allocations familiales et d'assurance maladie. Nos prochaines propositions porteront également sur ce problème, le bouclier sanitaire ne nous apparaissant pas répondre à l'ensemble des problèmes posés. Le conseil de la Caisse nationale de l'assurance maladie estime ainsi que c'est là une solution qui présente aussi certains inconvénients.

S'agissant du financement, la situation actuelle des déficits publics, tout particulièrement ceux de la protection sociale, nous conduira à aborder le problème de leur résorption. Pour ce qui est de la contribution sociale sur la consommation à propos de laquelle le Parlement s'interroge, je ne trouve pas illégitime à titre personnel que nous nous posions la question de la participation au coût de la protection sociale de la consommation sur les produits d'importation.

Quant à la responsabilité des régions, quel modèle évoquons-nous ? S'il s'agit de mettre en place un système d'objectif régional des dépenses d'assurance maladie sans que la région soit le financeur de la dépense, il n'y aura pas de responsabilité car cette dernière implique certes celle de la dépense, mais aussi la celle du financement et du solde. Je n'ai pas l'impression qu'à ce stade, les réflexions autour de la responsabilité de la région visaient ce modèle. Le système dont nous disposons, qui a ses inconvénients, conduit tout de même à ce que l'État, in fine, partage à un moment donné, par le biais du vote d'une loi de financement, l'ensemble de ses responsabilités en matière de dépenses, de ressources et de déficit. En ce qui me concerne, je ne serais en tout cas pas favorable à un système où les décisions en matière de dépenses seraient prises par les régions et où la responsabilité du financement incomberait à l'État.

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