Je partage le sentiment selon lequel l'efficience de la dépense constitue l'enjeu des années à venir. Il n'existe pas en effet de financement miracle : quel que soit le mode retenu, on ne peut s'exonérer d'une meilleure efficience de la dépense. En revanche, je ne peux laisser s'instaurer l'idée que rien n'aurait été fait pour lutter contre l'augmentation des dépenses. Si M. Pierre Méhaignerie a raison concernant les vingt-cinq dernières années, une rupture est apparue depuis une dizaine d'années. Les chiffres d'Eurostat relatifs aux dépenses publiques de protection sociale en pourcentage du produit intérieur brut montrent sur la période, par rapport à la Suède, à l'Allemagne, à l'Italie, à l'Espagne et au Royaume-Uni, une maîtrise de notre pays. Sans revenir sur le taux de croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, passé de 7 à 3 %, les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques concernant les dépenses publiques de santé par habitant sur la période 2005-2008 montrent également que la France les a mieux maîtrisées. Certes, nous partions de haut, et il faut l'assumer. Mais une vraie évolution est intervenue dans les récentes années.
On le constate au vu des statistiques, les efforts des Français, qui ont tendance à désespérer car ils ont l'impression que leurs efforts ne servent à rien, portent leurs fruits : tout ce que l'on a accompli est utile, et l'on assiste à une vraie décélération des dépenses. Encore faut-il que ce processus soit équitable. À cet égard, la question de l'efficience reste liée à celle de l'équité car, je le rappelle, il s'agit de droits objectifs. Les ordonnateurs des dépenses publiques, dans un système de sécurité sociale, sont nos concitoyens eux-mêmes par l'intermédiaire de consultations ou encore d'une demande de médicaments. Aussi faut-il les convaincre que la politique suivie est bien fondée et que les efforts sont équitablement répartis. Nous avons d'ailleurs déjà progressé sur ce plan, puisque nous avons pu convaincre les Français que, par exemple, le générique soignait aussi bien que le médicament princeps. Avec une politique d'adhésion de l'ensemble de nos concitoyens, car la sécurité sociale demeure l'affaire de tous, nous réussirons à maîtriser la dépense avec de l'efficience.
Ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont souligné, il existe encore de nombreuses marges de progression, qu'il s'agisse de lutter contre les dépenses inutiles, les abus, la mauvaise organisation ou encore les coûts trop élevés. À la limite, tous ces champs d'intervention possibles me rendent optimistes : malgré le vieillissement de la population, nous pouvons tenir un objectif de progression mesurée de la dépense dans les années à venir grâce à la trajectoire que l'on a commencé à tracer. Tout n'est pas à inventer.
Je connais l'attachement de M. Pierre Méhaignerie à la responsabilisation et, dans cet esprit, à la régionalisation. Mais, au-delà d'une centralisation au niveau local, se trouve en jeu la responsabilité individuelle de chacun. Lorsque l'on travaille avec l'assurance maladie sur le contrat d'amélioration des performances individuelles des médecins, nous cherchons à responsabiliser les prescripteurs individuellement. De même, lorsque l'on travaille sur le parcours de soins ou sur la problématique activitéretraite, notre objectif est d'améliorer les comportements individuels. On peut toujours discuter du mode de pilotage, mais en tout état de cause, c'est bien au moyen d'une responsabilisation individuelle et non pas uniquement de normes que l'on y parviendra.
Concernant le coût du travail, il convient de souligner que, ces dernières années, les cotisations sociales à la charge des entreprises n'ont pas augmenté. Méfions-nous à cet égard des statistiques internationales qui ne reposent que sur les prélèvements obligatoires sans prendre en compte le coût caché de la protection sociale pour les entreprises : lorsque les prélèvements sociaux obligatoires sont faibles, c'est le coût des protections d'entreprise qui augmente et qui pèse alors sur les employeurs. Le travail que nous avons effectué avec la Cour des comptes a ainsi montré qu'une partie de notre différentiel avec l'Allemagne tient au caractère facultatif des systèmes de retraite complémentaire allemands qui, de ce fait, n'apparaissent pas dans les prélèvements obligatoires au niveau des comptes nationaux. Il faut prendre en compte l'ensemble des charges si l'on veut comparer les coûts entre les différents pays.
S'agissant de l'interrogation de M. Christian Blanc sur le coût de l'intégration, je n'ai pas d'éléments pour lui répondre précisément, mais ma conviction est que l'un des enjeux d'une politique de protection sociale est la cohésion sociale, sachant qu'assurer cette dernière constitue un facteur de compétitivité pour l'économie. Pour autant, nous sommes conscients du fait que disposer d'une assurance maladie permettant d'accueillir correctement sous condition de résidence régulière l'ensemble des résidents ne peut résoudre ni tous les problèmes d'intégration ni tous ceux de la compétitivité. Il ne faudrait pas en effet que la protection sociale soit comprise à travers nos propos comme le moyen de résoudre tous les problèmes de compétitivité Le forum de Davos, notamment, l'a montré : la question de l'innovation reste fondamentale dans ce domaine, au-delà du seul coût du travail, et l'on sait bien que la France souffre en la matière de faiblesses, en particulier par rapport à l'Allemagne.
Selon les politiques menées, la protection sociale peut s'avérer un atout plus ou moins fort pour la compétitivité de la France. Ne la voyons pas comme une charge, même si d'autres éléments permettront évidemment à notre pays de jouir d'une bonne compétitivité, car s'il faut maîtriser la dépense en matière de finances sociales, il faut aussi de la croissance. C'est là sans doute le principal aléa pour les finances publiques dans les années à venir