En dépit de la situation de certains de nos compatriotes, je relève que, globalement, le système de protection sociale français est reconnu comme très développé, même si notre taux de fécondité, pour lequel nous sommes enviés, ne dépend pas que des prestations familiales, mais est également le résultat de toutes les politiques conduites, à différents niveaux, par l'État, les collectivités territoriales et les caisses d'allocations familiales notamment en faveur de l'accueil des jeunes enfants.
Pour autant, si le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales a pu souligner l'augmentation à venir du nombre des actifs, il sait mieux que quiconque que c'est surtout le nombre des inactifs qui augmentera dans les années qui viennent, et cela pour une période assez longue. Or, le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés sait quant à lui que le grand âge coûte très cher à l'assurance maladie, les pathologies qui accompagnent le vieillissement étant, d'une part, prises bien souvent en charge au titre des affections de longue durée et, d'autre part, parmi les plus onéreuses du fait de la cherté des technologies nouvelles ou des produits nouveaux – domaines où d'ailleurs la France prend parfois un peu de retard, mais c'est là un autre sujet.
Dans ces conditions, le coût de la protection sociale à laquelle nous sommes tous très attachés va croître de façon importante. Aussi, comment ne pas réfléchir davantage – tout le monde reconnaissant qu'il faut garder de la création de richesse en France et faire en sorte, par notre compétitivité, de mettre un frein et si possible un terme aux délocalisations de production – à la situation dans laquelle nous sommes depuis la création de la sécurité sociale il y a bientôt soixante-dix ans, qui fait reposer plus de 70 % de son financement sur l'appareil de production, le travail, alors que c'est précisément ce que nous voulons sauvegarder et que le nombre de ceux qui travaillent ne cesse de diminuer ?
J'ai compris à demi-mot que le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés avait une solution, mais que celle-ci était impossible à appliquer pour des raisons politiques. La difficulté tient, selon moi, au fait que certains la désignent avec un vocabulaire inadapté, voulant faire peur – et y parvenant. Or, avec l'emploi de l'expression « TVA sociale », on trompe nos concitoyens sur la nature de ce prélèvement nouveau. Il s'agirait en effet d'une contribution sociale – à laquelle d'ailleurs le directeur de la sécurité sociale devrait être attaché puisqu'il a participé à l'invention de la contribution sociale généralisée. La « contribution sociale sur la consommation » serait le pendant de la contribution sociale généralisée. Et, contrairement à ce qui est également avancé, elle ne conduirait pas obligatoirement à une diminution du pouvoir d'achat par une augmentation du coût de la vie. S'il y avait un glissement très progressif, point par point – un point représentant à peu près 10 milliards d'euros –, il pourrait très bien être imaginé que cette somme soit répartie de façon égale entre l'entreprise et le salarié, de telle façon que 5 milliards d'euros de plus soient distribués en salaire net. Tel est bien, en effet, le problème de la France qui voit son coût du travail augmenter alors que les salaires nets y restent inférieurs à d'autres pays.
En outre, puisque l'assiette de la contribution sociale sur la consommation recouvrirait les produits d'importation, son produit permettrait d'équilibrer le pouvoir d'achat. Cette ligne a d'ores et déjà été suivie par d'autres pays, sans qu'il y ait des conséquences significatives sur le pouvoir d'achat.
Paradoxalement, alors que tout le monde s'accorde à sauver la sécurité sociale, on s'interdit, par les mots que l'on emploie, à préparer les conditions politiques d'un glissement progressif, partiel, de l'assiette du financement de la protection sociale. Il y a là un véritable défi pour les politiques sur lequel je souhaiterais que vous vous exprimiez.