Avec des dépenses de santé atteignant 12 % du produit intérieur brut, soit 220 milliards d'euros, la France est l'un des pays qui dépense le plus pour sa santé. Certes, sa position relative par rapport aux autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques varie selon que l'on se réfère au produit intérieur brut ou à la parité en pouvoir d'achat par habitant, mais notre pays accomplit, en tout état de cause, un effort important dans le domaine de la santé. La gestion de son système de couverture obligatoire et, plus largement, des coûts de production des soins, constitue donc un enjeu majeur de compétitivité pour le pays, comme l'indiquait M. Michel Pébereau voilà quelques années dans un rapport toujours d'actualité.
La compétitivité se joue dans le temps, ce qu'ont bien compris nos voisins allemands qui ont lancé sur ce sujet, il y a déjà plusieurs années, une réflexion qui leur a permis d'aborder les questions de compétitivité en termes non seulement de prix, mais également de produits. Même si nous améliorons notre performance en matière d'efficience, il convient de ne pas oublier l'autre moteur de compétitivité qu'est l'innovation des entreprises, sans laquelle nous ne pourrons résister à la compétition internationale malgré tous nos efforts concernant tant le rééquilibrage que le financement des prestations sociales.
L'événement majeur relatif aux dépenses de santé des dix dernières années a été l'inflexion très forte du taux de croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie. Alors que celui-ci était de l'ordre de 7 % sur la période 1998-2003, nous l'avons réduit de manière continue sur la période 2005-2011 sous l'effet d'efforts importants – qui continuent d'ailleurs de susciter des réactions. Aujourd'hui, avec un taux de croissance passé de 7 % à 3 %, c'est 0,7 point de contribution sociale généralisée par an de prélèvements obligatoires évité. Toute réflexion en profondeur sur la compétitivité nécessite donc de bien comprendre que tout se joue dans le temps.
Pour autant, la santé est un secteur producteur de richesses et d'innovations : le niveau de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie est donc tout aussi important que son contenu.
À cet égard, nous avons d'abord accompli un effort de maîtrise des dépenses de santé qui nous met en position compétitive par rapport aux pays qui nous entourent. La direction de la sécurité sociale a ainsi montré, dans son analyse des comptes de la sécurité sociale, que nous maîtrisons mieux à l'heure actuelle les dépenses – à tout le moins de soins de ville – que nos voisins d'outre-Rhin, qui, après avoir réfléchi à la réforme du financement de la protection sociale avant nous, affectent des ressources nouvelles au financement de la santé, tout en maîtrisant les prélèvements obligatoires sur les entreprises. Pour autant, les réformes structurelles en cours dans notre pays sont de nature, me semble-t-il, à améliorer progressivement notre compétitivité.
Nous avons ensuite, conformément à l'une des recommandations que l'Organisation de coopération et de développement économiques formule régulièrement en matière de compétitivité, accru l'information des patients : la transparence est maintenant faite sur la qualité et sur le prix auxquels les soins sont délivrés.
Par ailleurs, le mode de rémunération des offreurs se trouve en cours de réforme profonde. La tarification à l'activité, l'un des leviers d'accroissement de la productivité des établissements hospitaliers, même si elle présente des inconvénients, constitue un moyen d'amélioration de notre compétitivité, de même que la mixité de la rémunération des offreurs de soins libéraux, en particulier des médecins traitants.
La meilleure coordination entre l'État et la sécurité sociale demeure cependant une préoccupation car la mise en place des agences régionales de santé ne résout pas tous les problèmes, même si nous progressons dans ce domaine.
Enfin, l'accompagnement des patients et les programmes anglo-saxons de disease management, qui ont pour objectif de rendre le patient plus actif par rapport à sa santé et donc de mieux maîtriser les volumes de soins et développer la prévention, sont des éléments qui, à terme, sont susceptibles d'améliorer l'allocation des ressources.
Pour autant, d'autres actions doivent être menées. Ainsi, le débat en France reste trop concentré sur le reste à charge. Or, en matière de compétitivité, toutes les entreprises privées savent que la question du coût complet des soins est essentielle. En effet, sans maîtrise de ce coût, il n'y a aucune chance de maîtriser le reste à charge des ménages. Un effort devrait donc être accompli afin d'améliorer la transparence du coût complet des soins, qui évolue en fonction des offreurs de façon importante, et d'étudier dans quelle mesure il peut être amélioré. On le sait, trois leviers principaux existent : optimiser le parcours de soins – grâce à une meilleure allocation de la valeur ajoutée médicale en fonction des pathologies des patients ; améliorer l'usage des produits de santé – des recommandations seront sans doute faites, dans le cadre des réflexions actuellement menées sur les produits de santé, notamment par les parlementaires ; enfin, augmenter la productivité intrinsèque des offreurs de soins. C'est donc bien dans le temps que se joue l'effort de productivité.
Même si les efforts de réduction des dépenses de santé ont permis de réduire à environ 4 milliards d'euros en 2008 le déficit constaté, le niveau de ce dernier demeure élevé et représente l'équivalent de près de 1,2 point de contribution sociale généralisée pour la seule branche Maladie. Aussi sera-t-il difficile de réduire ce déficit par la seule action sur les dépenses, sauf à ce que la croissance du pays s'améliore substantiellement, ce qui semble une hypothèse résolument optimiste. Sachant que, du fait du vieillissement de la population, du progrès médical et de la concentration croissante des dépenses, nous devons économiser au moins 2,5 milliards d'euros chaque année pour pouvoir maintenir un objectif national des dépenses d'assurance maladie en progression de l'ordre de 3 %, la question de la résorption de ce déficit devra donc passer par une réflexion sur le financement de la protection sociale.
Sur ce point, nos voisins allemands ont décidé, en 2007, d'affecter une partie de l'augmentation du taux de taxe sur la valeur ajoutée, de trois points, à la réduction des déficits, et une autre à l'allègement, si possible, du coût du travail. C'est un axe que la France a d'ailleurs elle-même choisi depuis de nombreuses années en veillant – avec la réforme « Balladur » de 1993 de budgétisation d'une partie des cotisations d'allocations familiales sur les bas salaires, avec les réformes « Juppé » de 1996 et 1997 d'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée, avec les réflexions autour de la retraite et les allégements de charges – à ce qu'il n'y ait pas d'alourdissement inconsidéré sur le coût du travail de la partie des cotisations imputables aux entreprises.
La « TVA sociale » reste, à cet égard, un sujet d'autant plus complexe à aborder que les derniers relèvements effectués en la matière en 1997 ont rappelé que l'augmentation de tout impôt – taxe sur la valeur ajoutée, contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale ou autre – constitue toujours un moment difficile pour nos concitoyens, la taxe sur la valeur ajoutée ayant par ailleurs la caractéristique d'être répartie sur de très nombreux acteurs. Cela étant, elle présente l'avantage, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une cotisation, de taxer les produits importés. Mais sur le fond, quel que soit l'impôt qui devra être éventuellement relevé pour financer les déficits actuels, le gouvernement qui en prendra la responsabilité aura préalablement à justifier de l'efficience de la dépense devant nos concitoyens assurés sociaux.