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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 17 mai 2011 à 16h45
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Thierry Mariani, secrétaire d'état chargé des transports :

Le développement du transport ferroviaire, pour les marchandises comme pour les voyageurs, est un enjeu majeur pour notre pays et une priorité du Gouvernement.

Le secteur ferroviaire est porteur des principaux défis de notre pays : c'est l'une des façons de se déplacer les plus respectueuses de l'environnement : elle a été consacrée par le Grenelle de l'environnement. La construction de quatre nouvelles lignes à grande vitesse sera lancée simultanément dans les prochaines années, tandis que les 140 kilomètres de la première phase de la ligne Rhin-Rhône seront inaugurés dès cette année.

Le ferroviaire est aussi une solution à de nombreux enjeux d'aménagement du territoire. Notre défi est de réussir en même temps les projets nouveaux et la fiabilisation du réseau existant.

De plus, les projets ferroviaires ont une forte dimension industrielle, tant pour ce qui concerne la voie, les aiguillages et la signalisation que le matériel roulant, à destination des passagers ou des marchandises.

Cette activité représente au total 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an, dont un quart à l'international, sur un marché mondial où la concurrence est très forte, voire inégale comme vous l'avez indiqué, monsieur le président.

La question de l'emploi est évidemment essentielle, puisque les activités ferroviaires françaises font travailler, au total, près de 200 000 personnes. L'industrie ferroviaire représente à elle seule plus de 17 000 salariés, dont la moitié chez Alstom, et de nombreux emplois à haute qualification en production comme en recherche-développement, y compris chez les sous-traitants. C'est enfin un enjeu budgétaire et de finances publiques.

La part de marché des modes alternatifs à la route est aujourd'hui de 14 %. Le Grenelle de l'environnement a fixé un objectif de 25 % à l'horizon 2022. À cette fin, nous devons faire passer le fret ferroviaire de la morosité à la croissance. Pour mobiliser tous les moyens au service de cet objectif, le Gouvernement conduit depuis le 16 septembre 2009 l'Engagement national pour le fret ferroviaire. Cela passe par l'amélioration de la qualité de l'infrastructure, donc par des investissements importants et par la définition d'un réseau orienté fret.

Nous devons développer les solutions innovantes, porteuses de nouveaux reports modaux, telles que la création d'un réseau d'autoroutes ferroviaires cadencées, l'aide au transport combiné, la création d'opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) et le développement du fret à grande vitesse entre aéroports.

Ce programme majeur représente plus de 7 milliards d'investissement en faveur du fret ferroviaire d'ici à 2020. Nous pouvons déjà saluer plusieurs avancées concrètes. Les autoroutes ferroviaires se développent bien avec quatre allers et retours quotidiens déjà opérationnels entre Perpignan et le Luxembourg. Les travaux du tunnel du Mont-Cenis, aujourd'hui terminés, permettront prochainement de faire passer plus de trains, avec un nouveau service d'autoroute ferroviaire franco-italienne qui prendra la suite du service expérimental en place depuis 2004. L'aide au transport combiné a, quant à elle, été augmentée de 50 % et quatre opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) ont vu le jour en 2010. Enfin, le programme d'installations permanentes de contresens (IPCS) lancé en 2010 permettra d'améliorer la capacité des axes principaux en cas d'incidents ou de travaux.

L'engagement national pour le fret ferroviaire doit entraîner une baisse de 2 millions du nombre des trajets de poids lourds sur les routes françaises, et autant en économie d'émissions de C02.

Les entreprises françaises de construction et surtout de réparation de wagons traversent actuellement une période difficile. Du fait de la crise et de la baisse du trafic, les opérateurs ont réduit leurs commandes et confient ces missions en priorité à leurs propres ateliers. La vraie solution, à long terme, c'est le nouveau développement du fret ferroviaire, notamment grâce aux nouveaux entrants qui possèdent déjà 18 % du marché. À court terme, l'État réfléchit à une meilleure organisation du marché et un meilleur lissage des commandes.

Un autre grand défi des prochaines années, c'est le développement du transport de passagers. Le Grand Paris pourrait impliquer plus de 2 milliards d'euros d'investissement en matériel. Le transport international de passagers a été ouvert à la concurrence fin 2009. Des contacts ont déjà été pris par une entreprise privée avec mes services pour mettre en place dès cette année des trains de nuit entre la France et l'Italie.

La France n'a pas ouvert à la concurrence le transport national, mais le Gouvernement étudie la question. Le sénateur Grignon me rendra demain les conclusions de son rapport sur le sujet. Là encore, l'arrivée de nouveaux opérateurs peut signifier de nouvelles propositions en termes de matériel roulant et de qualité de service.

L'activité des constructeurs n'est pas limitée à la production de matériels neufs. La rénovation et la maintenance font partie de leur portefeuille d'offres. Or, les Français nous demandent d'abord, en matière de transport public mais aussi de fret, d'assurer la qualité du service existant, d'éviter les retards et de réaliser le plus vite possible les travaux nécessaires pour limiter les perturbations. Les pouvoirs publics ont besoin des constructeurs pour relever ce défi.

Le Gouvernement a mis tous les moyens en oeuvre pour l'entretien et le renouvellement du réseau, tout en assumant son rôle d'autorité organisatrice nationale. J'ai signé en décembre, avec la SNCF, la convention pour la gestion des trains d'équilibre du territoire. Par cet acte fort, le Gouvernement marque son engagement en faveur de la qualité de service en garantissant la pérennité de quarante destinations qui concernent plus de 100 000 voyageurs par jour.

Pour rester un concurrent crédible face à la route, le rail doit pouvoir afficher, comme le transport routier, environ 3 % de gains de productivité par an. La meilleure façon d'y parvenir, c'est l'innovation. Les constructeurs de matériel roulant sont les premiers concernés. Nous y travaillons avec eux, notamment dans les groupes européens de normalisation de l'Agence ferroviaire européenne de Valenciennes. Même quand la production n'est pas à 100 % en France, nous avons tout à gagner à ce que la recherche et développement y reste.

Par ailleurs, les gains de capacité de l'infrastructure peuvent venir du matériel : un meilleur freinage permet de faire rouler les trains plus près les uns des autres en toute sécurité. Les systèmes de freinage les plus modernes, qui utilisent des semelles composites, sont en outre moins bruyants. L'augmentation du nombre de trains ne doit pas être synonyme d'accroissement des nuisances : le bruit de roulement, l'efficacité énergétique des moteurs ou les émissions de particules des moteurs diesels sont au coeur du programme du « véhicule du futur » financé par le Grand emprunt national.

Au titre de cette initiative, le Gouvernement a annoncé le 9 mai que le projet d'Institut de recherche sur la technologie ferroviaire « Railenium » faisait partie des projets retenus. Il représente un investissement de 550 millions, essentiellement dans la région Nord-Pas-de-Calais, y compris la construction d'une boucle d'essais ferroviaires.

Nous le savons tous, dans certains secteurs, nos entreprises ont du mal à lutter contre la concurrence étrangère, surtout pour des activités non qualifiées, où le coût de la main d'oeuvre est presque le seul critère. Dans l'industrie ferroviaire, il en va autrement. Avec sa très haute valeur ajoutée, ses emplois très qualifiés, elle doit continuer à vendre en France, en Europe et dans le monde entier, à partir de sa base française.

Sur un marché où les commandes sont irrégulières, par nature, la meilleure façon de les lisser dans le temps, c'est d'élargir son aire géographique. Ainsi, une belle entreprise comme Faiveley, basée historiquement à Tours, travaille aujourd'hui à 90 % à l'international.

Pour jouer, la concurrence doit être ouverte. Or, sans revenir sur les problèmes de taux de change, plusieurs pays dont l'industrie exporte en Europe ont fermé leur marché national par le biais des accords de l'OMC. Sur ce point, l'État travaille activement au sein des instances européennes pour mettre fin à l'absence de réciprocité que vous avez dénoncée, monsieur le président.

Le ferroviaire constitue un système, dont le matériel roulant est une pièce maîtresse. Si nous voulons être aux côtés de notre industrie nationale, nous attendons aussi beaucoup d'elle en termes de qualité de service et d'innovation.

Le Gouvernement compte sur votre commission d'enquête pour tracer les pistes qui permettront de préserver et de développer l'industrie ferroviaire française. Les problèmes existent, qu'il s'agisse de la forte irrégularité des commandes ou du déséquilibre de la concurrence internationale, mais les opportunités sont grandes. Soyez assurés que le Gouvernement est mobilisé pour aider le secteur à les relever.

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