Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Alain Bocquet

Réunion du 17 mai 2011 à 16h45
Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française: production de matériels roulants voyageurs et frets

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bocquet, président :

Messieurs les ministres, soyez les bienvenus.

Nous arrivons au terme de nos auditions et presque à la fin de notre programme de déplacements. Il nous reste encore à nous rendre en Pologne à l'usine Alstom de Katowice et à rencontrer les dirigeants de Siemens Mobility à Châtillon.

Nos auditions ont été nombreuses : nous avons rencontré les industriels, les responsables syndicaux, les dirigeants de RFF, de la SNCF, d'Eurostar, de l'Établissement public de sécurité ferroviaire et aussi de nombreux autres acteurs de la filière, notamment des sous-traitants et fournisseurs de toutes tailles – le secteur compte beaucoup de TPE – et de différentes spécialités.

C'est la situation difficile de certains sous-traitants qui a conduit mon groupe politique à demander la création de cette commission d'enquête. La filière ferroviaire française reste une filière d'excellence, ses métiers relèvent de la haute technologie. C'est pourquoi il importe de ne pas la classer au rang des « vieilles industries », même si ses origines remontent au XIXè siècle.

Les activités de construction ferroviaire sont aujourd'hui insuffisamment perçues et défendues, et les pouvoirs publics ont une part de responsabilité. Le secteur n'a certes pas le poids économique et la visibilité médiatique de l'automobile ou de l'aéronautique, et contrairement à ces secteurs, la question du ferroviaire n'est désormais abordée que sous l'angle de la concurrence entre « l'opérateur historique » et « les nouveaux entrants » ou de l'accès au réseau dont RFF est désormais le propriétaire et le gestionnaire.

Bruxelles semble ne plus connaître le secteur ferroviaire qu'en ces termes, et non en tant que filière industrielle à part entière. Nos rencontres avec les grandes directions de la Commission ont largement conforté cette impression ! Or, cette pente est d'autant plus fâcheuse que les industries ferroviaires sont désormais confrontées à la concurrence de pays émergents – chacun pense à la Chine – et à une intensification de la pression sur les coûts de production de la part de certains pays, notamment en Europe de l'Est.

Certes, au niveau mondial, le marché ferroviaire connaît une croissance durable – pensons aux grandes étendues de différents continents et au fait que sur 500 villes de plus d'1 million d'habitants, 300 n'ont ni métro ni tramway. Mais les marchés des grands pays européens, comme la France ou l'Allemagne, ne sont plus la « chasse gardée » des constructeurs nationaux, même si l'on constate, en Allemagne, une alliance objective entre la Deutsche Bahn et Siemens, qui aboutit toujours à fermer les principaux marchés de matériels aux autres acteurs européens !

Sur ce point, je souhaiterais insister sur la différence entre les deux rives du Rhin. En France, la SNCF et RFF ont été clairement séparés, au point qu'ils paraissent consacrer une partie de leurs forces à lutter l'un contre l'autre. Cela n'a pas été le cas en Allemagne, où la Deutsche Bahn a encore largement la main sur la gestion des infrastructures : elle continue donc à s'attribuer les bons sillons de circulation ! En France, RFF ne semble même plus en mesure d'attribuer des sillons pour que nos constructeurs effectuent les essais d'homologation de leurs nouveaux matériels. Il faut qu'ils aillent en Allemagne ou en République tchèque pour le faire ! De même, les ateliers privés de réparation ferroviaire se heurtent aux plus grandes difficultés pour rapatrier des matériels à réparer du fait de l'abandon du wagon isolé par la SNCF !

Comment a-t-on pu diverger à ce point entre les deux pays, s'agissant de la mise en oeuvre de directives européennes ? Pourquoi la France s'est-elle rajoutée des contraintes par rapport à son principal voisin ? Ces questions me paraissent devoir vous être posées, même si les décisions fondatrices relèvent des gouvernements précédents !

J'en viens au coeur de notre sujet. Savez-vous que les constructeurs français de wagons de fret seront en grave péril si rien n'est fait, à court terme, pour conforter leurs plans de charge ? Avec Arbel Fauvet Rail (AFR) et les ABRF, c'est tout un savoir-faire qui disparaîtra, et la France ne construira plus jamais de wagons de marchandises, quels que soient les besoins !

L'âge moyen des wagons de la SNCF et de ses filiales dépasse les trente ans. Notre opérateur, que beaucoup estiment englué dans sa réforme du fret, ne disposera bientôt que de vieux matériels inadaptés aux besoins des chargeurs, s'il ne programme pas un vrai plan de renouvellement et de rénovation. Plus généralement, comment la France concilie-t-elle les ambitions du Grenelle de l'environnement et la modernisation des transports ferroviaires ? Cette question ne me paraît pas anodine pour les industries ferroviaires dans leur ensemble.

Ne faut-il pas enfin que les accords commerciaux négociés par l'Union européenne, ainsi que les appels d'offres, intègrent des clauses de réciprocité ? Ne faut-il pas cesser d'ouvrir nos marchés à des constructeurs de pays où il nous est impossible de vendre directement les mêmes types de matériels ? Cela pourrait viser la Chine mais aussi le Japon et la Corée du Sud, qui ne jouent pas le jeu de la concurrence internationale, voire notre voisin espagnol !

Ces interrogations résultent de constatations faites au cours de nos travaux. Je rappelle que la commission d'enquête a pour but de défendre la filière ferroviaire française, son savoir-faire incontestable, donc l'emploi industriel. Je sais cette orientation partagée par les membres de notre commission. Nous serons soucieux de formuler des propositions concrètes, réalistes et en rapport avec les enjeux auxquels est confrontée cette industrie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion