Vous me permettrez, monsieur le député, de ne pas commenter l'ensemble des interventions de mes collègues épidémiologistes, qu'ils aient été à certains moments plus optimistes ou, à d'autres, plus pessimistes : cela demanderait beaucoup plus de temps que cette commission n'en dispose.
Quant aux responsabilités de l'InVS, notamment celle de préparer le système de santé à ce qui pouvait arriver, je me suis déjà exprimée sur la question. Je rappellerai à ce propos un principe qui vaut, non seulement dans le champ sanitaire, mais également dans le domaine de la défense nationale comme dans beaucoup d'autres : on doit se préparer à des menaces dont la survenue n'est jamais certaine et dont nous essayons de préciser les contours au fur et à mesure.
En ce qui concerne les décès post-vaccination, je ne suis pas compétente et Jean Marimbert saura vous répondre de façon beaucoup plus précise que moi. Je peux simplement vous dire qu'en termes épidémiologiques nous n'avons pas constaté de phénomène anormal.
L'efficacité des antiviraux, notamment du principal d'entre eux, l'oseltamivir, avait été évaluée sur la grippe saisonnière. À partir de la synthèse des études disponibles, le groupe Cochrane avait conclu à une efficacité limitée sur la grippe saisonnière. En revanche, certains éléments mettaient en évidence l'impact de l'oseltamivir sur la mortalité liée à la grippe aviaire. En outre, l'analyse des premiers cas graves de grippe A (H1N1) indiquait un risque de deux à cinq fois plus élevé pour les personnes, présentant ou non des facteurs de risque, qui n'avaient pas reçu de Tamiflu dans les quarante-huit premières heures, résultats confirmés par la littérature scientifique internationale. Cette confirmation de l'efficacité d'une telle administration du Tamiflu nous a conduits à en recommander la prescription, même pour les personnes ne présentant pas de facteurs de risque.
En termes scientifiques et épidémiologiques, il s'agissait bien d'une pandémie, c'est-à-dire de l'apparition d'un nouveau virus se diffusant très rapidement sur l'ensemble des continents. Mais l'OMS a besoin de critères plus fins pour déterminer des seuils dans la gestion de la pandémie. Elle a considéré à un certain moment la sévérité comme un élément à prendre en compte pour lancer une phase de mobilisation plus importante. Or ce critère s'est révélé insuffisamment pertinent et d'une application trop peu facile pour que l'OMS le conserve. La question n'est donc pas celle de la définition de la pandémie, mais celle des critères à prendre en compte pour activer les différentes phases d'alerte.
La déclaration faite le 5 mai par nos collègues des CDC ne traduit qu'une observation à un moment donné, qui ne permet pas de préjuger ce qui se passera en hiver, comme l'ont montré les pandémies précédentes. Le rapport fait à la présidence des États-Unis au mois d'août par les mêmes auteurs avance des hypothèses tout à fait similaires à celles que nous avons soumises à la DGS et à notre ministère, à savoir de 30 000 à 90 000 décès, de 150 000 à 300 000 hospitalisations en réanimation, et 1,8 million d'hospitalisations. Nos hypothèses ont donc toujours été cohérentes et conformes à celles des CDC et de la Health Protection Agency (HPA). C'est une chose que de constater un état de fait à un instant t, mais c'en est une autre que d'établir des hypothèses et des scénarios pour préparer un système de santé à une menace et tout un pays à affronter une crise. Nous étions dans la préparation à une menace, dont on ne savait, par définition, ni quand ni comment elle allait se réaliser.
La vision du Dr Dupagne était juste s'agissant du plus grand nombre de malades. Dès le début, nous avions vu que la plupart des patients présentaient des formes tout à fait bénignes de la maladie. Mais ce serait tout à fait faux de caractériser cette pandémie par cette seule observation. Nous avons eu à faire face à de nombreuses formes graves et inhabituelles chez les sujets jeunes. Il faudrait aussi interroger les réanimateurs, dont l'analyse du phénomène est différente de celle des généralistes. Ceux-ci vous diront qu'ils ont observé des cas qui, par leur nombre et leur sévérité, dépassaient tout ce qu'ils ont coutume de voir à l'occasion des grippes saisonnières. Je me permets de vous inviter à entendre à ce sujet les présidents des sociétés savantes d'anesthésie et de réanimation. Leurs observations recouperont certainement celles faites par nos collègues australiens et néo-zélandais à la fin de la vague pandémique de l'hémisphère Sud : si la plupart des cas sont tout à fait bénins, la sévérité tout à fait inhabituelle de certains rend difficile la prédiction de l'ampleur de l'épidémie, notamment au moment de son passage à l'hémisphère Nord.