Ne croyez pas que nos estimations résultent d'une intuition ou procèdent d'un caprice personnel : elles sont le fruit de travaux scientifiques et d'échanges entre équipes internationales, basés sur une technique scientifique qui s'appelle l'épidémiologie. Celle-ci a ses limites et ses incertitudes, et ce sont elles que nous percevons aujourd'hui. Mais nous pouvons justifier à chaque étape de notre évaluation des données scientifiques qui ont été prises en compte et de la validité de nos calculs par rapport à l'état de la littérature scientifique internationale. Tous les scientifiques de l'InVS ont cependant l'humilité de reconnaître les limites de ces estimations. Notre objectif n'était pas de prédire ce qui allait se passer, mais de donner la fourchette des hypothèses possibles d'évolution.
La proportion de cas asymptomatiques est en réalité beaucoup plus élevée que les 30 à 40 % de la grippe saisonnière, qui était l'hypothèse initiale, puisqu'elle pourrait aller jusqu'à 70 %, proportion que nous sommes en train d'essayer de préciser, du point de vue notamment de la distribution par tranche d'âge. Cela fait plusieurs mois que nous essayons de déterminer cette proportion, mais nous ne disposions alors d'aucune donnée suffisamment fiable sur le plan scientifique. Certains ont eu assez tôt l'intuition de ce que serait l'évolution de la pandémie mais il s'agissait avant tout d'opinions qui n'étaient pas fondées sur les éléments scientifiques opposables. Tant que nous sommes dans l'incertitude, nous devons avoir l'humilité de dire qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions scientifiquement fondées. J'assume le corollaire de cette humilité, à savoir le risque d'être quelquefois les derniers à avoir raison. Notre niveau de responsabilité l'exige : il aurait été hasardeux de fonder des décisions publiques sur des intuitions personnelles.