Je suis un peu étonné d'entendre mettre en cause les agences. Si je ne m'abuse, de toutes les crises sanitaires de ces vingt dernières années, celle-ci est sans doute celle où elles sont le moins intervenues. Sa gestion a en effet été intégralement prise en charge par l'administration : pour partie par le ministère de la santé, avec un directeur général de la santé cumulant cette fonction avec celle de délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire (DILGA), et pour partie par le SGDN et par le ministre de l'intérieur, omniprésents ! Certes, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) est une agence – mais une agence de moyens, et encore… Quant à l'INVS, son rôle a été relativement modeste et, au demeurant, il n'est pas compétent pour tous les risques, ce qu'on peut regretter.
Que cette crise de santé publique ait été gérée par le coeur du coeur de l'appareil d'État, voilà déjà qui fait question.
Au surplus, cette intervention a été celle d'un État puissant comme jamais, échappant à tout contrôle du Parlement. Il a en effet décidé d'engager des centaines de millions d'euros sans en référer au Parlement et il a fait de même pour la définition de la stratégie de vaccination. Il a en outre réquisitionné des internes, désorganisant notre appareil de soins, et a révoqué ad nutum des responsables d'administrations sanitaires et sociales. Chaque jour, des conférences de presse se tenaient au ministère de la santé, animées par la ministre elle-même, entourée de tous les responsables de l'administration. Dans ces conditions, je m'étonne qu'on s'interroge sur le point de savoir si l'État avait les moyens d'agir.
Je m'étonne également que vous prétendiez, monsieur Le Pen, que cet État pouvait difficilement faire marche arrière. Pourquoi alors avoir écrit tant d'excellents articles dans les journaux, tout au long de la crise ? Vous exposiez dans Le Figaro tout ce que l'État aurait dû faire : quelle conception avez-vous donc des politiques pour penser qu'ils ne pouvaient comprendre vos arguments et modifier leur approche ?
Nous discutons beaucoup de la stratégie de vaccination et des achats de vaccin, mais il y a un élément qui est peu pris en considération : c'est qu'il était impossible aux laboratoires de livrer les vaccins en temps et en heure. Si le désir de se faire vacciner s'était maintenu au niveau où il était les premiers jours, on se serait heurté à une pénurie massive. Les 90 millions de doses ne seraient jamais arrivées à temps pour satisfaire la demande ! Quelles tensions n'aurions-nous pas eu à affronter si l'épidémie n'avait pas été bénigne ! Dès lors, à supposer que les Français aient été tous volontaires pour se faire vacciner, convenait-il de leur laisser croire qu'il y aurait un vaccin pour chacun ? De leur répéter que le vaccin était le principal rempart contre l'épidémie ?