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Intervention de Didier Tabuteau

Réunion du 13 avril 2010 à 15h00
Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe a

Didier Tabuteau, conseiller d'état, directeur général de la Fondation Caisses d'épargne pour la solidarité et directeur de la chaire Santé de l'Institut d'études politiques de Paris :

Il existe entre M. Claude Le Pen et moi-même, en dehors de l'interprétation du principe de précaution, un deuxième point de divergence. En effet, la présence de l'épidémie n'est pas constante depuis le xixe siècle : ce que nous vivons à cet égard depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, c'est une résurgence. Dans la deuxième moitié du xxe siècle, des épidémies dramatiques ont frappé le monde et la France, notamment en 1957-1958 et 1967-1968, en étant ignorées du grand public. Nous ne sommes donc pas confrontés à une réitération des épidémies qui, comme le choléra de 1832, scandaient le temps politique, mais à leur réapparition au terme de près d'un demi-siècle pendant lequel les pays riches, notamment européens, ont pu croire que le progrès médical avait permis de les surmonter. La conjonction du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui a donné lieu à la première intervention de l'OMS dans les politiques publiques des pays développés, de la menace du virus H5N1, qui présentait un taux de létalité très élevé, et du bioterrorisme qui a suivi le 11 septembre 2001, a ressuscité cette peur des épidémies dans des pays qui s'en croyaient protégés. C'est là que se situe le point de rupture et c'est alors qu'a été défini un plan de lutte contre la pandémie. Et ce phénomène ne peut que s'accentuer compte tenu des moyens dont nous disposons pour assurer la surveillance des virus. De fait, nous avons pu suivre en direct le franchissement des frontières par le SRAS et par les virus H5N1 et H1N1.

J'en reviens à ma proposition. Il faut réfléchir sur la manière dont est proférée la parole de santé publique dans un monde où l'information sur la santé est multiple et où la santé elle-même est un sujet majeur de préoccupation pour la population. À l'exception du cas catastrophique d'une épidémie imprévue qui se développerait en quelques jours, appelant une organisation administrative et militaire, les pouvoirs publics doivent avoir la capacité de produire du débat susceptible d'être repris par la société. Ainsi, des auditions publiques menées par les instances de santé existantes – des « hearings » à la française, qu'avait d'ailleurs prévues la loi de 2002 –, permettraient au public de s'approprier ce débat par tous les moyens de communication et le structureraient. Faute de débat contradictoire avec les partenaires socio-professionnels et associatifs sur ces questions, il sera impossible de gérer une pandémie ou une épidémie de ce type dans un système de santé organisée comme il l'est actuellement.

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