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Intervention de Bernard Van Craeynest

Réunion du 25 mai 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Bernard Van Craeynest, président de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres :

Qu'est-ce que la compétitivité d'un pays ? Selon le rapport Jacquemin-Pench « Pour une compétitivité européenne » paru en 1997, elle ne constitue « ni une fin en soi, ni un objectif. Elle est un moyen efficace de relever le niveau de vie et d'améliorer le bien-être social. C'est un outil (…) ». Le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) définit la compétitivité à long terme d'une nation comme sa capacité à améliorer le niveau de vie de ses habitants. Pour l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle se définit comme « la mesure dans laquelle un pays peut, dans un contexte de marché libre et loyal, produire des biens et services qui répondent aux normes des marchés internationaux tout en assurant et en augmentant le revenu réel de sa population à long terme ». Cette organisation vient de lancer, à l'occasion de son cinquantième anniversaire, un indicateur « Vivre mieux », destiné à mesurer le bien-être des citoyens de ses trente-quatre pays membres, incluant onze dimensions : logement, revenus, emploi, liens sociaux, éducation, environnement, gouvernance, santé, sécurité, satisfaction générale et équilibre famille-travail. Les priorités diffèrent selon les pays. En France, l'emploi et la santé sont jugés prioritaires.

L'emploi constitue un sujet récurrent dans notre pays depuis plus de trente ans, au regard notamment de l'évolution du taux de chômage. Notre système peine à inclure les jeunes, signe d'un problème à la fois d'orientation et de formation. La CFE-CGC propose depuis longtemps un passeport emploi-formation, inspiré de ce qui a été mis au point dans l'accord national interprofessionnel sur la formation. Il importerait que dès le collège, puisse être recueilli chaque année l'avis des quatre parties prenantes que sont l'élève, ses parents, ses enseignants, mais aussi les conseillers d'orientation. Il faut, en effet, sortir de la spirale infernale d'un système éducatif qui, bien que mobilisant le premier budget de l'État et d'une qualité indéniable, n'en laisse pas moins sortir tous les ans 150 000 jeunes sans qualification ni donc réelles perspectives d'intégrer le marché du travail. La CFE-CGC est très favorable à la formation en alternance, au développement duquel elle prend d'ailleurs toute sa part. C'est le meilleur moyen d'apprendre à connaître le monde professionnel, son fonctionnement et ses codes, et d'éliminer un critère aujourd'hui très discriminant à l'embauche, le manque d'expérience.

La compétitivité d'un pays comme le nôtre repose largement sur sa capacité à créer des emplois à forte valeur ajoutée et à progresser dans le secteur des hautes technologies. Or, depuis longtemps, les quarante à cinquante mille ingénieurs formés chaque année, y compris dans nos grandes écoles, donnent la préférence au secteur financier. Il faudrait renforcer l'attractivité de certaines filières professionnelles et du secteur industriel.

Aborder parallèlement compétitivité de l'économie et protection sociale n'est pas sans risque car les deux ne s'opposent pas, bien au contraire. Nous avons pu constater depuis 2008 que les stabilisateurs automatiques et les dépenses sociales ont amorti le choc de la crise et aidé à maintenir la cohésion sociale. Elles ont contribué à hauteur de 50 % à la sauvegarde des revenus de nos concitoyens et, partant, à la bonne tenue de la consommation des ménages, principal pilier de la croissance dans notre pays. Notre protection sociale constitue clairement un facteur de compétitivité.

Le niveau de la productivité horaire en France demeure tout à fait concurrentiel par rapport à celui des principaux pays avec lesquels nous sommes en compétition.

L'investissement en recherche et développement représente dans notre pays 2,1 % du produit intérieur brut, niveau qui n'est pas négligeable et même assez élevé par rapport à nos voisins européens. La stratégie de Lisbonne de mars 2000 fixait cependant un objectif de 3 %. La recherche-développement issue des entreprises présente tout particulièrement des faiblesses.

Le niveau des salaires n'obère pas la compétitivité de notre pays. C'est même un facteur d'attractivité pour les emplois des secteurs à forte valeur ajoutée et de haute technologie.

La CFE-CGC souhaiterait qu'on évalue de manière précise l'efficacité des allègements de charges sur les bas salaires. Cela paraît indispensable, compte tenu des montants en jeu et de la part de ces exonérations non compensées à nos organismes de sécurité sociale. Il nous semblerait utile de réfléchir à d'autres mécanismes que ceux existant aujourd'hui, ciblés sur les salaires de 1 à 1,6 SMIC. Nous proposons, pour notre part, un allègement général pour tous les salariés, par exemple sur les trois cents premiers euros de salaire, quitte à maintenir un dispositif spécifique pour les emplois des secteurs soumis à la concurrence internationale. Pour des emplois non délocalisables, comme beaucoup d'emplois de services, tout allègement de charges n'est qu'une aubaine, comme l'a été l'abaissement du taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration.

Notre pays ne manque pas d'attrait, comme en atteste la bonne tenue des investissements directs étrangers en France.

Notre système de protection sociale, qui redistribue 416 milliards d'euros par an, a le mérite de maintenir les solidarités, à commencer par la solidarité intergénérationnelle. Au principe fondateur de notre sécurité sociale posé en 1945, selon lequel chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, il semble pourtant qu'on cherche subrepticement à substituer un système dans lequel, aussi bien en matière d'assurance maladie, d'assurance chômage, d'assurance dépendance que de retraite, au-delà d'un certain socle – dont resterait d'ailleurs à déterminer précisément le contenu –, chacun serait invité à se débrouiller en fonction de ses moyens. Une telle évolution ne nous paraît pas envisageable à brève échéance. Il faudrait à tout le moins réfléchir auparavant sur la transition à opérer et sur la nature des protections pour lesquelles un tel modèle pourrait s'appliquer.

Si la CFE-CGC considère notre système de protection sociale comme un investissement qui ne doit pas être remis en cause au motif qu'il coûterait trop cher, elle n'exclut pas une réflexion sur des ajustements possibles et une remise à plat de son financement. Du fait du vieillissement de la population, les dépenses sociales croissent, en effet, plus vite que la richesse nationale et la masse salariale sur laquelle repose encore majoritairement leur financement. Nous proposons, pour notre part, la mise en place d'une cotisation sociale sur la consommation – préférable à un impôt, lequel n'est pas affecté. Or, en l'espèce, nous souhaiterions que cette ressource soit réellement dévolue à la protection sociale.

La CFE-CGC souhaiterait que les entreprises soient mieux informées des dispositifs de financement existants au-delà du secteur bancaire traditionnel : fond stratégique d'investissement, comités de filière, OSEO, Caisse des dépôts et consignations (CDC) Entreprises… Beaucoup de chefs d'entreprise ignorent toutes les possibilités existantes ou, en tout cas, jugent ces outils si complexes qu'ils préfèrent ne pas se lancer dans certaines opérations, trop aléatoires à leurs yeux.

La CFE-CGC souhaiterait aussi qu'on facilite la transmission des entreprises familiales. Celles-ci représentent plus de 80 % des entreprises dans notre pays mais seules 10 % d'entre elles – contre 50 % en Allemagne ou aux Pays-Bas – se transmettent aujourd'hui dans le cadre d'une continuité familiale. Avec le départ en retraite prochain d'un très grand nombre de chefs d'entreprise, le problème prend une acuité particulière. Chacun sait que lorsque la transmission se passe mal, des emplois risquent d'être détruits.

En conclusion, certaines initiatives ont été prises qui vont dans le bon sens. Nous soutenons sans réserve la mise en place d'une commission nationale de l'industrie et de comités de filière. Nous avons récemment demandé au ministre de l'industrie de créer un comité de filière supplémentaire relatif à l'énergie. Nous estimons pertinent le travail réalisé sur le made in France et la création d'un label « Origine France garantie ». Tout cela est positif. Beaucoup reste néanmoins à faire.

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